Déchéance de la nationalité pour les violeurs et meurtriers récidivistes : un refus incompréhensible.

La semaine dernière, la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) a sèchement refusé une initiative de l’élu tessinois Piero Marchesi qui souhaitait rendre possible la déchéance de nationalité pour les auteurs des crimes les plus abjects afin d’ouvrir la voie à l’expulsion du territoire. Incompréhension.

Il faut savoir qu’actuellement, la déchéance de nationalité n’est envisageable que pour des personnes qui « portent gravement atteinte aux intérêts ou au renom de la Suisse ». L’article 30 de l’ordonnance sur la nationalité liste de manière exhaustive les actes qui portent gravement atteinte aux intérêts ou au renom de la Suisse aux yeux du Conseil fédéral. Si l’on retrouve l’espionnage (art. 272-274 CP), le génocide (art. 264 CP) ou la propagande subversive (275ter CP), nulle trace en revanche des infractions les plus graves contre la vie ou l’intégrité sexuelle. Peu importent les circonstances ou la récidive.

Ainsi, un binational auteur de viols multiples ou d’assassinat ne pourra en aucun cas se voir retirer son passeport à croix blanche et, partant, être expulsé de Suisse. Cela quels que soient son degré d’intégration, le risque concret qu’il représente pour la société ou l’intérêt pour les victimes d’être mises à l’abri d’un tel individu.

Piero Marchesi propose pourtant un compromis pragmatique

Par le passé, diverses propositions allant dans le même sens avaient été rejetées pour des raisons certes variées, mais toujours pour des raisons juridiques. Une motion de Lorenzo Quadri avait été balayée car elle s’adressait particulièrement aux binationaux naturalisés, ce qui créait une discrimination selon le Conseil fédéral, assimilable à la naturalisation à l’essai.

Puis c’est l’automatisme de la déchéance qui avait été fatal à la motion de Jean-Luc Addor exigeant le renvoi des combattants du djihad, rejetée de justesse par l’alliance du bloc de gauche et des Vert’libéraux.

La proposition de Piero Marchesi a pris bonne note de ces griefs et a amené une solution réaliste et souhaitable. En cas de crimes particulièrement graves, le service d’Etat aux migrations (SEM) serait habilité, avec l’assentiment du canton d’origine, à retirer la nationalité au cas par cas. Des critères tels que la récidive sont précisés dans le développement du projet et pourraient être définis par le Conseil fédéral.

Une question d’ordre politique, une réponse incompréhensible

Après le refus de la CIP-N, l’initiative parlementaire sera soumise au du Parlement. Avec cette proposition lissée et flexible, respectueuse du droit international public et facilement applicable, la question posée n’est plus juridique, mais politique.

Pour le Conseil fédéral et la majorité de la commission, « les infractions contre la vie et l’intégrité corporelle, bien que répréhensibles, ne portent pas atteinte aux intérêts ou au renom du pays dans une mesure qui justifierait un retrait de la nationalité suisse ». Ainsi, il ne serait pas “proportionnée” d’envisager une déchéance. Pour la minorité, au contraire, il faut donner aux autorités les outils nécessaire pour agir dans les cas les plus graves.

Alors que l’opinion publique se lève toujours plus contre les crimes violents et haineux et souhaite poursuivre plus largement les violeurs et autres auteurs d’actes particulièrement ignobles, la position majoritaire est loin d’être satisfaisante. La décision du Parlement en mars semble certes jouée d’avance. Nous la scruterons malgré tout avec une attention particulière.

Yohan Ziehli

Né à Lausanne en 1993, Yohan Ziehli a grandi entre les vignes de Lavaux et de la Riviera. Amateur de produits du terroir, lecteur compulsif et pianiste à ses heures perdues, il travaille pour le groupe de son parti au parlement fédéral en tant que juriste, spécialisé dans les questions de politique extérieure, institutionnelle et démographique. Il est conseiller communal et vice-président de l’UDC Vaud.

15 réponses à “Déchéance de la nationalité pour les violeurs et meurtriers récidivistes : un refus incompréhensible.

  1. Battez-vous pour que la naturalisation ne soit pas donnée comme des bonbons.

    La dechéance, en revanche, … 🤷‍♂️
    Ils nous sortiront de toute manière l’excuse que les conditions de détention sont meilleures en Suisse et qu’il est contraire aux droits de l’homme de transférer, renvoyer, expulser le délinquant tant qu’il purge sa peine.

    S’il est condamné à une lourde peine, on ne le vera donc pas partir, puis il sera trop vieux pour être une menace.

    Et s’il a déjà purgé une courte peine, c’est que le crime n’était pas si grave. 😇

    La déchéance de nationalité doit être un élément préventif (empêcher le retour d’un terroriste, …) pas un instrument migratoire.

    Zemmour me fait beaucoup rire avec son expulsion des délinquants binationaux pour faire de la place dans les prisons. 1. la France ne renvoie quasiment personne; 2. s’il y arrive, cela voudra dire que le délinquant sera amnistié du solde de sa peine. “Tu tues, tu te fais choper, ta sanction est de rentrer au bled” Vous pensez que la population accepterait cette clémence ? Et s’il purge sa peine, il ne libérera pas sa place de prison, malgré ce que croit Zemmour 🤣🤣🤣🤣

    1. Bonsoir. Merci pour le commentaire.
      Je commence par la fin: il me paraît douteux ici de comparer la Suisse et la France. Je vais me limiter à parler de la Suisse, bien que votre remarque ne soit pas dénuée de sens.

      L’idée est bien entendu de renvoyer la personne après qu’elle a purgé sa peine (tout comme l’expulsion “ordinaire”, par ailleurs). L’argument n’est pas de vider les prisons mais de limiter la récidive, d’éviter aux victimes d’être à nouveau confrontées à leur bourreau, de retirer le passeport à ceux qui ont commis l’irréparable lorsque c’est possible. Et oui, dans certains cas, de prévenir le retour (durable) en Suisse – rien ne dit que le jugement concerné doit avoir été rendu en Suisse.
      Dans nombre de ces cas, par ailleurs, la personne est loin d’être trop vieille pour constituer une menace à sa sortie de détention.

      Je suis toutefois pleinement d’accord de parler naturalisation. Ce sera probablement le thème d’un prochain article (la commission a abordé ce sujet la semaine dernière. J’ai dû choisir entre les deux et les objets relatifs aux naturalisations reviendront très bientôt).

      1. Je pense qu’il faut plutôt passer par:

        1. Examen psy.
        On l’a fait pour les recrues militaires. Tout candidat à une naturalisation devrait passer un examen de personnalité. On pourrait ainsi exclure les sociopathes, psychopates, …

        2. Ils devraient produire: a. une carte d’identité (pas de naturalisation pour ceux qui brûlent leurs papiers); b. extrait de leur casier dans leur pays (resp. attestation de bonne conduite). Oui, il y aura de la corruption, mais nos polices pourront démasquer les faux. Ils en ont l’habitude et les moyens.

        3. Des conditions plus strictes lors de l’examen des naturalisations. Les conditions actuelles suffisent, mais il faut la volonté de les vérifier.

        Il faut donc pouvoir sanctionner les “faiseurs de Suisses” indolents, fainéants ou idéologues (qu’ils soient trop restrictifs, ou pas assez)

        4. Il faut augmenter le nombre de fonctionnaires pour les annulations de naturalisation.

        https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2016/404/fr#art_36

        5. Il faut un discours d’Etat qui rappelle que le passeport suisse n’est pas une carte de fidélité pour des années écoulées sur le territoire.

        https://mobile.twitter.com/Pierre_GTIL/status/1477694434439577603

        1. Je reviendrai sur le détail concernant la naturalisation à mon sens. Votre 5è point est particulièrement d’actualité, au vu du nombre de demandes arrivant au Parlement selon lesquelles la naturalisation devrait être un automatisme dont il faudrait réduire le nombre d’années.

          Ce qui est sûr, c’est que par respect pour le processus de naturalisation, il faut que les personnes qui y passent soient ensuite considérées à part entières comme Suisses. C’est un élément essentiel et cela présuppose un processus loin d’être automatique, basé sur l’intégration, les connaissances et la volonté réelle et profonde de rejoindre le peuple helvétique.

  2. Cela m’est peu supportable de constater que des personnes à qui l’on a offert la nationalité suisse se distinguent assez tôt en commettant des délits, sont condamnées, et poursuivent malgré tout leur parcours en récidivant : ces personnes n’ont rien appris, les peines de privation de liberté sont inefficaces. Ce genre de curriculum apparaît parfois lors des procès pour actes graves, et l’on pourrait alors dire : « On a attendu que… » Attendu pour vouloir comprendre que ces malfaiteurs sont inadaptés à la mentalité et au mode de vie Suisse où la grande majorité des naturalisés se sont bien intégrés. La solution de la déchéance de nationalité serait évidemment un moyen pratique de se protéger de personnes que l’on a bien accueillies à tort, mais il y a quelque chose d’illogique : il ne peut y avoir deux types de nationalité suisse, l’une solide, et l’autre moins avec un même passeport. Cela remet en question comment nous définissons notre identité, et cela pour chacun de nous « d’où qu’on vienne », le canton tout proche du grand-père ou le pays lointain de l’ancêtre il y a deux cents ans. Je concevrais l’alternative d’un passeport intermédiaire pour les nouveaux naturalisés, qui deviendrait entier après un an. Celui-ci conférerait évidemment les mêmes droits que possède tout citoyen suisse, mais il resterait à confirmer que dans son comportement celui-ci ne s’est pas trompé en choisissant la Suisse pour deuxième pays, et ceux qui lui ont souhaité la bienvenue non plus. Comme sur la route, avec son nouveau permis de conduire permettant de rouler en jouissant des mêmes libertés que les anciens conducteurs. Un accident peut arriver, cela fait partie de l’apprentissage. Les accidents sont répétés ? Alors le délai d’un an est reconduit, mais pas indéfiniment jusqu’à la grosse casse.

    1. Je vous remercie pour votre commentaire. Ce dont vous parlez, c’est en quelques sortes d’une naturalisation à l’essai qui confèrerait les mêmes droits qu’à chaque Suisse, mais pourrait être retirée dans un certain délai. C’est une voie intéressante tentée plusieurs fois par l’UDC, jamais avec succès toutefois.

      Concernant les préoccupations face à la nationalité “à deux niveaux” que l’initiative Marchesi pourrait occasionner, je pense qu’il faut relativiser: en effet, le principe même de double nationalité crée une forme d’inégalité. Ceux qui doivent faire le service militaire et ceux qui peuvent s’en passer. Ceux qui ne peuvent compter que sur la diplomatie helvétique et ceux qui peuvent actionner un autre consulat. Ceux qui peuvent voter dans un pays ou dans deux, qui peuvent exercer des postes à responsabilité à l’étranger ou non etc.

      Bien sûr, il y a une discussion de fonds. Mais on parle ici bel et bien de cas particulièrement graves plutôt que courants. Je crois que la sécurité du droit pour les binationaux (dont je fais partie) ne serait pas particulièrement remise en cause avec la solution envisagée.

  3. La déchéance de nationalité suisse ne devrait pas être limitée aux actuelles raisons (image de la Suisse, etc).

    Un délinquant binational qui continue à commettre des délits n’a rien à faire dans notre pays. Point final.

    Quant à l’automatisation de la naturalisation, par droit de sol (une belle bêtise venant des colonies, tiens) ou assimilé, c’est d’une stupidité…. Être suisse, ce n’est pas juste la papier. C’est un état d’esprit, un certain sens moral et de l’éthique.

    Quand je vois le bordel (désolé) qui traîne au bord des routes, sur les trottoirs, dans les parcs, le nombre de personnes qui jettent leurs masques par terre, je me dit que “l’esprit suisse”, celui qu’on nous enviait il n’y a pas si longtemps, le “propre en ordre” carré, n’existe plus.

    La faute à l’immigration ? Pas entièrement, non. Mais avec la quantité de personnes étrangères ici, qui ne sont pas forcément intégrées correctement, ça ne fait aucun doute que ça pèse dans la balance. Et puis, “eux le font, pourquoi pas moi”, après tout.

    Dans tous les cas, virer du pays les récidivistes ne ferait pas de mal. Et les interdire de territoire, évidemment.
    Après, on voit très bien que le fameux “renvoi des criminels étrangers” ne fonctionne pas – surtout avec le covid, vu qu’ils refusent simplement de faire le test PCR, et restent aux frais du contribuable, bien au chaud, en attendant qu’on les relâche “parce qu’il n’y a pas de place, allez, et votre délit n’était pas siii grave, tenez, prenez encore cette prime”.

    Triste Suisse. Perdue. Noyée. Submergée.

    1. Concernant le dernier paragraphe, le renvoi des criminels fonctionne. C’est principalement la Parlement et les autorités suisses qui refusent de l’appliquer, malgré l’avis populaire. La question des tests PCR a pu être réglée par l’adoption d’un texte urgent permettant d’imposer le test PCR avant renvoi. Cependant, cela concernait avant tout les renvois Schengen et c’est un point très important que vous venez de soulever: la gauche au Parlement a essayé de refuser cela, sachant que tout renvoi Schengen qui n’a pu être effectué dans les 6 mois à cause de cette manoeuvre ne pourra jamais être fait. Nous gardons cela à l’esprit et demanderons des comptes le moment venu.

  4. Vous parlez de crimes violents et haineux et plus largement les violeurs. C’est vrai que ma question n’est pas directement en relation avec votre article, mais je trouve particulièrement choquant que la position de l’UDC soit aussi conservatrice par rapport à la définition d’un viol que le parlement cherche à faire évoluer. Quel est votre avis sur ce point ? Pourquoi, selon l’UDC, le changement de définition n’est pas souhaité ? A mon avis ce point est bien plus important que une hypothétique suppression de nationalité qui concerne quelques cas par années alors que les victimes de viols se comptent par milliers.

    1. Bonjour. Je vous remercie pour votre question précise qui demande une réponse tout aussi précise. Malheureusement, je travaille avec les élus de la commission des institutions politiques (CIP), qui traite certes de la nationalité, mais pas de la définition du viol. Cette dernière revient à la commission des affaires juridiques (CàJ) dans le cadre de l’harmonisation des peines. Je ne saurais donc vous donner une réponse détaillée et précise sur la position du parti car il s’agit d’un objet extrêmement pointu et que je n’ai pas la prétention de le maîtriser.

      Je peux toutefois estimer que la question n’est pas aussi simple qu’un positionnement pour ou contre la poursuite sévère et systématique des viols, comme certains rapports de presse le laisseraient penser. Il s’agit d’une réforme large qui pourrait conduire à un renversement du fardeau de la preuve et impacter la présomption d’innocence. A ma connaissance, il y a diverses variantes actuellement en discussion et le travail bat son plein en commission – je ne saurais m’aventurer sur le contenu de débats confidentiels. Je crois savoir que les élus UDC sont globalement favorable à une évolution de la définition, tant qu’elle est réellement motivée sur une amélioration du système juridique et pas sur un agenda communicatif, comme certaines des variantes proposées le laissent penser.

      Par ailleurs, l’UDC a proposé l’an dernier une modification du Code pénal visant à s’assurer que les violeurs condamnés passent par la case prison. Cette demande a malheureusement été rejetée, de mémoire de peu, au Conseil national.

  5. Petite question : lorsque vous parlez de “retirer” la nationalité suisse à des binationaux, cela concernerait tous les binationaux, ou seulement ceux qui se sont faits naturalisés suisses ?
    Car il existe aussi de nombreux suisses de naissance qui ont obtenu dans un second temps une autre nationalité, et je vois mal comment la Suisse pourrait se déresponsabiliser de ses propres criminels en s’en débarrassant.

    1. Je le vois très bien.

      Si tu acquiers une nouvelle nationalité, c’est que tu y trouves un intérêt ! Je suis d’ailleurs contre la double nationalité !

      Ma tante a perdu sa nationalité suisse parce qu’elle a épousé un italien dans les années 60. On se posait pas tant de questions à l’époque, et on luttait contre la créolisation de nos moeurs.

      Ceux qui commettent un crime grave, n’ont qu’à assumer. J’espère au moins qu’on les prive déjà de leurs droits civiques.

      La Suisse a mis des millions d’années à se construire; il aura suffi d’une génération pour tout casser…

  6. Beau message de tolérance du maire de Trappes:

    “Eh bien ce monde-là, cette France-là, elle advient de gré ou de force, que vous l’aimiez ou que vous la rejetiez, et elle s’imposera parce qu’elle s’impose déjà; et votre vieux monde, votre monde raciste, (…) ce monde-là est en train de s’éteindre, vous avez raison, vous le voyez s’éteindre et vous paniquez”, conclut le maire de Trappes.

    A partir de 2’20 minutes

    https://mobile.twitter.com/TPMP/status/1488969314233470985

    Vivement que je sois grandremplacé! Vivement ce monde paradisiaque 😶‍🌫️

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