Nous avons tous en souvenir, l’élection de Donald Trump à la surprise générale. Comment expliquer qu’il ait pu être élu alors qu’aucun sondage ne le prévoyait. Cet événement pose de nombreuses questions: Les sondages sont-ils fiables ? Influencent-ils le résultat ? Faut-il les interdire ?
Comment sont produits les sondages ?
Premièrement, il est important de comprendre comment sont réalisés les sondages. Il faut commencer par définir un échantillon de répondants au sondage. Ce dernier peut être sélectionné de différentes manières, mais le point central est d’obtenir la meilleure représentativité de la population, autrement dit d’essayer de respecter au maximum les proportions d’opinions dans la population, afin de pouvoir par la suite étendre le constat sur l’échantillon à l’ensemble de la population.
Maintenant, nous pouvons nous demander comment sont choisis les répondants au questionnaire, est-ce qu’on interroge au hasard les gens dans la rue ? On utilise une liste d’adresses e-mail de personnes ayant déjà répondu à des sondages ? Les méthodes sont diverses et peuvent être combinées. Pendant longtemps, les annuaires téléphoniques permettaient d’avoir une forme de fichier avec la majorité de la population recensée. Ce qui n’est plus fiable aujourd’hui, dû au nombre de personnes qui n’y sont pas inscrites ou n’ayant pas de téléphone fixe. Alors que le sondage par téléphone était largement majoritaire jusqu’en 2010, il s’est peu à peu laissé supplanter par les enquêtes en ligne, pour les raisons mentionnées plus haut et aussi pour les coûts moindres qu’elles représentent. D’autre part, on estime qu’elles empêcheraient des résultats faussés dû à l’interaction humaine (intonation de la voix, crainte des participants d’être jugés,…)
Selon les instituts d’enquêtes, on ne perdrait pas en véracité. Certains scientifiques pensent même que les enquêtes en ligne permettent même de toucher certaines classes socio-professionnelles inatteignables auparavant.
Et pourtant les sondages se trompent parfois.
Pourquoi les résultats d’un sondage ne se confirment pas toujours
Premièrement, il est essentiel de rappeler qu’aucun sondage ne prétend être à 100% fiable. Il ne faut pas oublier que dans le cas d’élections par exemple, il y a un certain laps de temps entre le sondage et l’élection. Cependant même en mettant de côté ces deux éléments, on peut noter trois raisons principales qui expliquent des sondages qui ne correspondent pas au résultat final.
1.Le manque de représentativité de l’échantillon, avec une sur ou sous représentation de certaine opinion en comparaison avec leur proportion dans la population
Aujourd’hui la majorité des sondages en ligne sont récompensés par des bons d’achats en ligne, ce cadeau n’étant pas utilisable par tout le monde, il semblerait qu’il influence directement le manque de représentativité.
2. les personnes interrogés mentent sur leur intention de vote
Il n’est pas ici question d’accuser les répondants d’être des menteurs, mais bien de noter qu’il est difficile d’assumer son opinion quand elle est impopulaire, cela d’autant plus s’il y a contact humain (via un entretien téléphonique, par exemple). D’autre part, il ne faut pas oublier que la majorité des sondés ne se sont souvent jamais réellement posé la question, l’intonation et les mots choisis ont donc une importance primordiale.
3.Les instituts de sondage lissent les chiffres
C’est une autre possibilité, qui permettrait notamment d’expliquer pourquoi la majorité des instituts de sondage ont parfois des résultats similaires. En effet, afin que les résultats ne soient pas estimés comme incohérents, il n’est pas impossible que parfois les instituts lissent partiellement les résultats des sondages.
Les sondages influencent-ils le résultat ?
Après avoir présenté comment sont réalisés les sondages et pourquoi ils ne sont pas toujours fiables, intéressons-nous de plus près à l’influence qu’ils peuvent avoir sur le résultat.
Premièrement, il est important de noter que pour qu’un sondage influence le résultat, il faut déjà qu’il soit reconnu comme légitime et véridique selon la population, afin qu’elle lui donne du crédit.
Si tel est le cas, les sondages pourraient avoir une incidence sur deux facteurs : le taux de participation et les intentions de vote. On estime qu’il y aurait majoritairement 4 réactions psychologiques face à un sondage :
- Bandwagon effect : On choisit son camp en fonction du vainqueur annoncé afin de faire parti des vainqueurs
- Underdog effect : Au contraire on soutient encore plus vivement son favori annoncé perdant
- Humble the winner effect : Effet négatif contre le vainqueur annoncé
- Snob-the-loser effect : Désintérêt de la part du camp annoncé perdant.
Bien que ces effets aient sûrement une influence. La majorité des études s’entendent à dire que les “effets sondages” peuvent exister sous certaines conditions, mais influence de manière minime le résultat. Cependant, ces sondages influencent nettement les médias, qui, de fait, mettront plus ou moins un candidat en avant selon sa popularité. Ils permettront aussi au partis politiques de mieux gérer leur communication et d’orienter leur stratégie en fonction des résultats.
Le cas suisse
La Suisse est un cas particulier, dans la majorité des pays européens, les sondages concernent principalement les élections, même si en Suisse, c’est majoritairement dans le cadre de votations que des sondages sont publiés et relayés.
Le cas le plus énigmatique concerne l’initiative sur l’interdiction de minarets en Suisse, votée en 2009. Alors que les sondages annonçaient la défaite de cette initiative, elle l’a finalement emporté avec 57.5% des voix. A la suite de cette loupé, le Conseil Fédéral avait d’ailleurs été interpellé afin de mettre en place un organisme de contrôle des sondages, comme c’est le cas en France, demande à laquelle le Conseil Fédéral a refusé de répondre positivement.
Plusieurs voix en Suisse se sont alors opposées contre les sondages, qui, selon ces derniers, nuiraient à la démocratie.
Mais alors faut-il interdire les sondages ?
Les sondages sont à mes yeux la cible parfaite, le coupable idéal de tous les perdants. Il est facile d’accuser les sondages d’avoir mobilisé ou au contraire démobilisé. Pourtant, comme précisé plus haut, si les gens sont influencés positivement aux sondages, c’est aussi parce qu’ils jugent (à juste titre, je pense) les sondages comme fiables.
Et en fin de compte, nous apprécions tous ces sondages, en tant que politicien, que votant ou que journaliste, ils nous permettent de mieux appréhender l’avenir.
Sources :
Blondiaux, L. (2016). La fabrique de l’opinion. Une histoire sociale des sondages. Média Diffusion.
Viallefont, A. (2020). Les sondages d’opinion. Presses universitaires Blaise Pascal.
Marquis, L. (2005). Sondages d’opinion et communication politique. Cahier du CEVOPOF n, 38, 2.
https://www.rts.ch/info/suisse/12648858-podcast-comment-ca-marche-les-sondages-politiques.html