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Climat : après la ratification de l’accord de Paris, le combat commence

Notre parlement vient d’accepter de ratifier l’accord de Paris sur le climat. L’heure est maintenant à l’action, en Suisse et ailleurs, ce d’autant plus que les Etats-Unis manquent désormais à l’appel. Or on sait déjà que les objectifs de réduction des émissions de CO2 annoncés par les différentes parties ne suffiront pas à nous maintenir en dessous de la limite des deux degrés de réchauffement.

Un projet minimaliste du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral, qui s’est fixé un objectif de réduction de 50 % de nos émissions de CO2 d’ici à 2030, a mis en consultation une révision de la Loi sur le CO2. Ce projet est déjà conspué par les milieux conservateurs : la Suisse ne devrait pas agir en pionnière dans le domaine climatique, les mesures de réduction des émissions devraient être prises au maximum à l’étranger plutôt qu’en Suisse, les seules mesures acceptables seraient volontaires… Pourtant, le projet du Conseil fédéral est déjà minimaliste. L’une des victoires de l’accord de Paris a été d’exiger que le réchauffement climatique soit maintenu en dessous des 2 degrés, idéalement à 1,5 degrés. Or notre pays n’a pas adapté les mesures qui étaient envisagées auparavant, des mesures qui avaient déjà été jugées insuffisantes pour atteindre un objectif de 2 degrés.

S’émanciper du mazout

Venons-en aux mesures concrètes. En matière de logement, le Conseil fédéral prévoit certes de relever la taxe CO2 sur le mazout, qui a d’ores et déjà fait ses preuves, voire d’interdire, mais en 2029 seulement et à titre de mesure subsidiaire, l’installation de nouveaux chauffages à mazout (la Norvège prévoit, elle, de le faire en 2020 déjà). Ces deux mesures, violemment attaquée par les milieux bourgeois, sont indispensables. Le premier défi sera de les faire accepter par le parlement. Il ne suffit cependant pas d’augmenter la taxe CO2: si les propriétaires ne parviennent pas à investir dans un système de chauffage écologique ou dans l’isolation de leur logement, elle ne sera pas efficace. Tant que les coûts de ces adaptations constituent un obstacle, il faut continuer à soutenir l’assainissement énergétique des bâtiments. Et bien sûr imposer des prescriptions de plus en plus exigeantes en matière d’innovation et d’efficience, conformément aux derniers développements technologiques, pour les nouveaux bâtiments.

Passer aux voitures électriques

En matière de mobilité, le Conseil fédéral veut réduire progressivement les moyennes d’émissions de CO2 des nouveaux véhicules introduits sur le marché. Cependant, sans taxation de l’essence, et alors que les importateurs ont échoué récemment encore à atteindre les objectifs fixés, il est à craindre que l’impact de telles mesures soit limité. Il faudrait appliquer au domaine de la mobilité le même principe qu’à celui du chauffage. Quand des alternatives innovantes et propres existent et qu’elles deviennent abordables – par exemple les chauffages basés sur les énergies renouvelables ou les voitures électriques – il faut exclure les technologies dépassées et polluantes du marché. Plusieurs pays suivent déjà cette voie : le gouvernement norvégien veut interdire la vente de véhicules équipés d’un moteur à combustion à partir de 2025. Aux Pays-Bas, la Chambre basse du Parlement a adopté une proposition similaire. Enfin, le ministre de l’énergie indien vise un parc automobile 100 % électrique en 2030. Si la Suisse décidait de ne plus immatriculer de nouvelles voitures à essence à partir de 2025, son parc automobile serait assaini d’ici à 2035, compte tenu de la durée de vie moyenne des véhicules. Cela exigerait bien sûr une politique d’accompagnement en termes d’infrastructure de recharge et de production d’électricité durable. Les alternatives au transport individuel motorisé doivent par ailleurs être encouragées de manière renforcée.

Agir sur le trafic aérien

Des solutions doivent être trouvées pour réduire les émissions de CO2 dans l’aviation. Aujourd’hui déjà, cette dernière est responsable de 16% des émissions attribuées à la Suisse. Pourtant, le Conseil fédéral ne prévoit aucune mesure dans ce domaine, si ce n’est d’intégrer l’aviation au système des certificats de CO2 européen, qui ne fonctionne pas du tout, tant les « droits de polluer » sont bon marché. Tout doit être fait pour développer des technologies plus efficientes et le principe du pollueur-payeur doit être appliqué à ce secteur, où les prix sont dérisoires. Ils ne tiennent aucunement compte des dégâts climatiques causés et rendent vaine toute tentative d’innovation. Des systèmes de taxation existent déjà dans plusieurs pays européens, dont la Grande-Bretagne, qui perçoit ainsi entre 3 et 4 milliards de livres par an. Cet argent peut être redistribué à la population ou en partie réinvesti, par exemple dans de nouvelles technologies écologiques en matière de transports. Les alternatives propres existantes doivent aussi être développées, en particulier à l’échelle continentale. Il est surréaliste, notamment, que les trains de nuit soient peu à peu supprimés un peu partout en Europe. L’offre devrait au contraire être améliorée et promue.

Produire et manger mieux

En matière d’alimentation, le Conseil fédéral prévoit de fixer des objectifs à l’agriculture et de prendre des mesures dans la prochaine politique agricole. C’est nécessaire, même si les adaptations de la politique agricole de ces dernières années vont dans le bon sens. Il faudra notamment cesser d’encourager activement la production et la consommation de viande, pour des raisons climatiques mais aussi de santé publique. Notre consommation – plus de 50 kg de viande par personne et par an – est quatre fois plus élevée que ce que recommandent les médecins. Chacun est libre de choisir ce qu’il met dans son assiette et cela doit rester ainsi. Cependant, il n’est pas acceptable que la Confédération dépense chaque année des millions de francs pour faire la promotion de la consommation de viande. Cet argent serait mieux investi dans la sensibilisation aux avantages d’une alimentation locale, diversifiée et de saison. L’efficience et la durabilité dans les méthodes de production agricole doivent aussi être améliorées. Quand on sait que l’agriculture suisse importe deux calories sous forme de pétrole pour produire une seule calorie alimentaire, on perçoit toute l’ampleur de l’enjeu.

Investir dans les technologies propres

Enfin, des mesures doivent être prises pour décourager les investissements dans le carbone. Rien n’est prévu à cet effet dans le projet du Conseil fédéral. Pourtant, chaque franc offert aux barons des énergies fossiles génère des émissions de CO2 et manque aux technologies de l’efficience et des renouvelables. Dans un récent rapport, les Artisans de la transition montraient qu’avec moins de 10 pour cent de sa fortune placés à la Bourse des Etats-Unis, soit 61,5 milliards de dollars, la BNS émettait autant de CO2 que la Suisse entière, contribuant ainsi à placer le monde sur une trajectoire de plus 4 à plus 6 degrés de hausse des températures. Cela doit cesser : la BNS ne peut pas se mettre en totale contradiction avec la politique climatique de la Confédération, ce d’autant plus que l’accord de Paris exige que les flux financiers deviennent compatibles avec la préservation du climat. Par ailleurs, les clients et investisseurs de nos banques et caisses de pensions doivent pouvoir connaître le bilan carbone lié à leur argent, afin d’être à même de prendre des décisions responsables en la matière.

Se mobiliser pour demain

On le voit, la ratification de l’accord de Paris par la Suisse n’est pas un aboutissement. C’est le début d’un combat qui, dans un parlement où la droite conservatrice a la majorité, n’est pas gagné d’avance. Une forte mobilisation des forces progressistes, innovantes et responsables est plus nécessaire que jamais.

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