De l’argent gratuit pour longtemps encore

C'est bientôt Noël, et cela le restera longtemps encore. Pour le coût du crédit, du moins. Ce n'est pas parce que la Fed, la banque centrale des Etats-Unis, a décidé le 14 décembre de relever (pour la 2e fois depuis la fin de la crise américaine) de relever de 0,25% son taux d'intérêt se référence, que nos institutions, côté européen de l'Atlantique, vont faire de même. C'est du reste le message qu'a fait passer la Banque nationale suisse (BNS) au lendemain de la décision du Comité de politique monétaire présidé par Janet Yellen: les taux ne bougent pas, et iles ne bougeront pas avant de nombreux mois.

Les raisons conjoncturelles sont nombreuses, pourtant, pour plaider le contraire, de la reprise de la conjoncture en Europe (et en Suisse, après le choc du franc fort) à l'effet des Trumponomics, ces promesses (vagues) de relance économiques aux Etats-Unis. Mais comme le dit la BNS elle-même, la reprise de la conjoncture ne provoque pas de hausse sérieuse des prix (l'inflation devrait tout au plus passer de -0,2% aujourd'hui à +0,2% dans un an!). Et la reprise de la conjoncture reste bien timide, inférieure au seuil des 2% considérés comme le niveau d'équilibre au-dessus duquel l'économie est en surchauffe.

Bien sûr, les marchés financiers ne voient pas les choses tout à fait de la même façon. Les taux d'intérêt à long terme, qui reflètent les attentes d'inflation à plusieurs années, sont sensiblement remontés ces derniers mois, particulièrement en Suisse. Mais ils restent négatifs: les créanciers paient toujours la Conféération pour lui prêter de l'argent à raison de 11 centimes par tranche de 100 francs! La tendance est similaire dans le reste de l'Europe, même si les taux longs ne sont pas négatifs, mais légèrement en-dessus de zéro (0,37% pour l'emprunt à dix ans de l'Etat allemand).

Mais les marchés ne sont pas toujours clairvoyants, c'est une évidence. En l'occurrence, ils se laissent bercer par les promesses d'un Donald Trump qui dit beaucoup de choses imprécises et contradictoires. Mais cela leur permet d'oublier, pour un temps au moins, qu'ils ne se sont pas libérés de la "répression financière", cet ensemble de politiques monétaires et économiques qui noient les pays sous des flots de liquidités sans que celles-ci puissent être efficacement employées pour créer de la croissance, et que la Banque centrale européenne va prolonger. Mais on les comprends, ces marchés: c'est bientôt Noël.

Yves Genier

Journaliste économique depuis le milieu des années 1990, historien de formation, je suis particulièrement intéressé aux questions bancaires, financières, fiscales et, naturellement, macroéconomiques et leurs conséquences politiques et sociales.