Les championnats du monde d’athlétisme débuteront à la fin de ce mois à Doha. Le samedi 28 septembre prochain, au soir, nous saurons qui est le nouveau champion du monde du 100m, l’épreuve reine de la compétition. Il se pourrait bien que ce soit le sprinter américain Christian Coleman, qui détient la meilleure performance mondiale de la saison avec un chrono de 9’81.
Si tel est le cas, sa médaille d’or sera forcément entachée de soupçons en raison des charges portées à son encontre lors de cet été par l’agence américaine antidopage (USADA). Deux ans après le sacre sulfureux de Justin Gatlin, sanctionné deux fois pour dopage, pas sûr que la fédération internationale d’athlétisme (IAAF) y trouve son compte.
Coleman a subi une enquête disciplinaire pour avoir failli à trois reprises à son obligation de fournir des informations sur sa localisation. Or, toute combinaison de trois contrôles manqués et/ou manquements à l’obligation de transmission de l’information sur la localisation pendant une période de douze mois constitue une violation des règles antidopage pouvant conduire à une suspension de deux ans. Le but de la règle est de veiller à ce que les meilleurs athlètes indiquent où ils se trouvent 365 jours sur 365, de façon à pouvoir effectuer des contrôles sans préavis, hors compétition. Et si un athlète se trompe trois fois et qu’il n’est pas localisé par les autorités antidopage, on postule alors qu’il a des choses à se reprocher et qu’il doit être puni.
Sans entrer dans des détails techniques, Coleman soutenait pour sa défense que le point de départ de la période de douze mois avait été mal calculé par l’agence américaine de lutte contre le dopage avec pour conséquence que seuls deux manquements à ses obligations pouvaient être retenus. Pas suffisant pour prononcer une sanction.
L’avis de l’athlète a été suivi par l’Agence mondiale antidopage qui avait été interpellée, si bien que l’USADA a dû faire marche arrière et classer l’affaire deux jours avant l’audience prévue.
Coleman réclame désormais des excuses publiques de la part de l’agence américaine de lutte contre le dopage qu’il accuse d’avoir voulu tout mettre en œuvre pour attraper un gros poisson (« going after a big fish » en langue originale).
La rancœur du sprinteur américain est bien compréhensible puisque la procédure qu’il a dû affronter a indéniablement perturbé sa préparation en vue des championnats du monde. Ce dernier a par ailleurs raté deux courses et les récompenses qui vont avec. Mais au-delà de ces désagréments, il devra surtout vivre avec une atteinte considérable à son image puisque tous ses résultats seront désormais immanquablement associés au spectre du dopage.
Et rien ne pourra jamais réparer une telle atteinte à la réputation.
Quant à l’IAAF, elle n’avait certainement pas besoin d’une nouvelle histoire dans une discipline régulièrement éclaboussée par les affaires de dopage depuis des décennies.
Coleman est un homme en colère. A juste titre : il est absolument inacceptable que son nom ait été jeté en pâture alors qu’aucune sanction n’avait été prononcée à son encontre. Le très médiatique Travis Tygart – le bourreau de Lance Armstrong – a beau clamer a posteriori que l’athlète doit bénéficier de la présomption d’innocence, mais de telles déclarations ne constituent qu’un remède certes nécessaire, mais inefficace.
Le Code mondial antidopage prévoit que l’identité des sportifs reconnus coupables de dopage doit être publiée. Une telle règle est légitime : elle a un effet dissuasif pour toute personne qui serait tentée de tricher ; elle constitue également une sanction appropriée. Par contre, les règles prévoient aussi que l’identité de tout sportif peut être divulguée publiquement dès que l’athlète a été notifié d’une potentielle violation des règles.
A l’heure où la protection des données est devenue un enjeu central, la possibilité de divulguer publiquement le nom d’un sportif contre qui seuls pèsent des soupçons est injustifiée. Elle fait naître le risque d’un dommage réputationnel considérable et irréparable. Il serait souhaitable qu’une telle règle soit amendée lors de la prochaine révision du Code mondial antidopage qui interviendra en 2021.
“Elle fait naître le risque d’un dommage réputationnel considérable et irréparable.”
L’alternative est pire! Combien de tennisman ont été invités discrètement à faire une pause (ils prétextent alors une fatigue ou un bobo) en raison d’un contrôle positif de l’échantillon A ? si bien qu’il y a un discrédit général sur tout joueur de tennis qui manque une échéance importante après les tournois qui luttent contre le dopage (après Roland Garros p. ex.). La fameuse difficulté de passer de la terre ocre au gazon. Mdr.
Et vous vous rappelez de l’arrêt du tf permettant le transferts des info médicales sur des sportifs connus vers l’Espagne? Etrange que l’Espagne ait oublié de publier les résultats…
Il n’y a qu’un moyen de lutter contre le dopage: transparence totale dès les premiers manquements.
Et quant au risque réputationnel, il ne doit pas être si important si un avocat prend le risque de mélanger le nom d’un sportif + le mot dopage, même si c’est pour dire qu’il a été innocenté. 🙂
Il n’y a aucun doute qu’il faut publier le nom des athlètes dopés, mais seulement une fois qu’une sanction est prononcée, que la sanction soit une suspension provisoire ou définitive.
Par contre, je suis d’avis qu’il n’y a aucun intérêt prépondérant à publier le nom des sportifs seulement lorsque qu’une enquête est initiée et avant qu’une décision soit prononcée.
Et que diriez-vous si vous aviez défendu les intérêts du numéro 2 ce soir, et que la fédération avait jugé secrètement l’affaire de Coleman ? Puis qu’un journal publierait une enquête demain si le scandale du secret entourant “l’affaire” du champion du monde.
Oui, ce soir, les commentateurs ont bafoué sa son innocence en droit. Mais qu’est-ce que ce serait si l’affaire avait été cachée au public ??