Une lecture verte de l'actualité politique

Pourquoi je ne suis pas végane

Ma collègue verte lausannoise Léonore Porchet est l’auteure d’un hashtag que j’aime bien : #etreecolocestrigolo. La plupart du temps, ce hashtag est tout à fait justifié. Mais, admettons-le, il y a des domaines où, être écolo, cela peut être un peu compliqué malgré tout. Prenons donc un sujet qui fâche, avec l’alimentation et, en particulier, notre rapport à la viande.

De la cohérence du véganisme

Le mouvement végane a pris rapidement de l’ampleur, alors qu’il n’y a pas si longtemps, le simple fait d’être végétarien vous faisait passer pour un ayatollah de l’écologie. Cela ne peut que m’interpeler comme verte. Le véganisme a quelque chose qui me séduit énormément : la cohérence. En effet, les végétariens qui consomment des produits laitiers cautionnent de fait la filière de la viande bovine, dans la mesure où il faut qu’une vache ait régulièrement des veaux pour produire du lait. Or, ces veaux, il faut bien en faire quelque chose : ils sont consommés par ceux d’entre nous qui sont restés omnivores. Quand on est végane, contrairement aux végétariens, on refuse l’élevage dans son ensemble. Les choses sont claires.

La vie d’un animal de rente peut-elle valoir la peine d’être vécue ?

Cette position vaut cependant la peine que l’on réfléchisse à ses aboutissements. Si l’on refuse tout produit issu de l’élevage d’animaux, cela va plus loin que de refuser l’exploitation ou l’abattage de ces derniers. Si vous décidez, par exemple, de cesser de consommer des produits issus de la pêche ou de la chasse, des animaux sauvages continueront à exister indépendamment de votre choix. Par contre, si nous décidions à large échelle de ne plus consommer de produits issus d’animaux d’élevages, ceux-ci disparaîtraient car ils n’existent que du fait de notre consommation. Se pose alors une question fondamentale : leur disparition est-elle souhaitable ? Dans le cas de l’élevage industriel de masse, je pense que oui. De telles vies entrent tellement en contradiction avec les besoins fondamentaux d’êtres sensibles, qu’elles ne valent pas la peine d’être vécues. Mais, dans de bonnes conditions d’élevage, à petit échelle, extensives, en plein air, correspondant aux besoins de l’espèce, de telles vies ne pourraient-elles pas valoir la peine d’être vécues ?

Manger moins de viande : un impératif pour les consommateurs

Même si j’ai le plus grand respect pour ceux qui ont fait le choix d’être véganes, je continue à manger des laitages et, de temps en temps, la viande qui va avec. Parce que, à tort ou à raison, je ne peux pas renoncer à l’idée qu’un élevage respectueux est possible et que, dans certaines conditions, des animaux de rente peuvent vivre une vie digne d’être vécue. Peut-être aussi parce que je suis gastronome et que je ne suis pas prête à un si grand changement… Mais j’ai réduit drastiquement ma consommation et je choisis des produits locaux et labellisés. Pour notre santé, il est recommandé de se limiter à 240 grammes de viande par semaine. Ce qui est bon pour nous est aussi bon pour notre environnement. En Suisse, nous engloutissons en moyenne une cinquantaine de kilos de viande par personne et par année. C’est beaucoup trop pour notre santé, mais c’est aussi destructeur pour le climat : la production de viande est responsable de 14 % des émissions mondiales de CO2. Enfin, seul un élevage à petite échelle peut assurer un certain respect des animaux.

Politique: les conditions-cadres doivent aussi évoluer

La politique joue également un rôle. Ce mardi 6 juin, le parlement a refusé de supprimer des subventions annuelles de six millions de francs visant à promouvoir la viande. Vous vous souvenez de cette publicité « Tout le reste n’est que garniture » ? Une telle politique de soutien est complètement dépassée à l’heure de l’Accord de Paris et du rejet, par des consommateurs de plus en plus nombreux, de l’élevage traditionnel. Les conditions-cadres doivent évoluer, sans qu’il soit pour autant nécessaire de nous contraindre dans nos choix personnels. Ce n’est certainement pas la consommation de viande que les collectivités publiques doivent encourager, mais celle d’aliments écologiques et sains. Ensuite, chacun d’entre nous est libre de choisir ce qu’il met dans son assiette.

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