Tous derniers râles de secret financier

Il est furieux, Bob Richards, le Premier ministre des Bermudes. Si les intérêts de son île, territoire britannique d'Outre-mer, sont menacés, il "n'hésitera pas à réclamer l'indépendance". L'an dernier, il brandissait cette menace à la lumière du Brexit. Désormais, c'est la fin promise par Londres du secret bancaire et financier de son pays qui le mettent au pied du mur.

Depuis des années, le gouvernement britannique – sous pression de l'OCDE, du G20, des Etats-Unis (eux mêmes pas sans reproches!) et de l'UE – cherche à imposer une transparence nouvelle à ses multiples territoires ultramarins. Le projet qui fait consensus est l'imposition à chacune de ces juridictions (les Bermudes bien sûr, mais aussi les Îles Vierges, les Îles Caïman et d'autres lieux enchanteurs) la création d'un registre des sociétés dans lesquels seraient consignées les identités des détenteurs de sociétés offshore. En clair, imposer par la loi ce que les Panama Papers ont partiellement dévoilé grâce à une gigantesque indiscrétion.

Evidemment, les gouvernements des territoires concernés s'y opposent, arguant du fait que le Royaume-Uni est lui-même un "paradis fiscal" avec une concentration de millionnaires due "au climat fiscal", ainsi que l'a clamé Bob Richards. Un argument pas faux, connaissant le régime des "résidents non-domiciliés" en vigueur dans le pays. Un régime en déclin, du reste, qui verra l'introduction de nouvelles limitations.

Mais imaginons un instant que Bob Richards obtienne l'indépendance de son pays. Il pourra maintenir ses précieux secrets… le temps que les autres pays réagissent et lui imposent la batterie de sanctions prévue par le Forum sur la transparence et l'échange de renseignements. Un organe que la Suisse a appris à respecter ces dernières années, pour éviter de retomber dans les listes grises ou noires.

Moralité: les défenseurs du mythique secret bancaire, qui n'ont pas encore désarmé en Suisse, vont se retrouver de plus en plus seuls. Les partisans de l'initiative Matter, qui cultive l'illusion de pouvoir encore bétonner le secret bancaire dans la Constitution fédérale et qui sont même parvenus à emporter l'adhésion des Chambres (!) pourront toujours convier Bob Richards à une fondue à déguster sur le Grutli. Qu'ils gagnent ou qu'ils perdent en votation populaire. Car cela ne changera strictement rien.

Yves Genier

Journaliste économique depuis le milieu des années 1990, historien de formation, je suis particulièrement intéressé aux questions bancaires, financières, fiscales et, naturellement, macroéconomiques et leurs conséquences politiques et sociales.

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