Zero déchet, en route vers un nouveau mode de vie!

Produire moins de déchets – Mais par où commencer ?

Chaque jour, chaque produit consommé génère ou a généré un déchet. Les éviter semble être un objectif irréaliste et inatteignable, surtout en Suisse, championne du recyclage et de la quantité de déchets produits. Quand j’ai débuté sur le chemin du mode de vie “Zéro Déchet”, j’étais un peu découragée devant l’ampleur des efforts à fournir. Ce sentiment déprimant mène souvent à une certaine résignation: “de toute façon, c’est peine perdue, cela ne sert à rien à mon échelle!”. Et il conduit à abandonner sa première bonne intention de faire baisser sa montagne de sacs poubelles. Comment faire pour passer cet écueil ?

Les Suisses sont champions du recyclage ! Plus de la moitié des déchets urbains (52%) est recyclée, selon l’Office fédéral de l’environnement OFEV. Ce taux avoisine la perfection pour le verre (96%), l’aluminium et le papier (91%), les bouteilles en PET (83%). Certes, mais ces médailles ont aussi leurs revers, de taille : d’une part, la quantité totale de déchets suit la croissance démographique et économique – elle augmente inexorablement, et d’autre part les coûts de leur traitement et de leur élimination ne cessent d’augmenter.

Le principe du pollueur-payeur s’en prend au budget des ménages : nos impôts paient une partie de ces coûts, et nous passons encore à la caisse avec des taxes annuelles forfaitaires et une taxe à l’élimination pour chaque cornet poubelle éliminé, au volume ou au poids. Effet collatéral à l’organisation du retraitement de nos déchets, le littering augmente : les gens abandonnent leurs déchets sur la voie publique. L’élimination de ces déchets dits “d’incivilité” se chiffre à 200 millions par an ! Je vois souvent des gens qui réussissent à faire entrer leur petit cornet de déchets quotidiens dans les rares poubelles publiques encore disponibles, poubelles dont les communes ont resserré les ouvertures… Triste humanité qui n’a plus les moyens de ses déchets !

Nous sommes aussi champions de la production de déchets en comparaison internationale. Chaque personne vivant dans notre beau pays produit presque 2 kg de déchets chaque … jour ! L’année passée, 715 kg par habitant ont dû être éliminés, recyclés, traités, payés… Ce chiffre nous place sur le podium des pays européens et industrialisés! En 2015 et en Europe, seul le Danemark nous devançait et nous nous placions devant l’Allemagne et la France. La même année, le World Economic Forum nous classait au quatrième rang des pays producteurs de déchets domestiques, derrière la Nouvelle Zélande, l’Irlande, la Norvège, mais devant … les Etats-Unis et la Chine ! Ce trophée de me rend pas particulièrement fière.

Qu’y a-t-il dans votre poubelle ? Regardez donc…!

On peut mieux faire, largement. L’administration fédérale s’est penchée sur le contenu de nos poubelles. On y trouve encore beaucoup trop de matières valorisables, donc qui pourraient éviter la case de l’incinération. Un cinquième des déchets que l’on produit en Suisse est concerné, dont les deux tiers sont des biodéchets, c’est-à-dire des déchets qui peuvent être compostés ou méthanisés. Non seulement ces biodéchets représentent la plus grande partie des ordures, mais leur quantité a encore fortement augmenté depuis 2001, nous dit l’OFEV.

(c) Tribune de Genève

A Genève, la poubelle standard est à l’image de la poubelle suisse. Trop de matières organiques valorisables s’y retrouvent.

Mais alors que faire ? Comment se fait-il qu’on doive éliminer autant de déchets chaque semaine ? Une démarche vers la réduction des déchets commence par une étape pas très glamour : ouvrir sa poubelle ! Pincette sur le nez, il faut commencer par en faire l’inventaire pour comprendre quelles sont nos habitudes de consommation.

Un réel gâchis des matières organiques et de nourriture

La poubelle standard de Monsieur et Madame Tout-le-Monde se compose donc de beaucoup de matière organiques (épluchures, fruits et légumes gâtés, coquilles d’oeufs, etc.) aisément compostables. Ce qui sent mauvais, ce sont très souvent des déchets de repas, qui ne devraient pas s’y trouver : c’est la preuve que l’on a trop cuisiné ou mal calculé les portions. Quel gâchis, quand on sait que de nombreuses personnes ont des “faim de mois” difficiles, même en Suisse. Jeter de la nourriture est – à mes yeux – un crime. Apprendre à cuisiner des restes et à gérer ses “left-over” devrait être enseigné à l’école, réappris dans les familles. C’est sans mentionner la présence quasi systématique du congélateur dans les foyers, ce qui permet de reporter dans le temps la consommation des surplus.

(c) Eco-emballages

Ma poubelle ne sent plus le poisson !

S’en suivent les emballages plastiques. On pourrait résumer très grossièrement la chasse aux déchets par la chasse au plastique, le symbole de l’objet qui ne sert qu’une seule fois ! Ceux qui sentent très mauvais, ce sont ceux qui ont contenu du poisson. Il est évident que l’emballage est l’apanage des supermarchés, pour des raisons évidentes de manutention et de conservation. Dans la mesure du possible, je les évite donc. Si vous n’avez pas d’enseignes indépendantes à disposition où faire vos courses, il s’agit de choisir au moins les supermarchés qui proposent encore du service humain et d’éviter les frigos de libre-service.

Viandes, poissons, fromages : prenez avec vous vos contenants hermétiques (et incassables), propres et secs, tendez-les avec le sourire (et détermination) au personnel de vente, il se fera un plaisir de vous servir dedans en faisant la tare et en y collant l’étiquette du prix ! A ce jour, je n’ai essuyé aucun refus ! J’ai même reçu les félicitations de plusieurs caissières, qui ont tout de suite compris l’intérêt de ne pas devoir jeter un emballage nauséabond : “Quelle bonne idée, alors votre poubelle ne sentira pas le poisson !”. Tout juste, et en manipulation, c’est si pratique :  je rentre des courses et glisse mes boîtes directement au réfrigérateur. Il faut juste penser à prendre son “kit à commissions” toujours prêt, soit un panier avec des sacs à vrac, des bouteilles à remplir et des boîtes hermétiques.

Discuter le “bout de gras” au marché !

Pour les fruits et légumes, la vente en vrac en supermarché existe depuis longtemps. Le problème, c’est que si on souhaite se nourrir de produits bio, ceux-ci sont tous sur-emballés de plastique et/ou de polystyrène. Ce serait “pour éviter la “contamination” de contact avec des produits classiques”, nous dit-on, en oubliant que les consommateurs ont un cerveau. Vous avez déjà vu un cageot où se côtoient et se touchent pommes bios et pommes traitées, vous ? Moi non. Pour les grandes enseignes, il s’agit surtout d’éviter que les poires bio ne soient pesées et comptabilisées comme des poires aux pesticides, moins chères !

Marché bi-hebdomadaire à Yverdon-les-Bains (c) www.yverdonlesbainsregion.ch

Reste le marché du samedi matin ! Prenez vos sachets en tissu avec vous, évitez les sachets en plastique qui n’ont qu’une durée de vie de quelques heures. A ce jour, aucun maraîcher n’a refusé mes “sacs à vrac”! Non seulement vos légumes et vos fruits seront plus frais, mais vous aurez le choix du bio ou du non bio sans emballage. Vous pouvez poser des questions sur leur origine, sur leur saisonnalité, leur préparation… “discuter le bout de gras” avec les producteurs, c’est un moment que j’adore, surtout en cette drôle d’époque qui réduit les contacts humains de manière inversement proportionnelle au développement des apps et autres réseaux “sociaux”.

Carte des bonnes adresses et Guide gratuit

Quand aux liquides (boissons, lait, huile, vinaigre, etc.), il vaut la peine d’explorer de nouvelles sources d’approvisionnement, dont par exemple les producteurs ou les épiceries en vrac. Je réutilise d’anciennes bouteilles en verre pour le vinaigre et l’huile: une bouteille de réserve et une bouteille pour l’usage quotidien. Certaines laiteries vendent du lait pasteurisé en bouteilles consignées, des yaourts en pots à redonner et bien sûr de fromages à la coupe. Le site de l’association Zero Waste Switzerland permet de repérer sur une carte de la Suisse les commerces favorables au Zéro Déchet.

Guide gratuit du débutant motivé de Zero Waste Switzerland

Pour les débutants motivés, paresseux ou occupés (ou les trois à la fois), l’association a publié un Guide gratuit disponible en ligne en trois langues. Il expose la réflexion à mener au préalable, les petits préparatifs à prévoir et les gestes essentiels et faciles à mettre en œuvre pour diminuer ses déchets de manière drastique. A télécharger et à partager (sans l’imprimer si possible!) sans retenue !

Est-ce que cela fait une différence si je réduis mes déchets ?

Oh que oui ! Depuis que je peux le mesurer grâce à la taxe au poids introduite dans ma commune, je peux suivre notre production de déchets. En trois ans, nous avons réduit nos déchets de deux tiers, pour passer de 22 kilos par mois à 7,5 kg. Sans grands efforts, en modifiant nos habitudes d’achat et de consommation petit à petit.

Et notre famille n’est pas un modèle du genre, pourtant ! D’autres membres de l’association Zero Waste Switzerland ont réussi à réduire de 50 à 75% leurs déchets en seulement trois mois. Pour y parvenir, ils ont suivi un des workshops organisés par l’association et profité des conseils et échanges entre participants (agenda des événements sur le site de l’association).

Imaginez donc si tout un village, tout une ville, tout une région s’y mette ! L’effet sera massif ! Les petits colibris chers à Pierre Rabhi, faisant chacun leur part, ont toutes les chances d’éteindre l’incendie de forêt!

(c) Michel Duchaine

Et il faudra sans doute réfléchir à recycler les très chères usines d’incinération surdimensionnées qui émaillent notre territoire !

Mais ceci est un autre sujet, sur lequel je reviendrai sans doute. D’autres sujets plus terre-à-terre méritent d’être abordés avant, comme le chapitre des économies, au niveau financier comme au niveau du temps, que la démarche Zéro Déchet promet de réaliser. Ou bien celui des grains de sable qui grippent (encore) ma routine Zéro Déchet (allergies, traitements médicaux, la gestion de l’entourage indifférent ou récalcitrant, etc.).

En conclusion, cette phrase anonyme résume bien l’objectif de la démarche Zéro Déchet…

Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas !

Joyeux Noël à toutes et à tous !

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