La bromance canado-américaine

Cette semaine, impossible de passer à côté de cette information. Journaux quotidiens, chaines d’information, radio… au Canada, tout tourne autour de la visite historique de Justin Trudeau chez son grand voisin nord-américain. Il faut dire que cela fait plus de 16 ans qu’un Premier ministre canadien n’avait pas eu d’invitation officielle avec le Président des Etats-Unis. Cela révèle le tournant sans équivoque de la politique canadienne depuis l’ascension des libéraux en novembre dernier, mené par le Premier ministre Justin Trudeau.

« Il n’y a pas de relation dans le monde comme celle entre le Canada et les Etats-Unis »

Le ton est donné. La phrase est de Trudeau mais Obama trouve également des mots très forts : « On dit qu’on peut choisir nos amis, mais pas nos voisins. Par la géographie, nous sommes voisins, mais c’est par choix que nous sommes des alliés indéfectibles et les amis les plus proches ». Ces quelques mots, loin d’être anodins, prononcés par un Président américain rayonnant, ont surpris plus d’une personne par la teneur chaleureuse et familiale anormalement décontractée pour une rencontre entre deux chefs d’Etats. Se lançant mutuellement de nombreux compliments, qu’il s’agisse de la diversité de leurs populations respectives, de leurs relations économiques et commerciales ou du fait qu’aux Etats-Unis et au Canada, chacun est aujourd’hui libre d’aimer qui il souhaite, cette rencontre semble en passe de devenir historique, du moins au Canada. La relation entre le Premier ministre le plus cool du monde et le Président le plus classe du monde est qualifiée par les médias et les réseaux sociaux de véritable « bromance », vous savez, cette amitié virile et tendre mais sans sentiment amoureux. La toile s’enflamme ainsi de « bromance » et de « Trubama » à mesure que la rencontre diplomatique se poursuit.

 L'une des images illustrant la "bromance" entre Trudeau et Obama qui enflamme la toile et les médias

Des relations pas toujours au beau fixe

Cette relation privilégiée est pourtant inédite. Il y a encore moins de deux ans, les relations avec l’ex-Premier ministre Harper étaient au plus mal, ce dernier exerçant de fortes pressions sur Obama afin de faire valider le controversé – et désormais enterré – projet d’oléoduc transnational. Ce gigantesque projet de construction visait à relier les régions nord-canadienne exploitatrices de sables bitumeux jusqu’aux Etats-Unis, provoquant de forts risques de pollution des eaux ainsi qu’une contribution supplémentaire au réchauffement climatique. Malgré un Congrès à majorité républicaine favorable à ce projet, Obama use de son véto en novembre 2015 et enterre définitivement le projet, du moins jusqu’à la fin de son mandat.

Aujourd’hui, l’un des sujets principaux de cette rencontre officielle est justement de prévoir un cadre d’action visant à la mise en place des engagements pris à la COP21 ainsi qu’un ambitieux plan de réduction des émissions de méthane de 40% d’ici à 2025. En outre, les deux dirigeants ont d’emblée réaffirmé leur volonté commune de faire de la lutte contre le changement climatique une priorité de leur politique. Le contraste avec la situation d’il y a deux ans est ainsi saisissant.

L’ombre de Trump en arrière-plan

Cette rencontre idéelle cache cependant certaines appréhensions quant à l’avenir. Au Canada, plus précisément à Montréal où je me trouve, la peur de voir Trump accéder à la présidence américaine est maintenant bien réelle. Il y a quelques mois encore, le milliardaire provocateur n’était pas pris comme une réelle menace. Cependant, les récents résultats du Super Tuesday, étape clé des primaires présidentielles, ont créé une réelle prise de conscience sur la possibilité de le voir accéder au siège présidentiel, provoquant aux USA une ruée sur les informations quant à savoir comment émigrer au Canada. Une ile canadienne a même proposé d’accueillir les « réfugiés » américains qui souhaiteraient fuir le futur régime de Trump.

Bien que l’avenir des relations diplomatiques entre le Canada et les Etats-Unis soit fortement dépendant du résultat des élections américaines, il n’en est pas moins impressionnant de voir les relations presque familiales qui se sont établies en très peu de temps. A l’heure des dissensions internationales et du morcellement des alliances, cette « bromance » a de quoi faire de nombreux jaloux à l’international. 

Valérie Zonca

Actuellement étudiante en Relations Internationales à l’Université de Genève, Valérie Zonca est passionnée par les voyages et la photographie. Agée de 23 ans, elle nous raconte à travers son échange universitaire à Montréal sa vision du Canada et nous dévoile les particularités qui composent le pays du Grand Nord blanc.