Au-delà des apparences

Au delà de Nancy Pelosi

La visite à Taiwan de madame Pelosi et les remous qu’elle a suscitée n’est que le dernier épisode d’un scénario dont le premier chapitre a été écrit il y a quelque 70 ans.

Tout a commencé le premier Octobre 1949 quand Mao proclame la République Populaire de Chine. Les communistes règnent en maitres sur le pays à l’exception de l’ile de Taiwan ou se sont réfugiées les dernière force du Kuomintang (KMT).En Janvier 1950 le président Truman déclare que Washington n’as pas l’intention de défendre Taiwan laissant par la entendre que le conflit entre Communistes et KMT est une problématique interne chinoise.

La donne change

Le 14 Février 1950 Mao signe un traité d’alliance avec Staline. Il suffit d’un trait de plume pour que la problématique chinoise change. Désormais, pour Washington, la victoire des communistes en Chine n’est plus un problème interne. Arrivant en pleine Guerre Froide le ralliement de la Chine au camp soviétique est susceptible d’affecter l’équilibre des forces sur le plan mondial.

Corée

Le 25 Juin 1950 la Corée du Nord attaque la Corée du Sud. Vu de Washington le scénario est simple ; derrière les Coréens du Nord il y a les Chinois et derrière les Chinois il y a Moscou. Il est donc impératif de tenir Pékin en échec si l’on veut contrer les Soviétiques. Et le lieu choisi, c’est Taiwan.

Ainsi ce même 25 Juin Truman ordonne à le 7 flotte de patrouiller dans le détroit de Taiwan pour empêcher les Communistes de débarque sur l’ile.

Vingt ans d’illusions

Pendant les vingt ans qui suivirent la politique étrangère Américaine perpétua la fiction que le KMT, réfugié à Taiwan représentait la Chine et fit pression sur ses alliés pour en faire de même. La rupture Sino-Soviétique, la guerre du Vietnam et la résilience du régime de Pékin eurent raison de cette chimère et le 25 Octobre 1971, au grand dam de Washington l’assemblée générale de l’ONU reconnut Pékin comme le seul gouvernement légal de la Chine. Il ne resta plus qu’aux Américains de suivre le mouvement. Le 1 Janvier 1979 les deux pays établirent des relations diplomatique sur le principe qu’il n’y avait qu’une seule Chine dont le gouvernement était à Pékin avec comme corollaire un non-dit à savoir qu’il y avait a Taiwan un pouvoir local de fait avec le-quel Washington continuerait à avoir des relations officieuses ; une façon de  mettre le problème en veilleuse. Mais pas son environnement.

Une Chine, deux pouvoirs

Le KMT, au pouvoir à Taiwan s’affirmait comme le gouvernement de la République de Chine à l’oppose de celui à Pékin qui s’affirmait comme celui de la République Populaire de Chine. En fait il y avait deux pouvoirs sur le territoire de la Chine avec ce bémol que l’un occupait une ile de quelques 20 millions d’habitant et l’autre les reste du pays qui en comptait plus d’un milliard. Et si la relation entre les eux fut émaillée de crises, celles-ci, certes bruyantes restèrent mineures.

Des élections

Le KMT qui se réfugia à Taiwan 1n 1949 n’avait à l’époque pas plus de velléités démocratique que son homologue Communiste.

Mais avec le temps Taiwan évolua vers une société qui acceptait une diversité politique Ainsi, en Janvier 2016, le KMT qui avait jusqu’alors régné sur l’ile perdit les élection qui virent la victoire de son principal adversaire le PPD ou Parti  Populaire Démocratique. Or contrairement au KMT qui était fondamentalement pan chinois, la charte du PPD, elle, prévoyait l’Independence pour l’ile. Pour Pékin, comme pour le KMT, c’était une ligne rouge à ne pas dépasser. Qu’un gouvernement chinois concurrent occupe une partie du territoire Chinois n’était pas pour plaire à Pékin mais c’était acceptable. Mais qu’un pouvoir local, qui doit son existence à une intervention occidentale fasse sécession et ampute la Chine d’une partie de son territoire ne l’est pas.

La réalité

C’est là une réalité que le PPD a bien compris et qui l’as amené à mette en sourdine ses projets d’Independence ; sans compter le fait que la constituions de Taiwan, adoptée par le KMT rend toute modifications des frontière de la Chine des plus problématiques. Mais il n’en reste pas moins que, vu de Pékin,  dans climat de méfiance mutuelle qui prévaut dans les relations entre les deux pays on est de plus convaincu que Washington, plutôt que d’encourager les diverses parties chinoises à trouver un compromis cherche à alimenter une sécession.

Status quo

Or celle-ci n’est pas ce que désire le Taiwanais moyen. En effet si le pourcentage de Taiwanais en faveur d’une réunification avec la Chine continentale est insignifiant la grande majorité des habitants de l’ile ne demande qu’une chose : le maintient du statu quo. Or celui-ci est éloquent.

On estime que entre 2 % et 3 % e la population de Taiwan soit environs 500 000 travaille en Chine en toute légalité. Taiwan, avec 190 milliards de dollars est le premier investisseur extérieur en Chine qui est la destination de 43 % des exportations de l’ile et 22 % de ses importations. Certes il y a parfois des embargos de pure forme mais dans le fonds les relations économiques entre les deux Chines ne semblent guère affectées par les manifestations de force.

Un avenir incertain.

Reste l’avenir. Lorsque Truman a envoyé la 7 flotte dans le détroit de Taiwan il l’as fait parce que il en avait les moyens et qu’il n’y avait personne pour l’en empêcher. Reste à savoir si dans les décennies à venir Washington aura et les moyens et la volonté pour intervenir à 12 000 km de ses cotes en faveur d’une ile peuplée de quelques  22 millions d’habitants au risque d’entrer en guerre avec la deuxième puissance économique au monde.

Alexandre Casella ; Ancien directeur pour l’Asie au HCR et ancien Secrétaire Exécutif au Centre Asiatique des HEI.

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