Vaccination et recours au plastique : changeons de paradigme. Ou mourrons.

Que est le lien entre Iggi, la dernière invention de la firme tessinoise Laurastar, les (futurs) retards des campagnes de vaccination contre le Covid-19 et le plastique qui pollue les océans les plus reculés? Par un de ces clins d’oeil dont le hasard me gratifie souvent, c’est dans l’édition du 13 janvier de Le Temps que ce lien s’est cristallisé. Avec une évidence à la clé : nous avons un urgent besoin de changement de paradigme.

D’abord, cette nouvelle me sidère: même dans l’océan arctique, on trouve désormais des microparticules de plastique. Aucun océan n’est épargné. Ce constat dramatique, dont on ne mesure pas encore tous les effets à long terme, y compris sur notre santé, était pourtant prévisible.

Les textiles issus du plastique sont bon marché et sont abondamment utilisés par l’industrie de la “fast fashion”. D’une manière générale, qu’il est devenu difficile de dénicher un pull en pure laine, un t-shirt seulement en coton ou une blouse tissée uniquement de lin… lisez vos étiquettes: on y trouve presque tout le temps un mélange avec une fibre plastique (nylon, polyester). Alors qu’il faut régulièrement nettoyer les filtres de nos machines à laver et de nos séchoirs des fibres qui se sont détachées de nos vêtements lors de leur entretien, personne n’a anticipé le fait que ces nouvelles fibres se retrouveraient aussi dans nos eaux usées et iraient polluer notre environnement. Et qu’on nous vante les chiffons d’entretien en micro-fibres qui permettent de nettoyer sans produit ménager… Certes, mais si c’est pour relâcher du plastique à chaque lavage, où est le gain écologique ? Autre débat…

Les campagnes de vaccination contre le Covid-19 ne vont pas assez vite. Les difficultés d’approvisionnement en matériel sont en cause, en plus des questions logistiques. Le 13 janvier dernier, l’article intitulé “Ces indispensables fioles dont la pénurie menace la vaccination“, Ram Etwareea nous apprend que la surexploitation de sable est en cause. Le sable de silice est nécessaire à la fabrication du verre de type borosilicate, un verre très résistant pour contenir les vaccins devant être conservés par très grand froid (- 50 à – 70 degrés). Or, c’est une ressource en voie de disparition, au même titre que l’air et l’eau, comme on peut le découvrir dans un article paru sur le site ConsoGlobe le 28 août dernier.

Chacun a en tête les îles artificielles des Emirats arabes unis, Palm Jumeirah. Une folie qui a conduit les promoteurs à aller piquer du sable au fond du Golfe persique, quand ce n’est pas sur les plages de pays pauvres plus éloignés. 100 millions de tonnes, selon les Echos. Sans doute bien plus. Au complet mépris des fonds marins et de leurs écosystèmes. C’est le secteur de la construction qui engloutit l’essentiel du sable consommé, pour fabriquer du béton.

“Il n’a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous”, une phrase attribuée à Paul Eluard tourne dans ma tête.

En effet, en dernière page du quotidien, cet dernier article quasi-publicitaire me présente le dernier né de l’entreprise Laurastar: un steamer à vapeur sous pression, pas plus gros qu’un gros pulvérisateur, qui repasse le pli récalcitrant et surtout désinfecte toutes sortes d’objets, y compris ceux qui ne passent pas à la machine à laver. En ces temps d’obsession de pureté hygiénique, la marque montre qu’on peut désinfecter un masque de chirurgie (en plastique). C’est ce qui s’appelle un coup de génie marketing…

Si on peut stériliser un masque en plastique avec de la vapeur, quid des fioles de vaccins ?

Et là, je me demande pour quelle raison personne n’a écouté et suivi l’employé R&D chez Pfizer, chez Moderna ou AstraZeneca qui suggère, sans doute depuis des années, de mettre en place une filière de récupération des fioles de vaccin, pour les stériliser et les réutiliser ? Parce qu’on parle de milliards de doses. Au lieu d’investir dans de telles filières, pourtant bien plus faciles à organiser que la récolte de dosettes de café chez les particuliers, il semble que les firmes pharmaceutiques comptent sur un matériau hybride pour pallier à la pénurie de sable et s’assurer quand même les quantités gigantesques de fioles dont elles sont besoin. Je vous le donne en mille: ce matériau hybride serait composé de verre et de … plastique. Or, qui dit composite, dit souvent difficulté de recyclage. Alors, est-ce que cette pandémie et ses milliards de vaccins nous prépare une autre catastrophe écologique prévisible ?

Je suggère que le co-auteur de l’étude de la Harvard Medical School qui a eu cette idée merveilleuse, le Pr. Prashant Yadav, rencontre l’employé R&D sus-mentionné… et ne me dites pas qu’il ou elle n’existe que dans mon imagination! Autre idée: payons à ce professeur un voyage avec une mission scientifique, de celle qui ont fait ce constat alarmant sur la présence de plastique dans l’océan arctique, pour qu’il constate de visu les problèmes posés par le trop grand usage du plastique.

Avant l’ère des objets à usage unique, il me semble que l’on réutilisait bien plus les outils et les contenants, y compris en médecine et en chirurgie. Moyennant bien sûr des procédures de désinfection et de stérilisation adéquates. Il est urgent de revenir à cette façon de concevoir les objets que nous utilisons: réparables et réutilisables, à l’infini.

Fioles pharmaceutiques réutilisables (vers 1900)
Des outils de chirurgie stérilisés et réutilisés

 

 

 

 

 

 

Question de temps ? Je ne crois pas que ceux et celles qui ont travaillé dans la recherche biomédicale pour trouver en un temps record la formulation des vaccins soient les mêmes que les logisticien.ne.s qui organisent l’approvisionnement en ressources.

C’est une question de changement de paradigme sans doute, qu’il est urgent de modifier.

Arrêter de penser qu’on peut se servir des ressources naturelles à l’infini.

Toujours concevoir la nouveauté avec une solution pour sa fin d’usage ou de vie.

Imaginer des modes de production en boucles fermées.

Concentrer les efforts sur l’utilisation, et pas sur la possession des objets.

C’est la fameuse économie circulaire.

On a un urgent besoin de changement de paradigme. Parce que nous sommes devenus très nombreux sur cette petite planète et que notre monde, unique, a des limites. A moins bien sûr que quand de nouveaux virus surgiront (et cela ne va pas manquer selon de nombreux scientifiques), on choisisse de les laisser circuler et décimer la population mondiale. C’est une option… Elle vous plaît ?

Valérie Sandoz

Valérie est engagée sur la réduction des déchets à titre privé depuis des années. Elle est l'auteur de plusieurs guides, donne des conférences, des cours et anime des ateliers. Géographe et ethnologue de formation, elle interroge notre façon de consommer et partage ses découvertes. Adepte du «fait maison» (conserves alimentaires, lacto-fermentation, cosmétiques, produits de nettoyage, etc.), Valérie anime un blog personnel consacré à la cuisine sans gluten, à la réduction des déchets et du gaspillage et à un mode de vie simple et joyeux.

11 réponses à “Vaccination et recours au plastique : changeons de paradigme. Ou mourrons.

  1. Ai aussi vu le “Iggy” de Laurastar avec de grands yeux.

    D’abord car j’ai une planche Laurastar depuis des décennies.

    Ensuite, car, après une infestation de mites (qui m’ont grignoté mes plus nobles textiles et venant d’une cage à chat en jonc, donnée par un ami, raison de l’infestation, enfin, bref), j’ai eu l’idée d’utiliser la vapeur, après avoir tout essayé, sprays, bâtons, lavande et même essayé les feuilles d’eucalyptus (je vis en Uruguay, mais c’est un secret de polichinelle).

    Enfin bref, mon fer Laurastar m’a sauvé de nombreux textiles et autres cuirs 🙂

  2. On peut bien sur promouvoir l’économie circulaire pour réduire les déchets , mais le problème de la surpopulation reste entier car elle détruit les biotopes pour ses propres besoins , même si on les réduit au strict minimum vital !
    Si nous étions 10 fois moins nombreux, il faudrait également 10 moins de fioles pour nos vaccins … et il ne faut remonter que de deux siècles pour compter ce niveau de population !
    Déjà les anciens Grecs , il y a plus de 2000 ans, avaient inventé les premiers instruments médicaux pour quelques millions d’habitants pas moins heureux que nous …

    1. Cher Hubert,
      Doit-on en conclure que vous seriez pour la “sélection naturelle” ? Et de laisser circuler et tuer des millions de personnes, comme l’a fait le virus de la grippe espagnole (d’origine américaine!) en son temps ?

  3. Ce que vous ne comprenez pas, parce que vous voulez apporter de bonnes idées dans un domaine que vous ne connaissez pas, c’est que depuis l’introduction des instruments et sets jetables en plastique, contre le verre et le l’acier chromé, le taux d’infections a diminué sensiblement. Les étapes successives de stérilisation, comme l’autoclave, les bains en solution désifectante, etc, sont autant de possibilités d’erreurs ou d’oublis. Le personnel soignant, actuellement bien plus pressé que du temps où l’on employait les seringues en verre, ne serait pas prêt à opérer les manipulations que vous imaginez simples et sans problèmes. Et on ne parle même pas du changement d’habitudes qui demanderait une longue transition, avec donc des conséquences graves pour les patients.

    S’il vous plaît continuez à parler des fruits secs ou des toilettes révolutionnaires avec litière pour chats, vous éviterez ainsi de vous mettre régulièrement en scène comme au théâtre de Molière.

    1. Merci, cher Dominic, de vous soucier du potentiel “ridicule” qui pourrait me couvrir de honte, c’est tellement chou!
      Je note aussi que l’ironie et le mépris que vous maniez si promptement vous est très utile: il vous garde de réfléchir un peu “out of the box”.
      Bien sûr, les processus de désinfection dont vous parlez sont à la pointe de la modernité. Et ils sont de la responsabilité des soignants qui, comme des garagistes, devraient d’abord s’occuper de nettoyer et d’entretenir les outils qu’ils manipulent! Je constate que vous êtes donc un véritable expert en la matière…
      Bref, continuez de croire en des dogmes dépassés, comme celui du plastique et de l’usage unique en toutes circonstances, seuls garants d’une hygiène parfaite.
      Manque de chance: ceci a été vérifié dans le cas de la pandémie de coronavirus que nous traversons. Comme le relate Le Temps le 18 mars déjà, en se basant sur une étude parue dans le NEJM (https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2004973?query=featured_home), “SARS-CoV-2 s’accommode très bien des surfaces en plastique et de l’acier inoxydable: l’agent pathogène a survécu jusqu’à trois jours sur celles-ci. Fait inquiétant, ces deux types de matériaux sont omniprésents, en particulier dans le milieu hospitalier, signalent les auteurs (…).” Selon le Monde, qui a consulté le site de l’OMS le 16 avril, notre nouveau compagnon à piques subsiste sur le plastique entre 2 à 6 jours, sur l’acier inoxydable entre 3 et 5 jours. Suivent ensuite le carton (24 heures), l’aluminium et le latex (2 à 8 heures), le cuivre (4 heures). Une autre étude des scientifiques de l’Université de Hong-Kong parue dans The Lancet (https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S2666-5247(20)30003-3) relate peu ou prou les mêmes valeurs, mais le plastique et l’acier inoxydables remportent toujours la palme avec 7 jours.
      Mais bonne nouvelle, ce fichu virus ne résiste pas aux … désinfectants.
      Le mot de la fin s’impose: “Ok boomer!”

      1. D’ailleurs, ce mois-ci, une nouvelle directive entre en vigueur dans l’Union Européenne, bannissant “le plastique à usage unique”… !

      2. Vous démontrez d’une honnêteté et de capacité intellectuelle suffisante pour enseigner la mise en bocaux des légumes dans leur jus, mais pour lire The Lancet dans le but d’enrichir votre savoir, cela ne suffit pas. Je pense que le concierge de l’hôpital saura mieux vous expliquer de manière accessible combien de temps les germes subsistent sur les matériaux plastiques mis dans des sacs envoyés à l’incinération. Le brave homme n’a pas lu The Lancet, ni reçu un microscope dans son enfance pour continuer à explorer à cinquante-cinq ans les mystères de la science. Son bagage d’instruction simple lui permet cependant de contribuer positivement à l’hygiène de l’hôpital. Vous, c’est le contraire, vous êtes diplômée en ethnologie, et avez découvert une passion pour les déchets et les légumes qui vous mène loin « out of the box », avec pour mission comique de réorganiser les mesures d’antisepsie en salle d’opération. Heureusement que les chirurgiens ne s’intéressent pas à vos récentes découvertes faites dans votre cuisine désinfectée au vinaigre !

        1. Vous êtes actionnaire du Temps?
          Vous ayant déjà posé la question, bien sûr sans réponse.

          Je me demande bien ce que le responsable de ces blogs vous trouve pour ne vous avoir encore pas interdit?

          Vous pouvez m’insulter, mais pas être aussi vil face à des femmes.
          A vôtre décharge, vous n’êtes de loin pas le seul, si ça peut consoler votre mal-être!!!!!

      3. Merci Mme Sandoz de votre éloge de l’écologie circulaire et de démonter des mythes entre l’hygiène et certains types de matériaux.

        Nous aurons de plus en plus besoin dans l’industrie médiczle et autres de faire le design pour le réutilisable, tout en respectant l’hygiène. La vaisselle et les textiles sont de bons exemples de multiples types de matériaux durables respectent l’hygiène. Effectivement, on peut s’inspirer d’eux et en trouver plein d’autres, inspirés par la nature.

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