Etes-vous flexitarien-ne?

Au cinéma, l’autre soir, je découvre une pub vantant une viande bovine et nous incitant à être « flexitariens » (ou, dans cette pub: régalez-vous d’une bonne côte de bœuf).

Je connaissais bien des termes déjà, comme tout le monde, de carnivore à végétaliste en passant par végétarien pour ne citer que les plus connus.

Mais alors, j’avoue, flexitarien m’était inconnu … Il n’est pas compliqué d’en entrevoir le sens général, devant les images de la pub, mais moi je pensais naïvement que le mot « omnivore » suffisait pour décrire celui qui mange raisonnablement de tout… et qui semble avoir été oublié aujourd’hui.

Grave erreur ! Voyez plutôt mon ignorance: reconnu et défini par le Petit Robert depuis 2018 déjà flexitarien-ne, nom et adjectif signifie «qui limite sa consommation de viande, sans être exclusivement végétarien». (Ni exclusivement végétalien.)

En cherchant un peu, je découvre aussi que je pourrais choisir d’être « pollotariste », c’est-à-dire que je ne mangerais aucune chair animale, sauf de la volaile, ou « pesco-végétarienne », soit ne mangeant pas de chair animale sauf du poisson (ce qui me trouble: sont-ils exclus du monde animal ?… comme les poulets …?) ou semi-végétarienne si le mot flexitarienne ne me plaît pas.

En quoi ce terme méritait-il d’entrer dans le dictionnaire ?

En ce qu’il insiste sur l’idée d’une prise de conscience éthique et environnementale, qui souhaite un traitement plus acceptable des animaux, un plus grand respect de l’environnement et de la santé des consommateurs. Un omnivore mesuré et responsable, en somme, ce que nous devrions en effet tous tenter d’être (si nous voulons manger de tout). Bon, ça me va. J’adhère pleinement à tous ces aspects.

Alors qu’est-ce qui m’agace dans tout ça ?

 A la réflexion, ce qui m’agace, c’est ce courant de rectitude proclamée partout et à tout moment (auto-proclamée: « Moi, je suis …etc. etc. »), cette obligation de se définir sans cesse comme appartenant à telle ou telle catégorie fermée, exclusive, connotée, référencée, jugée, notée à l’aune de telle ou telle morale. Cette exigence de justification publique (qui sous-entend quand même l’idée d’une culpabilité à expier). Je devrais donc, si je suivais cette tendance aux profils déclarés qui m’agace, me présenter dorénavant comme la flexitarienne que je suis, si j’en crois la définition!

J’avoue, l’orthorexie (pratique qui se préoccupe, parfois jusqu’à l’obsession, de manger sainement) et tous les dogmes en général me consternent, car souvent ils dérivent et mènent à une sorte de fanatisme.

Qui ne souhaite pas manger sainement ? Pourquoi préconiser des régimes spéciaux pour tous (contradiction interne évidente) ?

Zut ! Parfois on a envie de se sentir libres de mal manger, et dans tous les cas de choisir individuellement, de ne pas être jugés pour autant comme des déviants, ou des marginaux. Je ne vais donc rien proclamer du tout …et faire au mieux.

Pour moi, l’éthique, le respect des animaux (sans exceptions !), de l’environnement et de la santé est un ensemble qui devrait en tout temps nous préoccuper toutes et tous.

 Et un seul terme devrait pouvoir suffire à nous décrire dans nos pratiques alimentaires  diverses et fluctuantes, plutôt qu’à nous définir et à nous catégoriser, ce qui revient trop souvent à nous opposer sur des détails au lieu de nous réunir sur le fond.

Omnivore signifie qui mange de tout et non pas qui DOIT manger de tout, ce qui implique le libre choix.

Néanmoins, puisqu’hélas il faut aujourd’hui encore (et plus que jamais) insister sur l’éthique et la co-responsabilité, alors le terme flexitarien a du moins le mérite de nous en faire parler … !

Gardons les pieds sur Terre…la division en sous–catégories est rarement efficace lorsqu’il s’agit de lutter, ensemble essayons d’être des flexi-terriens, ce qui, vous en conviendrez, est plus acceptable que bons à rien ….

 

 

 

 

Véronique Dreyfuss-Pagano

Spécialisée dans les domaines de communication inter-humaine, de proxémie et de développement durable, Véronique Dreyfuss Pagano est professeur de géographie et de littérature. Mettre la pensée systémique au service de la résolution de problèmes complexes dans les sciences humaines est l'une de ses activités.

2 réponses à “Etes-vous flexitarien-ne?

  1. Suis bien d’accord avec vous… la sémantique publicitaire (j’en connais un rayon), c’est comme le discours CO2.
    Un bon Mac Farmer ou des rognons à la moutarde crémeuse, c’est aussi délicieux qu’une salade bio de mon jardin.
    + c’est –

  2. Je me considère comme flexitarien, bien que le terme me fasse sourire.
    Et je l’utilise uniquement de façon déculpabilisante, auprès de mes amis culpabilisants il est vrai.
    Et bien que je ne mange de la viande qu’une fois par semaine et uniquement les oeufs de mes poulettes de jardin, je reste et resterai un monstre à leurs yeux.

Les commentaires sont clos.