Dès avant son élection il y a un peu plus d’un an, Donald Trump avait clairement expliqué la couleur: la finance étouffe sous les règles. Son élection avait par conséquent été comprise comme le basculement d’une nouvelle ère, aux Etats-Unis, celle d’un allégement des normes. Il est vrai que celles-ci ne cessent de se resserrer depuis la crise de 2007, au point de compter plusieurs dizaines de milliers de pages.
Comme l’on pouvait s’en douter, l’idée a immédiatement trouvé des adeptes de ce côté-ci de l’Atlantique où le renforcement constant des règles ne fait pas que des amis dans le monde de la banque et de la finance. Il est vrai que le Comité de Bâle, l’instance internationale suprême en la matière, édicte constamment de nouvelles normes; que les Etats les adoptent (la Confédération vient juste d’introduire un nouveau durcissement concernant les banques, après des années de discussions); que certaines directives de l’Union européenne sont parfois si touffues que même les assujettis les mieux disposés ne parviennent pas toujours à les appliquer dès le premier jour. Aussi, certains grands patrons de banque, notamment Sergio Ermotti, directeur général d’UBS font entendre leur voix.
L’offensive s’est renforcée cet automne en progressant d’un échelon, celui d’anciens responsables de la réglementation passés désormais de l’autre côté. C’est le cas de Lorenzo Bini Smaghi, membre jusqu’en 2011 du directoire de la BCE devenu président de la filiale italienne de Société Générale, une grande banque commerciale française.
Son propos, développé mardi 21 novembre lors d’une conférence au Centre international d’études monétaires et bancaires à Genève (et lors d’une interview parue quelques jours plus tôt), se résume ainsi: lâchez la bride aux banques commerciales afin qu’elles puissent prêter davantage aux entreprises, relançant ainsi la croissance économique de la zone euro. La BCE a fait de grands efforts, mais sa marge de manoeuvre se rétrécit de jour en jour. Elle ne pourra donc plus très longtemps soutenir à elle seule la reprise de la conjoncture comme elle le fait au moyen d’injections massives de liquidités. Mais pour que les banques privées puissent prendre le relai, la réglementation doit être allégée.
Décidément, ces voix portent loin: ce même 21 novembre, plusieurs très grandes banques se sont vu rétrogradées dans des catégories moins risquées par le Conseil de la stabilité financière, qui regroupe les principales autorités mondiales de surveillance des marchés financiers. Et qui trouve-t-on dans ces banques jugées moins dangereuses pour la stabilité financière mondiale? Deux géants français, BNP Paribas et Société Générale. Les gendarmes financiers mondiaux peuvent continuer de tricoter un tissu réglementaire toujours plus dense. Ils savent que le vent de l’Histoire est désormais contre eux. Jusqu’à la prochaine crise.