Le Trudeau Show

En octobre 2015, Justin Trudeau remportait les élections canadiennes et provoquait un renversement de pouvoir en issant le Parti Libéral au pouvoir au détriment des conservateurs. Près de 100 jours après son élection, quel bilan dresser de ce jeune Premier ministre qui, une chose est certaine, passionne les foules, en bien ou en mal ? Quel crédit accorder à sa personnalité atypique, rompant avec les traditions de la vie politique ?

Tout d’abord, il faut savoir que Justin Trudeau porte un nom dont l’héritage est conséquent. Il est en effet le fils de Pierre-Elliott Trudeau, Premier ministre pendant 16 ans, ayant fortement contribué à rehausser le Canada sur la scène internationale et dont le caractère flamboyant en a fait une personnalité incontournable au Québec. Cet héritage, qui peut être un atout comme un fardeau, n’a cependant pas été revendiqué par Justin Trudeau lors de sa campagne, lui-même semblant penser que cela ne fait pas de lui un chef d’Etat et qu’il faut trouver des arguments ailleurs pour convaincre l’électorat.

Le nouveau visage de l’homme politique

Alors où a-t-il trouvé les arguments visant à prouver sa capacité à gouverner le 2ème Etat du monde en termes de superficie et le 11ème en termes de puissance économique ? C’est à travers le visage d’un homme politique résolument nouveau, à contre-courant des politiciens habituels, qu’il s’est démarqué. C’est d’ailleurs toujours sa ligne de conduite maintenant qu’il est élu. Sa fraîcheur, son jeune âge, ses déclarations politiquement incorrectes et sa parfaite maîtrise des réseaux sociaux lui ont permis de convaincre une large part de la population, dont les jeunes, qui ont voté en très grande partie pour lui. Etudiante à l’Université de Montréal, je croise régulièrement des étudiants portant des t-shirts à son effigie ou des badges issus de la campagne d’octobre dernier. Imaginons un instant une pareille situation pour un Johann Schneider-Ammann. Impossible. Devenu une icône par la proximité créée avec le peuple, Justin Trudeau ne porte pas tout le temps de cravate, prend part à des matchs de boxe contre ses adversaires politiques et répond avec un flegme exemplaire à un journaliste lui demandant pourquoi avoir instauré la parité homme/femme dans son cabinet par un « Parce que c’est 2015 », lui valant d’être repris par un large panel de médias locaux et internationaux.

Ainsi, près de 100 jours après les élections, sa popularité est grandissante, un dernier sondage montrant que si des élections devaient se tenir aujourd’hui, son Parti Libéral remporterait largement le Canada.

Des ombres (furtives) au tableau

Bien sûr, cette popularité générale n’efface pas une certaine opposition, représentée majoritairement par les conservateurs, qui voient Trudeau comme un novice ne cherchant qu’à mettre son image en avant et en décalage total avec les réalités des enjeux politiques. Ces derniers n’hésitent pas à faire entendre leur voix pour montrer leur mépris envers ce nouveau Premier ministre ultra médiatisé.

Leur inquiétude concerne notamment la perte d’influence du Canada sur le plan international.  En effet, l’une des premières décisions de Trudeau a été de cesser les bombardements contre l’EI, justifiant que « les gens qui sont terrorisés par l'EI tous les jours n'ont pas besoin de notre vengeance. lls ont besoin de notre aide ». Cette politique de retrait n’est pas restée sans conséquence puisque les alliés de la coalition se sont ainsi passés de la présence du Canada lors de leur dernière conférence sur la stratégie à mener face à l’EI, irritant encore plus les opposants à Trudeau qui crient à la décadence du pays. De plus, le récent attentat de Ouagadougou, qui a fait les deux premières victimes suisses de terrorisme, a mis Trudeau dans une stuation difficile : avec sept victimes canadiennes, c’est l’attentat le plus meurtrier depuis le 11 septembre pour le Canada. Cette annonce de retrait des troupes provoque ainsi chez certains un sentiment d’inaction que Trudeau va devoir justifier dans les mois à venir.

Caricature de la position du Canada au sein des enjeux mondiaux, Lengelé

La victoire du Trudeau Show

Justin Trudeau navigue ainsi entre l’image du Premier ministre idéaliste, précurseur, voulant rompre avec la tradition du politico-correct et une image d’un Premier ministre rêveur, naïf et n’ayant pas conscience de la complexité des enjeux canadiens et mondiaux. Même si les sondages montrent une opinion favorable à son début de mandat, les enjeux dont il a la responsabilité sont loin d’être faciles à résoudre et sa cote de popularité pourrait bien être ébranlée au prochain faux pas. Cependant, que l'on aime ou que l'on méprise Trudeau, il faut relever sa capacité à lever les foules, notamment une partie de la jeunesse qui se retrouve en lui et dont il a éveillé un intérêt nouveau pour la politique. A l’heure de l’absentéisme pour les votations et la vie politique, qui se retrouve également en Suisse, on peut déjà parler d’une victoire du Trudeau Show.

 

 

 

Valérie Zonca

Actuellement étudiante en Relations Internationales à l’Université de Genève, Valérie Zonca est passionnée par les voyages et la photographie. Agée de 23 ans, elle nous raconte à travers son échange universitaire à Montréal sa vision du Canada et nous dévoile les particularités qui composent le pays du Grand Nord blanc.