Une lecture verte de l'actualité politique

Nous avons besoin d’une nouvelle majorité pour réaliser la transition écologique

A cinq mois des élections fédérales, le temps est venu de faire le bilan de la législature qui s’achève. Je le fais ici en tant que verte, bien sûr, et en me concentrant sur le thème phare de mon parti, qui est également au centre de mon engagement depuis toujours : la transition écologique.

La législature précédente, entre 2011 et 2015, avait permis aux écologistes et à leurs alliés, via une majorité composée des Verts, des socialistes et du centre, de faire avancer la cause environnementale. Ce fut en particulier le cas avec l’adoption de la Stratégie énergétique 2050, contre-projet à l’initiative des Verts pour une sortie programmée du nucléaire. Mais la situation a changé en 2015. Une majorité bourgeoise et conservatrice peut depuis lors bloquer la transition écologique et ne s’est pas privée de le faire. Les écologistes et leurs alliés se sont cependant engagés avec fermeté pour l’environnement et sont parvenus à obtenir quelques succès d’étape. Ils restent malgré tout insuffisants. Nous avons besoin d’une nouvelle majorité pour réaliser la transition énergétique, répondre à l’urgence climatique, passer à une économie circulaire et préserver notre biodiversité.

Réaliser la transition énergétique

Durant la présente législature, le Parlement a refusé tout renforcement des exigences de sécurité pour nos vieilles centrales nucléaires, alors que la Stratégie énergétique 2050, contrairement à l’initiative des Verts, ne prévoit aucun délai pour leur fermeture. Face à ce blocage, les écologistes et leurs alliés se sont engagés par tous les moyens pour assurer la sécurité de la population, y compris en empruntant, aux côtés de la société civile, la voie juridique (en particulier pour fermer Beznau, la plus vieille centrale nucléaire encore en fonction dans le monde).

Pour remplacer rapidement le courant de nos vieilles centrales nucléaires, nous allons en outre devoir trouver une majorité pour prolonger les mesures de soutien aux énergies renouvelables. Le Parlement a en effet décidé de suspendre peu après 2020 ces soutiens et d’abolir à la fin de la décennie le programme d’assainissement énergétique du bâtiment. Or ce programme sera vraisemblablement toujours nécessaires par la suite, si nous ne le renforçons pas massivement d’ici là. En effet, pour le moment, il ne permet d’assainir chaque année qu’un pour cent du bâti existant. Enfin, le parlement a enterré la deuxième phase de la Stratégie énergétique 2050, qui aurait du prendre le relais des mesures actuelles.

Une nouvelle majorité est ainsi nécessaire, pour que nous puissions fermer à temps nos vieilles centrales nucléaires et poursuivre la transition énergétique pendant la prochaine décennie. Car, malgré le plébiscite de la Stratégie énergétique 2050 par le peuple, rien n’est assuré en la matière à ce jour.

Répondre à l’urgence climatique

La majorité actuelle du Parlement a vidé la loi sur le CO2 de sa substance, au mépris de l’accord de Paris et de l’avenir de nos enfants et petits-enfants. Les écologistes se sont engagés pour le climat en commission et par le biais de nombreuses interventions parlementaires, non pas depuis les récentes grèves du climat, mais depuis des décennies.

Aujourd’hui, la pression de la rue et la proximité des élections rendent soudainement certaines de nos propositions de longue date attractives pour nos collègues bourgeois, notamment la taxation écologique de l’aviation et de l’essence ou, au moins sur le principe, la réduction de l’impact climatique du secteur financier. L’avenir dira si les belles paroles actuellement émises en la matière se confirmeront dans des décisions concrètes. Nous sommes aussi parvenus à faire accepter par le Conseil fédéral et le Parlement un postulat sur les émissions négatives et le potentiel du stockage de CO2 dans notre pays.

Ces petits pas sont cependant peu de choses face à la crise climatique. Nous avons besoin d’une nouvelle majorité pour que des mesures concrètes, ambitieuses et efficaces soient enfin prises. Les collectivités publiques doivent donner les moyens aux entreprises et aux particuliers de se saisir des solutions durables, tant technologiques que comportementales, pour que nous puissions répondre, tous ensemble, à l’urgence climatique. Seul le maintien de la pression citoyenne, dans la rue et dans les urnes, y contribuera. Le succès de l’initiative des glaciers, ainsi que la vague verte qui déferle depuis des mois dans les cantons suisses et partout en Europe, nous donnent des raisons d’espérer.

Passer à une économie circulaire

Un des premiers gestes de la nouvelle majorité bourgeoise et conservatrice a été, à la session de décembre 2015, d’enterrer le contre-projet à notre initiative pour une économie verte. Ce contre-projet aurait pourtant permis de fixer dans la loi les premiers jalons d’une transition écologique de notre économie vers une économie circulaire. Alors qu’aujourd’hui l’économie circulaire est un enjeu largement débattu dans les entreprises, et de plus en plus perçue comme une opportunité, ce sont les partis qui prétendent représenter ces entreprises qui ont bloqué toute évolution législative dans ce domaine.

Nous ne nous sommes pas découragés pour autant et avons continué à intervenir pour que des mesures soient prises, notamment pour lutter contre l’obsolescence programmée et réduire le gaspillage de ressources. Avec succès dans certains cas, puisque le Parlement a par exemple accepté un postulat vert demandant une stratégie de gestion durable des plastiques, à l’image de ce qui se fait déjà en Europe.

Cependant, c’est l’ensemble des ressources et des produits qui devrait être conçu pour être réutilisé et revalorisé, avant d’être recyclé ou éliminé de manière écologique. De facto, la transition vers une économie circulaire concerne toutes les entreprises et tous les secteurs économiques. De nouveaux modèles économiques favorisant cette transition doivent en outre être encouragés, à l’image de l’économie de fonctionnalité, qui permet de vendre l’usage d’un bien plutôt que le bien lui-même. On est loin d’une telle transition de fond aujourd’hui. Seule une nouvelle majorité au Parlement pourra prendre les mesures nécessaires pour rendre cette transition possible et attractive, à la fois pour les entreprises et pour les consommateurs.

Préserver la biodiversité

Suite à une proposition verte datant de 2008, la Suisse dispose enfin d’une Stratégie Biodiversité. Mais, faute de mesures efficaces et de moyens suffisants, on sait déjà que ses objectifs pour 2020 ne seront pas atteints, tout comme les engagements internationaux pris par notre pays dans ce domaine. Nous n’avons pourtant pas attendu le dernier rapport alarmant de la Plateforme intergouvernementale pour la biodiversité (IPBS) pour lutter en faveur de la biodiversité.

Quelques succès d’étape ont heureusement pu être obtenus durant la dernière législature. Il s’agit d’un postulat vert sur un plan de sortie du glyphosate et de la reprise d’une mesure importante du contre-projet à l’initiative pour une économie verte, l’interdiction d’importation de bois issu de coupes illégales, qui réduira notre impact sur la biodiversité dans les forêts primaires. Si le Parlement suit la commission de l’environnement du Conseil national en juin, un autre point du contre-projet pourrait être repris, avec la possibilité, pour le Conseil fédéral, de fixer des exigences pour l’importation de certains produits ou matières premières problématiques pour l’environnement. Nous nous engageons en particulier pour que cela soit le cas de l’huile de palme.

Cependant, l’affaiblissement de la protection des espèces protégées, lors de la récente révision de la loi sur la chasse, montre qu’une nouvelle majorité est nécessaire pour que la Suisse prenne enfin l’« urgence biodiversité » au sérieux. Nous avons aussi besoin d’un Parlement plus écologiste pour réaliser l’indispensable transition vers une agriculture durable, libérée des pesticides de synthèse et de l’élevage intensif. Une véritable transformation de l’agriculture, selon les principes de l’agro-écologie, s’impose. Or, pour le moment, les mesures prises principalement dans le cadre des plans d’action sur les abeilles et sur les produits phytosanitaires sont dramatiquement insuffisantes. Heureusement, deux initiatives populaires contre les pesticides sont sur la table, ainsi que, dans le domaine de la bientraitance animale, une initiative contre l’élevage intensif. Comme dans le domaine du climat, la pression de la société civile, que ce soit dans la rue, par les instruments de la démocratie directe ou dans les urnes, reste indispensable pour que le Parlement avance, ne serait-ce que de quelques pas.

 

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