Secret bancaire, le mythe du Parlement

D'ordinaire, les Chambres fédérales recommandent le rejet des initiatives populaires. Assez curieusement, le Conseil national a rompu avec cette habitude le 15 décembre pour donner son appui au texte de l'initiative "pour le maintien de la sphère privée", qui veut ancrer le secret bancaire dans la Constitution.

Tout le monde le sait, cette démarche va à l'envers de l'Histoire puisque la Suisse conclut à marche forcée des dizaines d'accords permettant l'échange automatique d'informations avec des pays aussi divers que l'Argentine, le Canada et l'Inde. Elle est même nuisible à la Suisse puisqu'elle complique la tâche des autorités fiscales pour lutter contre la fraude à l'intérieur du pays, et pénalise l'image d'un pays qui n'a pas encore convaincu le reste de la planète de la sincérité de son atachement aux nouveaux principes.

Alors que le secret bancaire a permis pendant des décennies à la place financière de prospérer au détriment des fiscs étrangers, il ne va plus faire qu'une victime, le contribuable suisse, qui devra payer pour les fraudeurs que le maintien du secret va continuer de protéger. Alors que les budgets se serrent partout, aussi bien à la Confédération et dans les cantons, l'absurdité de la démarche n'échappe à personne.

Le plus aberrant est que l'initiative n'aura, au mieux, qu'un effet très limité, voire aucun effet du tout. Les gros fraudeurs, qui soustraient plus de 300'000 francs, sont poursuivis pénalement, procédure qui permet déjà la levée du secret bancaire. Quant aux petits, il leur est de plus en plus difficile de dissimuler des revenus, tant les moyens de contrôles du fisc se sont développés!

Au mieux, donc, un tel texte ne peut que profiter à quelques avocats, notaires et banquiers peu scrupuleux du bien public et enchantés de vendre un secret bancaire largement vidé de sa réalité. Et qui sont minoritaire: les associations professionnelles, à commencer par l'ASB, sont opposées à ce texte.

La décision du National ressemble à une tentative inutile de prendre une revanche sur l'Histoire qui, on le sait, a forcé les autorités et les banques suisses à se conformer à la transparence. Chez certains, à commencer par le banquier et conseiller national UDC Thomas Matter, père de l'initiative, cet alignement forcé n'a toujours pas été avalé. On peut faire moins puéril.

Yves Genier

Journaliste économique depuis le milieu des années 1990, historien de formation, je suis particulièrement intéressé aux questions bancaires, financières, fiscales et, naturellement, macroéconomiques et leurs conséquences politiques et sociales.