Lors de la passation de pouvoir de dimanche, c’est l’expression qui revenait sans cesse dans la bouche des différents commentateurs : à 39 ans à peine, Emmanuel Macron est le plus jeune Président de l’histoire française, et l’un des plus jeunes chefs d’État au monde. Si le fait est exact, il n’est pas tout à fait motif de réjouissance.
Lors de la campagne électorale, l’âge d’Emmanuel Macron était un argument généralement réservé à ses opposants. On lui reprochait ainsi son inexpérience, et, plus subtilement, une sorte de manque de maturité – l’âge étant, pour ces critiques, la marque ultime de la sagesse. Le candidat d’En Marche préférait présenter sa carrière déjà fort remplie – tant dans le secteur privé qu’à certaines des plus hautes responsabilités de l’État – pour tenter d’atténuer le reproche.
En effet, on peut penser qu’Emmanuel Macron n’a pas été élu du fait de son jeune âge, mais bien malgré son jeune âge.
Face aux soupçons et aux affaires qui ont jeté le trouble sur les politiciens, de gauche comme de droite, au cours des dernières années, l’expérience politique est devenue suspecte. Dans l’imaginaire collectif, le temps passé au pouvoir est forcément rempli de tentations fautives ; plus longue est l’exposition, plus grand est donc le risque d’y avoir cédé. Ainsi, alors que les présidents précédents avaient assis leur élection sur leur expérience, les citoyens semblent désormais choisir l’inexpérience : elle offre une sorte de gage d’honnêteté par défaut d’opportunité.
La jeunesse du nouveau président est, en réalité, le symbole d’une classe politique en déliquescence. L’élection d’Emmanuel Macron – cela a été largement rappelé – démontre surtout la faillite des partis politiques traditionnels, écartés dès le premier tour. Il a su incarner – certes, avec habileté – le seul renouveau face à une extrême-droite renforcée. Si la chance n’est pas à exclure, c’est bien le rejet des autres qui a permis au candidat d’En Marche de conquérir l’Élysée…
Quelques heures à peine après l’investiture d’Emmanuel Macron, le parti autrichien ÖVP – le parti historique de droite depuis 1945 – a désigné son nouveau président : Sebastian Kurz, à peine 30 ans, et déjà ministre des Affaires étrangères depuis plus de 3 ans.
Le rapprochement est plus qu’anecdotique. En 2016, lors des élections présidentielles, les Autrichiens avaient également écarté les deux principaux partis dès le premier tour. Le SPÖ (socio-démocrate) avait fini 4ème ; l’ÖVP 5ème – tous deux avec environ 11% des suffrages. Au deuxième tour, les électeurs ont donc dû départager un indépendant de 73 ans, Alexander Van der Bellen (ancien membre des Verts) et le leader de l’extrême-droite, Norbert Hofer.
Il semble désormais, en Autriche comme en France, que le critère de l’âge s’efface en regard des autres problèmes que traverse la classe politique. Mais ne nous leurrons pas : il s’agit bel et bien d’un choix par défaut, qui ne devrait apporter nul optimisme sur la santé de la démocratie…