Le jeudi 27 juillet au soir, un violent orage s’est abattu sur Istanbul, mégalopole de 15 millions d’habitants, causant inondations diverses et interrompant les transports. L’aéroport international Atatürk a notamment été fortement touché. Vingt-quatre heures plus tard, il n’avait toujours pas retrouvé son fonctionnement normal, multipliant les vols retardés de plusieurs heures, voire annulés.

Ce genre de scène, que toute plate-forme aérienne globale connaît, semble toutefois souffrir d’un autre mal: le manque de personnel qualifié depuis que le gouvernement Erdogan multiplie les purges de supposés gülenistes, ces adeptes d’une communauté religieuse accusée par les autorités d’avoir orchestré le coup d’Etat raté du 16 juillet 2016. L’aéroport Atatürk, principale porte de la Turquie, voit donc son bon fonctionnement entravé par l’illusion de l’Etat de voir des ennemis partout. Ces entraves ne concernent pas que cette infrastructure, mais le pays tout entier, sa société, et donc son économie.

La Turquie ne peut guère se permettre de poser ce genre d’obstacle sur son propre chemin. Elle vit déjà au-dessus de ses moyens: sa balance des paiements est chroniquement déficitaire. Son inflation est élevée (plus de 10%). Tout obstacle à sa croissance économique peut la faire basculer dans le chaos (récession, hyperinflation), des épisodes qu’elle a connus dans un passé encore proche, et qui avait nécessité une intervention du FMI en 2001 encore.

Or, c’est ce que le gouvernement Erdogan est en train de faire. Ses purges (plus de 150’000 personnes licenciées pour “gülenisme” supposé) entravent le bon fonctionnement de secteurs-clé comme l’éducation, la justice et certains services publics. Les arrestations, parfois arbitraires, ainsi que les procès de journalistes et de militants des droits de l’Homme instaurent un climat de peur dans le pays. Le gouvernement exacerbe les divisions de la société en réislamisant progressivement son fonctionnement, et hystérise le climat politique en favorisant le culte des “martyrs” morts pour empêcher le coup d’Etat de juillet 2016.

Tout cela fait fuir investisseurs étrangers et touristes, les deux principales sources de revenus du pays, aux côtés des exportations de biens industriels. Les investissements directs ont fléchi, les entrées de visiteurs divisées par deux. Il y a de la place sur les plages turques en ce moment.

Obsédé par son idéologie fondée sur la revanche des conservateurs islamistes sur les laïques républicains qui ont dirigé le pays pendant des décennies, le gouvernement Erdogan est en train de détruire la croissance économique qui avait assuré son succès.  Le pire, c’est que l’opposition reste très divisée. Le jour où Erdogan perd le pouvoir, qui viendra le remplacer? Là est toute la question de l’avenir d’un pays grand comme l’Allemagne à moitié intégré dans l’Europe.