Slime-san

Une interview avec Fabian Rastorfer, co-auteur de Slime-san (sortie le 7 avril)

Slime-san est un jeu disponible sur PC/Mac/Linux depuis le 7 avril 2017. J’ai beaucoup apprécié ses nombreuses qualités, autant au niveau esthétique (graphisme, animation, musique et bande-son) que du côté du game design (la qualité des niveaux, un dash nerveux…).

Je suis heureux que Fabian ait accepté de répondre à cette interview il y a une semaine. Elle s’est faite en une seule fois, par email, et appartient à une série de billets de blog consacrés à la Game Developers Conference (GDC) [1, 2, 3, 4].

Slime-san est disponible sur Steam.

Slime-san sort le 7 avril. C’est un jeu de plateforme avec un dash très efficace. Qu’est-ce que Slime-san apporte de nouveau au genre ?

Slime-san s’inspire sur de nombreux aspects de ces jeux de plateforme tel Super Meat Boy. Nous y avons fait quelques ajouts, la plus importante étant une capacité de transformation [morphing] : tout ce qui est vert – qu’il s’agisse d’un mur ou d’un ennemi – est solide mais en pressant sur le bon bouton on peut passer au travers. Cela a permis de mettre en place un level design plein de subtilités où il s’agit d’avoir de bons réflexes : « Est-ce que je préfère traverser ce mur ou passer par dessus ? » « Est-ce qu’il vaut mieux que je rebondisse sur cet ennemi ou que je l’évite en me transformant ? » Le recours à la transformation ralentit également le temps. On peut l’utiliser pour se déplacer sur une plateforme avec plus de précision. Cependant, si le jeu ralentit, le timer, lui, ne ralentit pas. Un speedrunner ou quelqu’un cherchant à passer sous la limite de temps pour obtenir les trophées devra donc éviter d’y avoir trop souvent recours. Si l’on ajoute à ça le dash que l’on peut activer dans n’importe quelle direction et les rebonds sur les murs ainsi que dans les airs, on obtient une panoplie unique de mouvements pour vous aider dans votre fuite.

Le jeu possède des graphismes en pixel art de grande qualité, des animations fluides, un level design très précis et une histoire loufoque comportant de nombreux endroits à visiter en parallèle de l’aventure principale. Combien de personnes ont travaillé sur ce jeu, et comment les rôles étaient-ils distribués ?

Merci ! Seulement trois personnes ont travaillé à plein temps sur le jeu. J’étais en charge des visuels et du level design. Ben Miller était le programmeur principal et Edgar Castro a aidé avec le niveau de conception et d’assurance qualité générale. Naturellement, comme nous sommes une petite équipe, nos rôles étaient bien plus diversifiés que cela. Nous avons divisé les responsabilités entre les travaux de mise en œuvre, l’écriture, la conception d’une interface utilisateur, le marketing et ainsi de suite. L’équipe est plus grande en prenant en compte le travail à temps partiel. Britt Brady a fait la plupart du design sonore alors que Christina Tang et Sarah Boeving ont créé les affiches.

Les niveaux et le gameplay d’un tel jeu nécessitent d’être parfaitement réalisés. Combien d’heures de beta-testing pour que Slime-san soit prêt ?

Le jeu propose beaucoup de contenu : 100 niveaux, puis 100 niveaux supplémentaires pour le new game+, des modes de speedrunning, des modes de « boss rush », l’intégration de Twitch, une ville hub avec plus de 50 personnages, plusieurs magasins avec des éléments à déverrouiller, et même 5 mini-jeux. Pour cette raison, nous avons réalisé très tôt que nous aurions besoin de nombreuses heures de beta-testing. Nous avons lancé la bêta privée le 2 janvier avec une centaine de participants, ce qui nous a donné environ trois mois pour recueillir les commentaires et les bugs. Nous sommes confiants dans le fait que le jeu sera fiable pour le lancement.

La bande sonore du jeu est très élaborée. Que pouvez-vous nous en dire ?

C’est un énorme effort de collaboration. Nous avons contacté tous nos compositeurs préférés de chiptune dans l’espoir qu’un ou deux répondraient… mais en fait presque tout le monde a accepté de participer, ce qui signifie que nous nous sommes retrouvés avec une bande-son à laquelle quatorze compositeurs talentueux ont contribué. Nous parlons de valeurs sûres de musique chiptune comme Richard Gould, Adhesive Wombat, Tiasu, Meganeko, Inverse Phase, FantomenK ou Kubbi. La musique complète l’esthétique pixel art du jeu, et chaque piste a également été conçue avec le gameplay à l’esprit. Nous voulions créer une bande sonore qui justifie à elle seule l’investissement dans le jeu. Je pense que nous sommes parvenus à ce résultat. Bien entendu, l’album sera disponible séparément, y compris sur vinyle.

Votre dossier de presse annonce le jeu sur PC / Mac / Linux, et sur Wii U. Cette console est encore intéressante ? Qu’en est-il de publier le jeu sur le Switch, PS4 ou Xbox One?

Vous allez être l’un des premiers à apprendre que nos priorités viennent de changer. Le jeu sortira officiellement sur Steam le 7 avril et sur PS4, Xbox One et Nintendo Switch en été ! C’est grâce à notre éditeur, Headup Games, que nous pouvons sortir le jeu sur PS4 et Xbox One. Nous avions d’abord prévu une sortie sur Wii U, mais Nintendo a eu la gentillesse de nous fournir un kit de développement pour la Switch, de sorte que ce sera la priorité maintenant. Cela ne signifie pas que le port Wii U est hors de question.

Qu’avez-vous utilisé pour développer ce jeu?

La plupart de nos projets sont réalisés dans Unity, y compris Slime-san. Nous avons perfectionné notre workflow sur Unity en interne, en utilisant notamment des plugins personnalisés nous permettant d’être efficace et à l’aise dans le développement de n’importe quel type de jeu. Le support multi-plateforme de Unity est un énorme avantage pour nous.

Vous avez quitté la Suisse pour aller vivre et travailler à New York. Êtes-vous resté en contact avec la scène suisse du jeu vidéo ?

Je suis parti après l’école secondaire pour suivre la voie « Design & Technology » à l’école de design Parsons à New York. J’ai eu la chance de rencontrer mes collaborateurs actuels et, après notre premier lancement réussi de jeu, nous avons décidé de fonder une entreprise, juste après l’obtention du diplôme. Nous sommes basés à New York.

Je suis resté en contact avec les développeuses et développeurs de jeux suisses. Je considère plusieurs d’entre eux comme des amis et j’ai eu la chance de faire partie de la délégation suisse (#SwissGames) pour la GDC cette année. C’est un honneur pour lequel je suis très reconnaissant vu que je ne réside pas actuellement en Suisse.

Qu’est-ce que ta présence dans la délégation suisse à la GDC t’a apporté ?

Elle m’a beaucoup apporté ! Grâce à ce généreux soutien, j’ai pu assister à la GCA [Game Connection America], un événement professionnel se déroulant simultanément où j’ai établi plusieurs relations d’affaires incroyables. Je ne pense pas que ce soit une exagération de dire que nous n’aurions pas obtenu un kit de développement pour la Switch sans avoir eu accès à la GCA. Nous avons également eu un grand espace de d’exposition au centre du GDC Play, où il y avait beaucoup de passage et de visibilité. Enfin, j’ai fait de très belles rencontres parmi les développeurs suisses. Je suis reconnaissant d’avoir pu en faire partie.

Yannick Rochat

Yannick Rochat est collaborateur scientifique et chargé de cours au Collège des Humanités de l’EPFL. Il est co-fondateur de l’UNIL Gamelab.