« Veuillez prendre note que notre bureau d’intégration des nouveaux arrivants de Montréal sera ouvert exceptionnellement après le vote américain ». Ce tweet incisif, en provenance du maire de Montréal, Denis Coderre, résume bien la situation qu’il règne au Canada en cette nuit d’élection américaine. Dès les premières annonces mardi soir de la domination de Trump dans les sondages, le site internet de l’immigration canadienne s’est retrouvé saturé par les multiples recherches de citoyens américains cherchant le moyen de fuir la présidence du controversé milliardaire. Au Canada comme en Suisse, la victoire de Trump est une surprise. A la différence que pour le Canada, il s’agit non seulement de son premier partenaire économique mais également de son seul voisin direct. La victoire du candidat républicain occupe ainsi l’ensemble des discussions et les incertitudes sont totales quant à l’avenir des relations entre les deux Etats nord-américains.
D’une part, le phénomène migratoire des Etats-Unis vers le Canada n’est pas pris à la légère. Il y a quelques mois déjà, une ile de Nouvelle-Ecosse, une province au nord-est du Canada, avait fait le buzz en proposant d’accueillir les « réfugiés » américains en cas de victoire de Trump afin de combler le déficit démographique dont souffrait la région. Si l’histoire se voulait humoristique, le succès fut réel, avec plus de 2’000 réponses positives du côté américain. Plusieurs célébrités ont également fait part de leur volonté à traverser la frontière en cas de oui, reste à savoir si cela se réalisera. L’écrivain Stephen King ou les chanteuses Cher et Barbra Streisand pourraient ainsi devenir citoyennes et citoyens du Canada dans les prochaines années. Finalement, la popularité du Premier ministre Justin Trudeau auprès des Américains et les sondages montrant un soutien de plus de 80% à Hillary Clinton de la part des Canadiens ont achevé de convaincre les Américains qu’une terre d’accueil se trouvait peut-être au Nord.

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De plus, les incertitudes sont nombreuses quant à la politique bilatérale canado-américaine à venir. La raison est très simple : Trump n’a jamais fait part d’un programme précis quant aux relations commerciales et politiques avec ses partenaires principaux. Son aversion pour les accords de libre-échange internationaux, comme l’ALENA, qu’il a déjà menacé de dénoncer, pourrait peser dans les actuelles négociations de l’Accord Transpacifique du Canada. L’accord de libre échange entre le Canada et l’Union Européenne, le fameux CETA, dont les rebondissements ont tenu en haleine le pays il y a encore quelques semaines, se voit également ébranlé par ce nouvel échiquier politique. Le libre-échange est mis à mal par l’arrivée du candidat Trump, clairement en faveur d’un repli sur la production américaine.
Mais ces questions commerciales ne sont pas la menace principale. Un autre enjeu canado-américain se trouve ébranlé par la victoire de Trump : l’énergie. Si Obama a imposé son véto à la construction du controversé Oléoduc XL, visant à transporter le pétrole issu des sables bitumineux d’Alberta jusqu’aux raffineries du Mexique – en passant par les terres appartenant aux Sioux – son successeur, lui, a déclaré qu’il en ferait l’un de ses objectifs principaux. Suivant une stratégie de relance des énergies fissiles (sic), Trump souhaite également dénoncer l’accord de Paris sur le climat car, après tout, « le réchauffement climatique n’est qu’un hoax créé par les Chinois pour freiner l’économie américaine ». Le Canada, déjà dans une position environnementale ambiguë avec son énergie issue des sables bitumineux, arrivera-t-il à ne pas céder aux pressions politiques américaines et aux lobbys des énergies fossiles ?
Ainsi, les incertitudes sont nombreuses aujourd’hui au Canada quant à l’avenir de l’Amérique du Nord. L’équilibre qui régnait depuis l’élection de Justin Trudeau il y a tout juste un an et l’amitié nouée avec son voisin Obama, digne d’une véritable bromance, se voit remise en question et il ne fait aucun doute que la politique étrangère du Canada – si souvent citée en exemple par son multiculturalisme, sa tolérance et son ouverture aux autres – va devoir s’adapter à celle de son nouveau voisin. Aujourd’hui, in Canada we trust.