Prévoyance 2020: Entreprises contre contribuables

Des deux modèles de réforme de la prévoyance 2020 en concurrence aux Chambres fédérales, l’on a coutume de dire qu’il en est un émanant du Conseil des Etats et l’autre défendu par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national, soutenu par ce dernier. Le premier est le plus proche du projet présenté, après des années de négociations, par le conseiller fédéral Alain Berset, le second est défendu par la majorité UDC-PLR de la Chambre basse. En cas de désaccord, mi-mars, entre les deux chambres, c’est la situation actuelle qui prévaudra, amenant mécaniquement une baisse des prestations sous la pression conjuguée de l’allongement de la durée de vie et de l’érosion des rendements des placements.
Mais il y a une autre manière de voir cet affrontement; celui des représentants des entreprises contre ceux des contribuables. Les premiers sont forts au Conseil national. Les seconds prévalent aux Etats.
Le projet du National repose notamment sur un allongement de la durée du temps de travail et une progression des bonifications (prélèvements paritaires sur les salaires). Et s’oppose, comme cela est constamment rappelé, à une élévation de 70 francs mensuels de la rente AVS.
Par conséquent, il favorise, sur le marché de l’emploi, les travailleurs jeunes au détriment des travailleurs âgés. Ces derniers restent au chômage plus longtemps, voire doivent recourir à l’aide sociale lorsqu’ils ne peuvent pas trouver de solution satisfaisante comme travailleurs indépendants. Les coûts de financement paritaire du 2e pilier sont donc maintenus sous contrôle, pour le bien des trésoreries des entreprises, qui financent au moins à parité les cotisations de leurs employés. Mais la charge est reportée sur l’Etat, et donc les contribuables.
Le projet des Etats, au contraire, repose notamment sur des prélèvements accrus sur les salaires pour financer les prestations du 2e pilier, par deux moyens: l’aplatissement de la courbe des bonifications d’une part, et par augmentation plus forte des prélèvements paritaires pour financer, sur la longue durée, la hausse des prestations de l’AVS d’autre part. Elle rééquilibre les chances des différentes classes d’âge sur le marché de l’emploi et contribue ainsi à une réduction du chômage de longue durée des travailleurs seniors. Au prix d’une élévation des charges sociales sur les salariés et les entreprises. Mais au moins l’aide sociale est-elle moins sollicitée, au bénéfice des finances publiques.
Pour résumer, le durcissement des Chambres amène à la situation absurde où les entreprises sont amenées à s’affronter aux contribuables… dont elles font aussi partie. Une situation hautement malsaine au moment de répondre, pour de nombreuses années, un défi majeur pour la stabilité sociale de la Suisse.

Yves Genier

Journaliste économique depuis le milieu des années 1990, historien de formation, je suis particulièrement intéressé aux questions bancaires, financières, fiscales et, naturellement, macroéconomiques et leurs conséquences politiques et sociales.

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