« Je veux le voir construit ». C’est par ces mots que le candidat à la présidence américaine Donald Trump a qualifié sa position quant au projet de construction de l’oléoduc XL, un gigantesque projet de pipeline reliant l’Alberta jusqu’aux raffineries américaines du golfe du Mexique, soit une installation continentale acheminant la production des sables bitumineux canadiens sur plus de 3'000 kilomètres. Si ce projet ne vous évoque rien, il a cependant été l’objet d’une véritable crise diplomatique outre-Atlantique entre le Canada et les Etats-Unis et continue aujourd’hui de faire régulièrement la une des journaux par les scandales reliés à TransCanada – la société responsable du projet – et les différents partisans et opposants au projet. Les déclarations de Trump ne font ainsi qu’ajouter de l’huile (minérale) sur le feu et relance la question de l’avenir énergétique du Canada. Alors que révèle l’oléoduc XL au-delà du combat entre partisans de l’exploitation des sables bitumineux et leurs opposants ? Quels sont les intérêts en présence et quel futur est envisageable ? L’oléoduc XL, coulera-t-il ou ne coulera-t-il pas ?
Afin de mieux cerner tous les enjeux liés à ce pipeline, il est nécessaire de remonter à sa source : les sables bitumineux. Cette technique de production de pétrole a certes permis de prolonger l’échéance des réserves de pétrole et de développer de nouvelles technologies d’extraction et de transformation des « sables » en huiles minérales mais au risque d’un coût environnemental énorme, le pétrole issu de cette production étant l’un des plus sales au monde. Malgré cela, la production n’a cessé d’augmenter ces dernières années en Alberta, au risque de proquer de graves conséquences environnementales : lourdes émissions de gaz à effet de serre, détérioration de l’eau et des rivières, boues toxiques et aridité des sols ne sont que quelques effets observés sur les lieux d’extraction, terres noires et lunaires rythmées par le seul va-et-vient des machines à extraction des sables. Selon les journalistes de cash investigation qui se sont récemment penchés sur les enjeux pétroliers en Alberta, si l’on veut respecter les engagements de la COP21, 85% des sables bitumineux ne devraient ainsi pas être exploités, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Exploitationn des sables bitumineux en Alberta PHOTO : JEFF MCINTOSH
Mais cet essor de la production de sables bitumineux ne plait pas à tout le monde. En novembre 2015, après des années d’incertitudes et de négociations, Obama annonce son opposition à ce projet et enterre ainsi l’oléoduc XL, au grand malheur du gouvernement canadien de Stephen Harper et de la compagnie TransCanada, qui poursuit aujourd’hui le gouvernement américain en justice et demande 15 milliards à la puissance américaine de dommages et intérêts, un procès historique pour les Etats-Unis. L’histoire aurait pu ainsi s’arrêter là. C’était sans compter l’arrivée d’un nouveau pion sur l’échiquier, Donald Trump, qui en quelques déclarations, ressuscite le projet à lui seul en annonçant que l’oléoduc sera construit s’il est élu président. Du côté canadien, on se frotte les mains chez TransCanada et on appréhende du côté de l’opposition. La position est ainsi renversée : le gouvernement canadien de Trudeau hésite, préférant de nouveaux projets moins controversés, et les Etats-Unis sont favorables à sa construction, un vrai cas de RealPolitik. Dans ce nouveau cas de figure, impossible de savoir qui l’emportera finalement, d’autant qu’il reste à Trump à se faire élire, ce qui n’est encore qu’une projection aujourd’hui.
De plus, d’autres projets d’oléoducs ont émergé au cours de ces différents épisodes de la saga pétrolière. Le plus important est très certainement le projet Energie Est, qui consiste à transporter les sables de l’Alberta au Québec, pour ensuite exporter la production pétrolière en Europe. Total en est ainsi l’un des partenaires principaux de ce projet qui devrait voir le jour d’ici 2019 et s’étendre sur plus de 4'000 kilomètres. Les 155 communautés autochtones présentes sur le tracé du projet ont ainsi soudainement reçu des financements pour leurs fêtes traditionnelles, des nouveaux locaux de réunions, et ce à grand renfort de logos Total présents un peu partout. Mais dans la province du Québec, la situation est différente. Le Québec s’oppose encore et toujours à l’envahisseur, n’hésitant pas à manifester régulièrement, à multiplier les marches contre TransCanada et à installer des pancartes explicites « Coule pas chez nous» dans leurs jardins et places publiques, impossible de les manquer de Montréal à Québec, elles sont partout.

Manifestation contre le projet Energie Est PHOTO: Ici Radio Canada
Ainsi, si le sort de l’oléoduc XL est dépendant du résultat des élections américaines et du résultat judiciaire du bras de fer entre le gouvernement américain et TransCanada, le projet Energie Est, lui, va dépendre de l’accord trouvé entre les différentes provinces canadiennes, le gouvernement de Trudeau, TransCanada et la société civile. Le cas des oléoducs canadiens nous montre ainsi bien plus qu’un simple projet énergétique, il est non seulement réflecteur de la situation géopolitique et économique actuelle mais représente également un symbole de la complexité de la politique énergétique canadienne, partagée entre une position historique de pays extracteur de matières premières et la volonté d’amorcer un tournant énergétique orienté vers les énergies vertes, portée par le gouvernement Trudeau.
Pour plus d’informations :
http://www.coulepascheznous.com