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Le 21 mai, le Tribunal fédéral a cassé un jugement saint-gallois accordant la double paternité à deux hommes ayant eu recours à une mère porteuse américaine – pays où la gestation pour autrui est légale. Si cette décision est cohérente avec le droit en vigueur et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (hélas plutôt floue sur le sujet), elle met néanmoins en exergue une faille qu’il faut combler.

La question posée est plutôt simple : quelles personnes doivent être reconnues comme parents ? Et, en réalité, la réponse est également plutôt simple. Elle nécessite la simple admission d’un point de départ : de tous les aspects possibles, l’intérêt de l’enfant est prioritaire. C’est donc suivant cette perspective qu’il faut trancher.

La première concernée est la mère porteuse. Doit-elle être reconnue en tant que parente ? De par le rôle qu’elle a choisi, elle ne souhaite entretenir aucun lien avec l’enfant après sa naissance. Ce n’est pas elle qui l’élèvera ; ce n’est pas elle qui l’entretiendra. Plus encore, dans le pays où elle réside, l’acte de naissance officiel ne la considère pas comme mère juridique. Elle ne pourrait se voir imposer aucune obligation de garde ou d’entretien. Et, à l’inverse, l’enfant ne sera pas considéré comme le sien en matière d’héritage, par exemple. Dès lors, toute reconnaissance en Suisse serait vide de sens.

Le premier père est le père biologique de l’enfant. De plus, il est l’un de ceux qui va l’élever et l’éduquer. Ces deux éléments démontrent sans aucun doute possible le lien familial qui existe. Par ailleurs, la jurisprudence est (heureusement) extrêmement claire sur ce point. Sa reconnaissance est indiscutable et évidente.

Finalement, il faut considérer le deuxième père – celui qui n’a aucun lien biologique. Vivant en ménage avec son partenaire et élevant conjointement leur enfant, il ne fait aucun doute que les trois forment une famille. En cas de décès de son compagnon, le bon sens le plus élémentaire le désigne comme celui qui s’occuperait de cet enfant. C’est évidemment l’intérêt prioritaire de ce dernier. À l’inverse, si ce père devait décéder, l’évidence et la justice morale désigneront l’enfant comme son héritier. Or, ces deux éléments ne peuvent être garantis que par la reconnaissance officielle de ce père comme parent. Elle en est donc nécessaire.

Quelques arguments pourraient être opposés à cette logique. Les plus fréquemment évoqués remarquent qu’en se rendant dans un pays où la gestation pour autrui est légale, ces deux hommes ont contourné son interdiction en Suisse. Ce faisant, ils oublient que le droit national ne franchit, par définition, pas les frontières et qu’on ne peut sanctionner quelqu’un pour avoir fait à l’étranger ce qui y est permis. Mais, parmi les nombreuses raisons qui écartent ce raisonnement, une s’impose devant toutes : cet enfant est là. Il n’est pas une marchandise mais un être humain. On ne peut donc pas, en toute humanité, vouloir «punir» ses parents au détriment de l’intérêt essentiel de cet enfant – celui qui compte le plus et dont la protection est le devoir de la société.

Ce ne sont pas quelques minutes de sueur et quelques mois de gestation qui font un parent. C’est, au contraire, élever un enfant, s’en occuper et l’aimer qui définissent la parenté. En écartant tout conservatisme, en réfléchissant simplement avec humanité et en ayant à coeur d’abord et avant tout l’intérêt de l’être le plus faible et donc le plus digne de protection – l’enfant – les conclusions sont simples. Il faut donc adapter le droit en ce sens et donc, enfin, autoriser l’adoption des enfants de son conjoint !

 
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