Ce jeudi, on explore l’histoire du jeu vidéo suisse à l’Université de Lausanne !

Aviez-vous oublié son existence avant de revoir l’image illustrant cet article ? Ou ce personnage vous est totalement inconnu ? Né en 1988 1979 1974, son nom est Blupi et il a accompagné la découverte de l’informatique pour de nombreuses jeunes personnes, en Suisse romande comme dans le reste du monde. Issu de l’imagination de Daniel Roux, programmeur dans l’entreprise vaudoise Epsitec, il apparaitra dans une dizaine de jeux, sur divers supports (Smaky, puis DOS et Windows), dans une vingtaine de langues, et connaîtra même un changement de prénom au moment de partir à la conquête d’autres marchés (Blupi, né Toto, deviendra «Eggbert» aux États-Unis).

J’explique dans ce billet notre motivation à consacrer un cours public entier de l’Université de Lausanne à Blupi (prononcez [blypi] ou «blüpi») ainsi qu’à son créateur. Ce cours public qui prendra la forme d’un dialogue accompagné d’extraits de jeux se tiendra le jeudi 26 septembre 2019, à 18h30, dans l’auditoire 1129 du bâtiment Anthropole. L’événement est gratuit, accessible sans inscription. [Le flyer en PDF]

 

Mise à jour ! La captation vidéo du cours public est disponible. [3 octobre 2019]

 

Le patrimoine vidéoludique doit être sauvegardé. C’est le Conseil fédéral qui le dit. Entrés dans les foyers il y a près d’un demi-siècle, de tous temps les jeux vidéo ont eu un impact sur leur public, comme la littérature, le cinéma, la bande dessinée, la musique, etc. Des personnes prenant aujourd’hui les décisions à la tête d’un État, d’une entreprise, des personnes qui créent, enseignent, des personnes que vous croisez parfois dans la rue, ont grandi avec les jeux vidéo. Ceux-ci les ont aidés dans leur apprentissage et leur compréhension du monde, et ont en partie façonné leurs imaginaires. C’est pour comprendre notre époque qu’il faut se plonger dans notre passé, des archives des états au patrimoine vidéoludique.

Mode d’emploi

Dans Blupi à la maison, l’enfant, en bas âge, est invité à presser sur les touches du clavier et à découvrir une action différente pour chacune des vingt-six lettres: s’il presse “B”, Blupi traversera la maison pour aller prendre un bain, le logiciel affichant alors à l’écran le mot “Bain”. L’enfant apprend à reconnaître les touches du clavier en les associant à des images et des mots qu’il a appris ou apprend pour l’occasion. Il est récompensé par des animations amusantes, garantissant alors l’apprentissage petit à petit des lettres de l’alphabet, ainsi que la réalisation de l’existence de celui-ci. Plus tard, Blupi s’amuse proposera d’approfondir l’apprentissage du langage ainsi que de pratiquer le calcul mental, puis Blupimania (1 et 2), Planète Blupi et Speedy Blupi (1 et 2) proposeront des jeux de résolution de puzzles, des jeux de gestion, et des jeux de plateforme.

En étudiant la réception des jeux Blupi et ce qu’il en reste aujourd’hui, nous avons recensé des mentions du jeu venant de pays distribués sur toute la surface du globe, à chaque fois accompagnées de commentaires nostalgiques. Sur YouTube, on trouve par exemple une vidéo de Speedy Blupi comptabilisant plus de 126’000 vues au moment d’écrire ces lignes. Ce public, provenant du monde entier, peut redécouvrir aujourd’hui ces jeux grâce à l’historien et archiviste de la série, Mathieu Schroeter, qui a à coeur de les rendre compatibles avec les systèmes d’exploitation contemporains et a eu l’amabilité d’accepter notre invitation à participer au cours public.

Aujourd’hui, nous souhaitons partager avec le plus grand nombre le témoignage de Daniel Roux, qui était à l’époque l’un des rares concepteurs de jeux vidéo de Suisse romande. Il partagera avec le public le contexte dans lequel il a produit ces jeux, et révélera certains secrets de fabrication des jeux Blupi. Son témoignage permettra peut-être de faire la lumière sur les raisons qui ont permis à Blupi de se faire connaître à travers le monde, et notamment au jeu Speedy Blupi de se vendre à plus de 100’000 exemplaires!

 

Quelques commentaires trouvés sous la vidéo YouTube précitée.

En plus de Daniel Roux, nous aurons également la chance d’accueillir Jean-Daniel Nicoud, Professeur honoraire de l’EPFL et créateur des Smaky, sur lesquels sont sortis les premiers jeux Blupi, et Mathieu Schroeter, aujourd’hui collègue de Daniel Roux, mais surtout archiviste et historien de Blupi. Nous passerons en revue avec eux l’avant, le pendant, et l’après Blupi.

Une collaboration pour la médiation scientifique

Cette soirée est le résultat d’une collaboration qui court depuis deux ans entre le Service Culture et Médiation scientifique de l’UNIL (anciennement Interface sciences-société) et l’UNIL Gamelab. Elle fait suite au colloque «Penser (avec) la culture vidéoludique» ainsi qu’aux cours publics «Rien n’est vrai, tout est permis: l’histoire avec Assassin’s Creed Origins» et «Cinéma et jeux vidéo – Des échanges économiques aux emprunts esthétiques».

Documenter l’histoire du jeu vidéo suisse est une des missions que s’est donnée l’UNIL Gamelab. Nous avons déjà rédigé deux articles documentant l’histoire récente du jeu vidéo suisse: l’article «Switzerland» dans l’ouvrage collectif Video Games Around the World, et l’article «Jeux vidéo suisses : état des lieux (2012-2017)», paru dans la revue Culture en Jeux. Nous intervenons également dans les médias sur cette question. Il s’agit maintenant de remonter plus loin dans le temps.

L’événement doit aussi permettre au public d’essayer ou réessayer ces jeux, pour les mettre en perspective avec les témoignages que nous entendrons lors de la soirée. Rejouer dans des conditions proches des conditions originales (jeudi soir, ce sera sur des Smaky prêtés par le Musée Bolo) permettra ceci. Des extraits seront montrés pendant le cours public, et nous ferons des démonstrations en direct.

Mais l’enjeu est d’atteindre également les générations qui n’ont pas grandi avec ces jeux, et notamment les futur·e·s historien·ne·s du jeu vidéo, pas encore né·e·s au moment où j’écris ces lignes (coucou !), qui voudront en savoir plus sur certains des plus vieux jeux vidéo conçus en Suisse. C’est pourquoi nous tenons absolument à avoir une captation vidéo de l’événement, dont nous déposerons des copies au Musée Bolo ainsi que chez d’autres entités documentant l’histoire (archives, bibliothèques) afin d’en assurer la transmission aux générations futures.

Donner la parole à des actrices et acteurs locaux montre que le jeu vidéo, dans tous les potentiels artistiques qu’il exprime, est affaire de contexte. Les systèmes de jeu, les thématiques abordées ainsi que les usages particuliers de chaque technologie sont tous les témoins de notre culture ludique et numérique propre.

Au plaisir de vous accueillir jeudi soir!

 

Pour télécharger le flyer de l’événement (PDF).

 


L’image de bannière est tirée du flyer de l’événement, lui-même un croisement d’une illustration tirée de Planète Blupi avec la ligne graphique de l’Université de Lausanne. Merci à David Javet pour ses suggestions sur un brouillon de ce billet.

Yannick Rochat

Yannick Rochat est collaborateur scientifique et chargé de cours au Collège des Humanités de l’EPFL. Il est co-fondateur de l’UNIL Gamelab.