Ce sont deux sujets de votations dont la Suisse aura à traiter, deux sujets apparemment sans lien l’un avec l’autre mais reliés par une conséquence: que l’un ou l’autre sujet soit accepté, et l’activité qu’ils visent en sera profondément bouleversée, avec des conséquences incalculables sur le pays, sa cohésion, sa prospérité. Il n’y a que dans un pays où tout semble aller pour le mieux que le débat public ose se porter sur ce genre de question qui tue.

La première question qui sera posée le 4 mars prochain est No Billag, l’initiative qui entend interdire à la Confédération d’interdire tout subventionnement à un média électronique quelconque. Signifiant la mort du modèle de financement du service public par le système de la redevance, elle annonce la fin de la SSR telle que nous la connaissons, avec d’immenses conséquences sur la diversité de l’information, son indépendance face aux groupes d’intérêt, et la diversité de l’offre dans toutes les régions du pays. Ses partisans soutiennent qu’un modèle alternatif pourra être mis en place durant le délai de quelques mois accordé par l’initiative, mais ne s’étendent pas sur les modalité. Ce qui est pour le moins léger dans un pays où l’on apprécie tout particulièrement préparer les changements dans leurs moindres détails!

La seconde est l’initiative Monnaie Pleine, qui vise à conférer à la Banque nationale le monopole du crédit en plus de celui de l’émission de monnaie. Le secteur bancaire privé se verrait ainsi privé de sa capacité à octroyer des prêts sur la base de l’épargne qu’il a collectée, et se verrait ainsi privé du profit qu’il retire de sa participation à la création de monnaie. L’idée de base des initiants est d’empêcher le secteur financier privé de répéter les excès qui ont conduit aux crises financières passées (1989 en Suisse, 2008 à l’échelle mondiale). Le problème de cette proposition, c’est qu’elle tue le secteur bancaire, en particulier celui qui accorde les prêts hypothécaires et aux entreprises mais ne touche pas vraiment les banques qui structurent des opérations de financement telles que les émissions de titres. Donc, elle se trompe de cible.

Le génie de la démocratie directe, c’est la capacité conférée à chaque citoyen de pouvoir remettre en cause en tout temps les fondements mêmes de son existence. Mais ce pouvoir ne peut s’exercer efficacement qu’avec responsabilité. Or, tant No Billag que Monnaie Pleine ne vont pas jusqu’au bout de leur démarche. Leurs questions sont fondamentales, mais leurs réponses totalement évanescentes. Accepter ces deux textes sans réfléchir à leurs conséquences à long terme, c’est prendre le risque, immense, de détruire les bases de la prospérité suisse.