Faux dur

Un dur. Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble s'est forgé une réputation de responsable intransigeant de la bonne gouvernance financière au niveau des Etats. Face à la Grèce, il n'a jamais transigé, publiquement, face à l'exigence qu'Athènes assume sa dette. Face au "Club Med", terme peu respectueux que certains commentateurs allemands attribuaient aux pays du sud de l'Europe supposés peu disciplinés au plan financier, il s'est forgé l'image d'un gardien de l'orthodoxie. Et a gagné un très grand respect de la communauté financière et des commentateurs qu'ulcéraient les tours de passe-passe grecs et les compromissions à la française.

Mais Wolfgang Schäuble est avant tout un homme politique de premier plan, y compris pour caresser ses électeurs dans le sens du poil. Face aux banques allemandes, il n'affiche pas le même discours que face au Premier ministre grec Alexis Tsipras. La dureté, l'orthodoxie des comptes ne pèsent pas le même poids à Francfort et à Athènes.

Cela fait des années que l'on sait les banques allemandes insuffisamment capitalisées pour faire face à une crise financière de première magnitude. Cela fait des années, aussi, que la Deutsche Bank se présente comme l'homme malade des huit à dix établissements financiers européens et américains qui dominent les marchés financiers. Et que plusieurs banques régionales d'outre-Rhin ne passent les tests de résistance imposés par la Banque centrale européenne que grâce à des critères plutôt avantageux à leur endroit.

Cela fait des années, aussi, que les régulateurs internationaux tentent de renforcer la solidité capitalistique des banques pour éviter une répétition de la crise de 2008. En Suisse, ce mouvement – grâce à l'ancien président de la BNS Philipp Hildebrand notamment – a été appliqué avec une rigueur particulière, qui a notamment plongé Credit Suisse dans quelques difficultés (sans grande gravité). Mais au plan européen, les conséquences de ces durcissements ont eu nettement moins de portée.

Les exigences de fonds propres pour les grandes banques sont, ainsi, moins fortes que pour les établissements helvétiques. Ce fait avait été dénoncé au début de la décennie, déjà, lors des débats, notamment en France, concernant l'application de la directive communautaire relative à ce durcissement. En cause, évidemment les lobbies des banques à Bruxelles, qui ont fait leur boulot mais que personne n'a su contrer efficacement.

Avec, pour conséquence fâcheuse, des grandes banques commerciales, constituant l'ossature du système financier européen,jugées trop fragiles pour faire face à une nouvelle crise. On l'a vu en janvier de cette année, lorsque les inquiétudes concernant leur capacité à faire face à une nouvelle crise a précipité la valeurs de leurs actions à la cave. En encore en juillet, lorsque les déboires de Monte di Paschi di Siena, la plus ancienne banque au monde encore en activité, a ravivé les mêmes inquiétudes sur les  banques italiennes.

La réponse est connue, il faut renforcer la base de capitaux des grandes banques commerciales. Pour qu'elles soient plus solides, rassurantes, qu'elles se remettent à prêter aux PME et aux particuliers pour leur permettre d'investir, et ainsi extraire la zone euro de sa stagnation économique. Et tant pis si ça coûte cher au contribuable allemand, dont les Länder sont actionnaires des principaux établissements d'outre-Rhin. En prônant l'inverse, Wolfgang Schäuble , pourtant Européen convaincu, rend un bien mauvais service à l'Europe.

 

Yves Genier

Journaliste économique depuis le milieu des années 1990, historien de formation, je suis particulièrement intéressé aux questions bancaires, financières, fiscales et, naturellement, macroéconomiques et leurs conséquences politiques et sociales.