Aujourd’hui, je m’exprime à Winterthur et Altdorf lors de rassemblements du 1er mai. Voici un résumé des idées que je vais aborder dans ces prises de paroles.
Nous travaillons pour vivre. Cela a toujours été le cas et cela déjà bien avant l’apparition des marchés, voire du capitalisme. Si la fin du travail, avec le fantasme d’une économie entièrement robotisée, est une question récurrente, la réalité est tout autre : le travail va certainement changer, mais il ne disparaîtra pas. Dès lors, la question d’avoir un « bon travail » restera décisive dans les temps à venir. La plupart des gens souhaitent pouvoir exercer une activité qui leur permette de mener une vie digne et de subvenir aux besoins de leurs proches. Mais il est loin d’en aller toujours ainsi, même en Suisse. Quelques exemples concerts :
- Cette semaine, la presse a rapporté l’énorme scandale du chantier des transversales alpines au Monte Ceneri, avec un énorme cas de dumping salarial qui concerne des dizaines de travailleurs exploités. Ils ont dû rembourser une partie de leur salaire et étaient soumis à des journées de 16 à 17 heures de travail. Ils n’ont pas touché la moitié du salaire minimum obligatoire. Les entreprises en cause ont mis en place des stratagèmes pour contourner les contrôles.
- Chez ABB, la direction surpayée ne cesse pas de prendre des mauvaises décisions. Au bas de l’échelle, ce sont des centaines de salarié-e-s qui doivent ainsi craindre pour leur emploi. La production est transférée de Genève en Pologne, la division réseau électrique est vendue à Hitachi et les actionnaires réalisent 8 milliards de bénéfices.
- Ce n’est pas mieux dans les entreprises publiques : ces dernières années, le nombre d’intérimaires a triplé au sein des CFF. Certaines personnes attendent un poste permanent depuis 16 ans et plus. Le personnel qui s’occupe du nettoyage des toilettes voit supprimée un certes petit mais important complément de salaire. Pendant ce temps, le CEO des CFF Andreas Meyer reçoit son salaire de millionnaire.
Au lieu de se diriger vers un plus grand équilibre social, nous assistons à un accroissement constant des revenus et des richesses pour une fraction de privilégié-e-s. Les discriminations sont permanentes – voire s’accroissent – à l’égard des femmes, des migrant-e-s et des minorités. Mais cela ne s’arrête pas là. Les négationnistes climatiques tels que Donald Trump ou Roger Köppel mettent les conditions d’existence des générations futures en danger. C’est aussi criminel qu’irresponsable. La question climatique devrait concerner aussi bien l’économie que la politique. Mais là aussi, les réponses ne sont clairement pas à la hauteur.
Les atteintes aux droits des salarié-e-s viennent de la droite. Avec le projet d’accord-cadre avec l’Union européenne, les libéraux s’attaquent à la pierre angulaire de la protection des salaires en Suisse. De leur côté, les nationalistes veulent la fin de la libre circulation et des mesures d’accompagnement.
Nous nous y opposons sur la base de valeurs fortes : la solidarité, l’égalité sociale, la justice, la liberté et la non-discrimination. La libre circulation des personnes et la protection salariale sont inextricablement liées. Les droits des salarié-e-s sont prioritaires.
Ces nombreuses luttes concrètes sont nécessaires. Les petites étapes et les améliorations ponctuelles sont importantes. Mais il faut faire davantage. Des changements fondamentaux et radicaux sont nécessaires. Les syndicats défendent pragmatiquement les salarié-e-s par le biais des conventions collectives de travail, et en repoussant les attaques portées aux retraites, à la sécurité sociale et à la loi sur le travail. Les salaires minimums garantissent des conditions d’existence dignes et une meilleure répartition des fruits du travail. Mais les syndicats doivent aussi être visionnaires. Notre revendication d’un “bon travail pour toutes et tous” ne doit pas se limiter à des salaires et des conditions de travail décents. Nous exigeons que le travail soit organisé dans l’intérêt général. Nous exigeons que ses fruits soient équitablement répartis. Il s’agit d’équilibre social, d’égalité des droits, de démocratie et de préservation de nos ressources naturelles.
Depuis des mois, des dizaines de milliers de personnes, principalement des jeunes, descendent dans la rue pour une politique climatique efficace. Elles demandent un changement de politique face à l’urgence climatique. Il s’agit de notre avenir commun. En septembre dernier, 20’000 femmes et hommes solidaires ont manifesté à Berne en faveur de l’égalité salariale et contre la discrimination. Face au déni de la classe politique, elles ont décidé de lancer une grève des femmes le 14 juin.
Ces larges mobilisations sont emblématiques d’une prise de conscience au niveau national et international. Ensemble, participons à ces mouvements sociaux et exigeons les changements qui s’imposent d’urgence !