Banques suisses, l’écrémage n’est pas fini

Les signaux d'une sortie de crise se multiplient dans l'industrie bancaire suisse. Les bénéfices sont en hausse (+5%), les fonds continuent d'affluer dans les coffres. Même le Tessin, sur lequel semblait s'acharner la crise de la fin du secret bancaire, paraît en voie de retournement. Dans un canton pourtant durement marqué par la disparition forcée de la BSI, son établissement le plus important, les affaires reprennent.

Les professionnels retrouvent (timidement) le sourire. "Il y a quelques années, je me demandais ce que j'étais venue faire dans cette boîte. Aujourd'hui, je ne me pose plus la question", témoigne, en privé, une femme cadre d'une banque privée genevoise.

Est-ce à dire qu'après le tunnel, la lumière? C'est vrai qu'il y a plus de place pour les survivants, après qu'une banque sur dix a disparu du paysage, suite à vente (on dit plutôt: "fusion"), fermeture volontaire, voire forcée. Après tout, le monde a toujours besoin de banques suisses, même si elles sont beaucoup plus surveillées qu'avant.

La lumière se voit, mais encore de loin. Le gâteau des fonds sous gestion n'évolue guère depuis la crise de l'euro, aux alentours de 5000 milliards, dont la moitié environ détenue par des non-résidents. Les comptes s'ouvrent, les fonds affluent surtout à l'étranger, paradigme décrit il y a près de dix ans déjà par ceux qui redoutaient les effets d'une disparition du secret bancaire.

A domicile, la perspective d'un maintien, longtemps encore, des taux négatifs, le renforcement de la réglementation et la pression sur les marges qu'ils induisent, n'encouragent pas les banques à investir. Résultat: elles débauchent encore. Les effectifs se sont encore réduits de 4% ce début d'année, selon l'ASB.

Hormis ces éléments, le secteur n'a pas encore fini sa mue. Trop de managers ont été formés à l'abri du secret et ont pris de bien mauvaises habitudes: héberger de l'argent de la corruption, de la fraude, etc, que les affaires Petrobras et 1MDB nous rappellent. Il faudra vraiment attendre un changement de génération pour sortir réellement de la crise.

Le 15 septembre, les banquiers éliront Herbert Scheidt comme nouveau président de leur association, en succession à Patrick Odier. Le patron de la zurichoise Vontobel n'a pas démérité. Mais il est à l'opposé de ce changement de génération. Les banques suisses n'ont pas fini de souffrir.

Yves Genier

Journaliste économique depuis le milieu des années 1990, historien de formation, je suis particulièrement intéressé aux questions bancaires, financières, fiscales et, naturellement, macroéconomiques et leurs conséquences politiques et sociales.