La numérisation nous sauvera-t-elle ?

En début de session la majorité de droite du conseil national a rejeté un postulat que j’avais proposé à la commission de la science où il avait pourtant été adopté par 12 voix contre 10. Nous voulions donner suite à une récente étude nationale qui indique que le potentiel d’efficacité énergétique des data centers est loin d’être pleinement exploité en Suisse.[1]

Nous demandions que la stratégie suisse numérique comporte une étude prévisionnelle de la consommation énergétique de ces centres tenant compte de leur potentiel d’efficacité énergétique et de leur capacité d’approvisionnement en énergies renouvelables. Cette question est déterminante pour concilier transition numérique et énergétique de notre société alors que la consommation d’électricité explose et que nous sommes déjà confrontés à la crise climatique.

De plus, la transition numérique comporte des risques pour la santé et la biodiversité que nous ne devons pas sous-estimer.

Stockage des données numériques et explosion de la consommation d’électricité

Les data centers (centres de données en français) sont d’énormes bâtiments qui abritent les serveurs que nous utilisons pour stocker, traiter, analyser et transférer des données sur le cloud, (nuage en français), qui contrairement à ce que son appellation laisse croire est bien ancré sur notre territoire. Comme le disait il y a quelques temps Babak Falsafi, directeur du centre EcoCloud de l’EPFL, la tendance est claire : “Derrière chaque service numérique que nous utilisons se cache un centre de données. Et nous nous dirigeons vers un monde où tout se fait de manière numérique, sur tous les marchés et toutes les industries.” Et il ajoute que cette consommation s’effectue en outre par le biais de « supports de haute résolution, donc plus gourmands en données et en énergie. Les gens ne réalisent pas ce que ça représente de regarder un film en 8 k (téléviseurs à très haute résolution) en termes de traitement, de transport de données et donc de consommation électrique. C’est gigantesque ! » [2]

La demande de streaming (diffusion en mode continu) a explosé ces dernières années, principalement associée à l’augmentation des jeux en ligne et de la consommation des biens culturels sous forme numérique (musique, films, sport, etc.) ainsi que des nouveaux modes de communication, en particulier véhiculant des images et vidéos (Instagram, spots des « influenceurs », etc.). Parmi les sites qui diffusent des vidéos, sans surprise Youtube arrivait en tête avec 23 milliards de visites par mois en 2018. Facebook arrivait en deuxième avec 19 milliards. En troisième position se hissent les trois sites pornographiques les plus populaires avec 8 milliards de visites par mois[3]… De plus, l’année passée, de nombreuses activités commerciales ont été transférées en ligne à cause de la pandémie, ce qui a provoqué une énorme poussée de la demande, principalement pour la vidéo. Le télétravail lié à la généralisation très rapide des conférences et séances de travail en ligne s’y ajoute. Cette numérisation accélérée de la société entraîne une augmentation inédite de la quantité et de la rapidité de transmission des données, qui requière une multiplication des centres de données et dont les capacités de stockage doivent être toujours plus importantes.

Ainsi leur besoin énergétique augmente exponentiellement. En Europe, la consommation d’électricité des data centers a déjà augmenté de plus de 42% entre 2010 et 2018 dans un marché particulièrement concentré entre Allemagne, Royaume-Uni, France et Pays-Bas. Ceci malgré les nombreux progrès en matière d’efficacité énergétique au cours de la dernière décennie (la puissance nécessaire pour stocker un téraoctet de données a été divisée par 9 entre 2010 et 2018 et l’intensité énergétique des data centers dans le monde a diminué de 20% par an depuis 2010) [4]. Car les gains d’efficacité à tous les niveaux (matériel, logiciel, infrastructure) ont été supplantés par l’augmentation de la capacité même des centres et par une croissance en moyenne de 25% par an des flux de données. On prévoit qu’avec l’arrivée de la 5G, ces flux vont exploser alors que les anciennes technologies de réseaux seront maintenues du fait des stocks d’équipements existants. Une nouvelle étude commandée par la Commission européenne établit que d’ici 2030, la consommation d’énergie des data centers de l’UE devrait passer de 76,8 TWh à 98,52 TWh, soit une augmentation de 28 %. Dans ces conditions, l’objectif de leur neutralité carbone d’ici 2030 que s’est fixé l’Union européenne dans sa stratégie numérique comporte un défi gigantesque [5].

A l’échelle mondiale, la consommation énergétique du numérique a augmenté d’environ 9 % par an sur la période 2015 à 2020, ce qui correspond à un doublement en huit ans[6]. Les data centers eux-mêmes ainsi que, dans une égale mesure, les systèmes de télécommunication qui transportent ces données pourraient représenter 8 % de la consommation d’électricité d’ici à 2030 – contre 3 à 5 % aujourd’hui – et 4 % des émissions de CO2[7]. Une quantité d’énergie gigantesque est nécessaire pour conserver toutes les données numériques mais aussi pour refroidir le matériel informatique. En 2018, un chercheur publiait dans la prestigieuse revue Nature que ce seul élément contribuait directement à 0,3 % des émissions totales de carbone[8].

Concilier transition numérique et énergétique

Actuellement 64% de la production d’électricité mondiale est produite à partir du fossile, surtout du charbon (38%) et du gaz naturel (23%), et 10% du nucléaire (AIE, 2020). Les émissions de gaz à effet de serre résultant de l’électricité consommée varient selon le mix électrique considéré. Ainsi, utiliser un smartphone ou conduire une Tesla en France aura un plus petit impact CO2 que la même utilisation en Chine[9]. Cela sera par contre davantage associé à l’énergie nucléaire dont nous devons également nous libérer. Dans ces conditions, la pression exercée par l’augmentation exponentielle de la consommation d’électricité liée à la numérisation, à laquelle vient s’ajouter celle de l’électromobilité en plein essor, mène au constat manifeste de la nécessité d’une plus grande sobriété énergétique. Appliquée au numérique, la sobriété consiste à « passer d’un numérique instinctif voire compulsif à un numérique piloté, qui sait choisir ses directions : au vu des opportunités, mais également au vu des risques ». [10]

Alors que l’Union européenne semble avoir pris pleinement la mesure de l’enjeu énergétique du XXIème siècle à savoir concilier numérisation de la société et transition énergétique, nos autorités semblent minimiser cette nécessité. [11][12]Les lobbys des énergies obsolètes des siècles passés que sont le fossile et le nucléaire et leurs représentants à Berne font tout pour freiner la révolution énergétique. Ainsi nous ne disposons toujours pas d’une véritable stratégie pour promouvoir la recherche et l’innovation transformative (l’innovation qui doit permettre de relever les défis majeurs comme la décarbonisation) comme je viens d’en faire la demande au conseil fédéral[13]. Le rejet de la révision de la loi CO2 en juin dernier a enterré le projet de fonds pour le développement et le financement de la transition énergétique, ce pourquoi les Vert.e.s et le Parti socialiste se coordonnent pour proposer au peuple la création d’un tel fonds.[14]La Suisse dispose d’un grand potentiel pour le photovoltaïque qui est largement sous-exploité. La planification de sortie des énergies fossiles doit se baser sur les scénarios les plus plausibles d’évolution de la consommation d’électricité tenant compte à la fois de la sortie du nucléaire, de la numérisation de la société et du développement de l’électromobilité. De plus la production des énergies renouvelables doit être éco-compatible et ne pas se faire au détriment de la biodiversité, ni des droits humains (impacts des barrages sur les écosystèmes des rivières, extraction des terres rares, etc.).

Dans ce contexte, les propositions pro-nucléaires de l’UDC et du président français semblent anachroniques. Ces acteurs politiques doivent être atteints d’amnésie. Oubliées pour eux les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima ! Les « nouvelles générations » de centrales nucléaires qu’ils vantent ne généreront-elles plus de déchets radioactifs ? En multiplier le nombre mais en miniature (c’est-à-dire quand même de la taille d’une centrale à charbon) devrait nous rassurer ? Personnellement observer notre grand voisin, alors qu’on se demande bien comment il va désaffecter et démanteler ces 56 réacteurs dont l’âge moyen est déjà de 34 ans (et dont la durée de vie est fixée à 40 ans), s’embourber davantage dans le piège nucléaire ne fait que renforcer mon inquiétude. Macron ou ma collègue conseillère nationale UDC[15] que je ne nomme plus ont-ils considéré l’impact du réchauffement climatique sur les centrales nucléaires alors qu’en situation caniculaire l’augmentation de la température des cours d’eau ne permet plus leur refroidissement ? Faut-il leur rappeler qu’au rythme où nous allons une canicule comme celle de 2003 se produira 14 à 40 fois plus souvent avec une augmentation moyenne de la température globale respectivement de +2°C à +4 °C durant les 50 prochaines années (Rapport IPCC, 2021)[16] ? Alors que nous avons absolument besoin de réorienter les investissements tant publics que privés vers les énergies renouvelables et le déploiement de la sobriété numérique et énergétique, ces projets nucléaires engloutiraient des sommes colossales jusqu’à la fin du siècle tout en exacerbant les risques d’accidents, qu’ils soient liés au réchauffement climatique ou au cyberterrorisme face auquel nous nous révélons tout aussi vulnérables comme l’a rappellé le Conseil de sécurité des Nations Unies en février 2017 déjà ! [17]

La crise climatique ne doit pas devenir le prétexte d’un déploiement aveugle et impitoyable des alternatives au fossile. Elle ne peut justifier de renoncer à la sortie du nucléaire, qui n’est pas une énergie « propre » et dont les risques géopolitiques, sécuritaires, sanitaires et environnementaux représentent une menace tout aussi grave pour la viabilité de la planète que le réchauffement lui-même. En réalité aucune de nos sources d’énergie ne sont « propres », toutes comportent des émissions grises et une pression sur les autres limites planétaires d’où la nécessité de raisonner notre consommation. C’est l’objectif de la sobriété numérique qui vise la durabilité du système numérique lui-même tout en contrôlant ses impacts physiques et environnementaux.[18]

Sous-estimation helvétique des enjeux

Notre gouvernement a mis l’accent sur la numérisation depuis plusieurs années déjà, accélérée depuis par la pandémie. Pourtant il semble qu’une réflexion reste encore à mener en amont sur la base d’une évaluation des bénéfices mais également des risques pour notre société et notre environnement de la transition numérique. Cela n’a pas été l’approche de l’Office fédéral de la télécommunication (OFCOM), en charge de la gestion de la numérisation en Suisse de 1998 à 2020. Ce qui explique sans doute en partie pourquoi notre stratégie suisse numérique n’est pas suffisamment fondée sur une approche systémique, globale et interdépartementale alors que les intérêts économiques des acteurs de la télécommunication sont eux parfaitement pris en compte. Ainsi ni les impacts sur la santé n’ont été pris suffisamment en considération, ni les impacts sur l’emploi, ni l’impératif de concilier transition énergétique et numérique, ni celui d’opérer ces transitions tout en préservant les ressources naturelles (eau, air, sol) et la biodiversité, ni la prévention en termes de sécurité des données nous plaçant dans une dangereuse situation de vulnérabilité face aux « hackers ». Depuis le premier janvier 2021 les tâches de la Direction opérationnelle en rapport avec la stratégie “Suisse numérique” ont été transférées à la Chancellerie fédérale, peut-être le signe d’une prise de conscience des effets délétères d’une approche aussi segmentée, réductrice et intéressée du deuxième plus gros défi technologique de notre siècle. Espérons donc que ce transfert permettra à nos autorités d’enfin accorder un peu d’importance non pas seulement aux opportunités mais également aux effets négatifs de la numérisation sur notre société et notre environnement. Nous serions ainsi rassurés au sujet des capacités visionnaires des autorités responsables en la matière. [19]

Les défis environnementaux et sanitaires de la numérisation

Nous avons vu l’impact de la numérisation sur le réchauffement climatique lié à ses émissions de CO2 mais pour évaluer la pollution numérique, nous devons prendre en compte l’ensemble des cycles de vie des produits, de l’extraction des matières premières qui se révèle extrêmement polluante en passant par les étapes de fabrication, de transport aux déchets générés qui sont actuellement très peu et mal recyclés. Des conditions de travail inhumaines sont également dénoncées[20].

Les risques pour la santé que représente la numérisation doivent être également pris en compte. Ils sont surtout liés d’une part à une surexposition face aux champs électromagnétiques (CEM) de hautes fréquences, d’autre part à l’augmentation du temps passé devant les écrans. La densification sans précédent du réseau numérique ces dernières années, l’apparition du smartphone, la généralisation de la Wifi, des appareils connectés en permanence, le passage à la 5G (il est déjà question de la 6G), tout cela non seulement participe à l’explosion de la consommation énergétique du numérique comme nous l’avons vu mais également à une surexposition aux rayonnements non-ionisants (RNI). Les inquiétudes de la population sont légitimes, de nombreux effets ayant déjà été identifiés. Les champs électromagnétiques (CEM) de hautes fréquences utilisées pour les télécommunications induisent un échauffement corporel. La gravité de cet effet dépendra des caractéristiques du rayonnement, de l’intensité et de la durée de l’exposition. Au-delà de certains seuils et en cas de doses élevées, ces modifications provoquent des lésions aiguës telles que brûlures, fibrillations cardiaques ou réactions de type fiévreux[21]. L’Ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) fixe les valeurs limites qui permettent d’éviter de tels effets aigus dans le cadre des applications quotidiennes, cependant le centre international de recherche contre le cancer (CIRC) déclarait que le rayonnement de haute fréquence était potentiellement cancérogène pour l’être humain en 2011 déjà. Des effets sur la qualité des spermatozoïdes ont également été observés. Et des effets sur les ondes cérébrales au repos et pendant le sommeil ont été démontrés[22].

Nous ne savons pas quels seront les effets de cette densification et intensification des ondes électromagnétiques à moyen et long terme tant sur notre organisme que sur la biodiversité. Alors que le réseau 5G s’est déployé très rapidement depuis 2019, la mise sur pied d’études nationales n’ont été votées au Parlement qu’en été 2020[23] et l’Office fédéral de l’environnement ne fournira un rapport qu’en 2022[24]. Bien que pour l’instant « Le déploiement de la 5G se fait dans les gammes de fréquence que l’on utilise déjà aujourd’hui pour la téléphonie mobile et les réseaux sans fil (WLAN)», peut-on considérer que le principe de précaution a été suffisamment appliqué ? Par exemple, les personnes hypersensibles peuvent percevoir en permanence les vibrations émises par les antennes qui recouvrent désormais la quasi-intégralité de notre territoire. Pour elles, le silence n’existe plus depuis 2 ans, mais pour l’instant, comme pour les autres sources de pollution (pesticides, produits chimiques, cosmétiques, etc.), les effets sur la santé d’une exposition chronique et multiple ne sont pas pris en compte par les réglementations tant que les seuils quantitatifs sont respectés.

Nous en savons peu concernant l’impact de la pollution électromagnétique sur les écosystèmes. Certains de ces rayonnements sont absents de l’environnement naturel et les organismes vivants n’y avaient encore jamais été exposés. Selon une étude récente (2018) publiée par The Lancet les niveaux d’exposition aux rayonnements électromagnétiques radiofréquences autour de la bande de fréquence 1 GHz, principalement utilisée pour les communications sans fil, ont augmenté d’environ « 1018 » fois par rapport aux niveaux naturels, extrêmement bas[25]. Rappelons encore une fois la nécessité de respecter l’ensemble des limites planétaires pour garantir la viabilité de la planète pour les jeunes générations. L’érosion de la biodiversité en est à un stade extrêmement grave, proche de l’irréversibilité. Dans ce contexte une telle intensification de la pollution électromagnétique comporte une pression supplémentaire. En particulier, l’impact sur les insectes doit être au cœur de nos préoccupations. Récemment, un travail de synthèse sur les effets des RNI sur les insectes et autres arthropodes a également été lancé à l’Université de Neuchâtel, dont aucuns résultats ne sont encore accessibles.

Si nous ne connaissons pas encore suffisamment les effets sur les êtres vivants des RNI, en revanche nous connaissons bien ceux d’une surconsommation numérique sur la santé humaine. Pourtant la stratégie suisse de la numérisation ne mentionne pas ces enjeux, raison pour laquelle je viens de déposer un postulat pour obtenir un rapport de l’administration à ce sujet[26].

L’augmentation du temps passé devant les écrans a déjà des répercussions négatives très importantes. En 2018, un internaute passait en moyenne 6h42 en ligne par jour. Dix ans auparavant ce temps était à peine de trois heures. [27]Ces longues heures passées tout à la fois dans l’inactivité physique et une suractivation neurologique est néfaste pour le bon fonctionnement de notre organisme. Les causes des maladies chroniques liées à la sédentarisation (surpoids, obésité, maladies cardiovasculaires, cancers) sont accentuées. Le télétravail, tout comme les « loisirs numériques » sont et seront de plus en plus associés à des maladies inflammatoires chroniques (tendinites, maux de dos, maux de tête). Cette surexposition aux écrans se révèle également néfaste pour nos yeux, en particulier pour les enfants et adolescents. La publication, en 2012, d’un article alarmant de l’universitaire australien Ian Morgan, dans la revue The Lancet, a braqué les projecteurs sur une épidémie de myopie sans précédent. En Europe, en Russie et en Amérique du Nord, la proportion de personnes ayant une mauvaise vision de loin atteint les 50 %, tandis qu’en Asie ce taux grimpe jusqu’à 65 % de la population (80 % en Chine !). Plus inquiétant encore, les jeunes se trouvent en première ligne : en seulement deux générations, le taux d’enfants myopes a doublé dans certains pays. En Europe les vingtenaires sont désormais deux fois plus nombreux que les cinquantenaires à souffrir de myopie. Provoquée par une déformation du globe oculaire, qui s’allonge, la myopie est irréversible. Si une paire de lunettes ou de lentilles correctrices, voire une opération chirurgicale au laser peut pallier la perte d’acuité visuelle, dans certains cas sévères, la myopie conduit au handicap voire à la cécité[28]. Cette progression rapide des problèmes visuels coïncide avec l’arrivée du smartphone en 2007. Les chercheurs parlent de myopie comportementale qui caractérise la jeunesse des pays post-industrialisés. Et pourtant, pour la combattre et parce que la nature est bien faite, il suffit de s’assurer que les enfants passent suffisamment de temps (2h/jour au minimum) en plein air, exposés à la lumière naturelle ! Cela est évidemment recommandable pour tous.

Or notre consommation numérique est devenue addictive. Et c’est exactement ce que voulaient les concepteurs des logiciels, réseaux sociaux, jeux vidéos et autres fonctionnalités sur Internet. Pour l’obtenir, la fusion des neurosciences et du High-tech s’est révélée imparable car les géants du Web s’appuient sur un mécanisme neurobiologique vitale de notre cerveau, l’activation de la dopamine souvent qualifiée d’hormone du bonheur. Ce neurotransmetteur est garant de la sensation de plaisir immédiat, qu’il soit provoqué par la jouissance sexuelle, le goût du sucré, l’action de drogues comme la nicotine ou la cocaïne, une victoire ou un succès qu’ils soient virtuels, sportifs, intellectuels ou artistiques in fine toute manifestation de reconnaissance et d’approbation d’autrui. Nous partons ainsi à la conquête des « like ». [29]Cette suractivation de la dopamine liée à notre surconsommation d’Internet et du Smartphone participe ainsi à faire de nous, si nous n’en prenons garde, des êtres non seulement déconnectés de la réalité et de la nature mais également égocentriques et narcissiques alors même que nous ne pourrons sauvegarder la viabilité de la planète qu’en développant nos capacités altruistes. Le paradoxe des nouvelles technologies de la communication comme les réseaux sociaux est qu’elles sont à la fois la solution ou le piège pour la survie de l’humanité car elles nous fournissent tout à la fois un moyen inédit de se relier les uns aux autres, tout en stimulant en nous nos instincts les plus égoïstes et irresponsables. Finalement, comme n’importe quel outil, elles seront ce que nous en faisons mais face à une telle manipulation de nos neurones, les états se doivent de protéger leurs concitoyens et ne sauraient se réfugier encore une fois derrière la responsabilité individuelle alors qu’ils ont encouragé le déploiement sauvage de ces technologies.

[1] https://puedaplus.ch/2021/04/13/studie-rechenzentren-haben-grosses-effizienzpotenzial/

[2] https://actu.epfl.ch/news/les-centres-de-donnees-contraints-de-penser-leur-e/

[3] La Revue Durable, Technologies numériques : en finir avec le capitalisme de surveillance, n°63, automne-hiver 2019, p.22

[4] https://www.connaissancedesenergies.org/lunion-europeenne-face-la-consommation-electrique-des-data-centers-210412

[5] https://www.novethic.fr/actualite/energie/efficacite-energetique/isr-rse/d-ici-2030-la-consommation-d-energie-des-data-center-en-europe-va-exploser-de-pres-de-30-149368.html

[6] Hugues Ferrebœuf (dir.), Lean ICT : Pour une sobriété numérique, The Shift Project, octobre 2018, p. 15

[7] https://actu.epfl.ch/news/les-centres-de-donnees-contraints-de-penser-leur-e/

[8] https://www.nature.com/articles/d41586-018-06610-y

[9] Hugues Ferrebœuf, op.cit., p. 33

[10] https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/10/Deployer-la-sobriete-numerique_Resume_ShiftProject.pdf, p.2

[11] https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/proposal-decision-establishing-2030-policy-programme-path-digital-decade

[12] https://www.ictjournal.ch/etudes/2021-04-19/les-datacenters-suisses-gaspillent-encore-trop-denergie

[13] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20214391

[14] https://www.rts.ch/info/suisse/12640067-le-camp-rosevert-annonce-des-initiatives-pour-creer-un-fonds-pour-le-climat.html

[15] https://www.letemps.ch/suisse/magdalena-martulloblocher-veut-une-nouvelle-centrale-nucleaire

[16] https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_SPM_final.pdf, p.23

[17] https://www.un.org/press/fr/2017/cs12714.doc.htm

[18]https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2021/03/Note-danalyse_Numerique-et-5G_30-mars-2021.pdf, p.6

[19]https://www.bakom.admin.ch/bakom/fr/page-daccueil/suisse-numerique-et-internet/strategie-suisse-numerique/digitale-schweiz.html

[20] https://mtaterre.fr/dossiers/le-numerique-responsable/les-impacts-du-numerique

[21] Rayonnement non ionisants et protection de la santé en Suisse, Rapport interdépartemental de la Confédération, 2006, p.5-6.

[22] DETEC, Rapport Groupe de travail Téléphonie mobile et rayonnement, 2019, p.64.

[23] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20194073

[24]https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/dossiers/rapport-groupe-de-travail-telephonie-mobile-et-rayonnement.html

[25]https://fr.wikipedia.org/wiki/Effets_biologiques_et_environnementaux_des_champs_électromagnétiques#Sources_artificielles_dans_le_domaine_des_radiofréquences_(9_kHz_à_3_000_GHz)consulté le 13 décembre 2021 : https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(18)30221-3/fulltext

[26] Postulat V. Python, Quels impacts la numérisation aura sur notre santé?, dépôt le 13 décembre 2021

[27] La Revue Durable, op.cit.

[28]Christophe Kilian, ARTE France: Demain, tous myopes ?, 2020, https://boutique.arte.tv/detail/demain_tous_myopes

[29] La Revue Durable, Comment capter le temps et l’attention sur internet ?, N°63, 2019, pp.36-37

Valentine Python

Docteure EPFL, climatologue et géographe, Valentine Python s’investit dans l’éducation à l’environnement. Consultante scientifique, elle transmet les connaissances nécessaires pour comprendre le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité. Conseillère nationale depuis 2019, elle s’applique à créer des passerelles entre Science et Politique.

6 réponses à “La numérisation nous sauvera-t-elle ?

  1. Je suis jeune et je soutiens le nucléaire.
    Les antinucléaires ont détruit notre climat et empêché l’amélioration des réacteurs et de leur sécurité.

    Il faut corriger leurs erreurs; il faut investir massivement dans le renouvelable et le nucléaire. Vive la technologie. Les scientifiques nous sauveront du réchauffement climatique, pas les idéologues.

    1. Etre pro-nucleaire c’est reporter la charge du dementellement du parc nucleaire sur les generations futures. Leurs laisser le gestion des dechets, gerer les centrales trop vielles pour pouvoir en faire quoi que ce soit. Ces verrues de beton qu’il faudra surveiller pendant des millenaires.
      Si dans le prix de l’electricite produite par cette energie, etait inclus les couts des charges cites plus haut, le nucleaire serait mort depuis longtemps.
      Le developpement du nucleaire, c’est juste continuer a ne pas s’occuper des vrais problemes, pour mieux poursuivre notre chemin qui va droit dans le mur.

      1. Ok boomer.

        Prenez connaissance des nouvelles technologies nucléaires. Les scientifiques ont progressé, vous avez gardé les slogans des années 1970.

  2. Bravo pour la qualité de votre article qui est très complet. Le numérique qui est souvent perçu comme immatériel et illimité à pourtant un impact bien matériel sur les ressources, l’environnement voire la santé. La course aux écrans 8K, même sur des smartphones, est une fuite en avant irresponsable et inutile. Vous avez complètement raison sur le fait que nous devons analyser le cycle de vie de toute solution technologique, évaluer ses bénéfices avant sa mise en œuvre. Ce n’est pas parce qu’une voie technologique existe qu’il faut systématiquement l’emprunter.

  3. Très bon article, très référencé et un réflexion qui me parait fondée et relativement objective.

    Néanmoins, je il me semble que vous mélangez par moment (particulièrement dans la première partie) sources et convictions. Je me permets de vous aiguiller vers cette chaine Youtube (oui, encore des données… néanmoins si nous ne regardions que ce type de vidéos plutot que de la pornographie ou des chats nous serions plus avancés 😉 ) https://www.youtube.com/watch?v=utyT8Z4qEaA. Il a fait toute une série sur l’énergie qui vaut le détour.
    J’adorerais avoir votre avis sur la question, vous semblez lire vos sources et ne pas simplement les citer (il y a des vidéos résumées si vous n’avez pas le temps ou l’envie de tout regarder).

    A cela j’ajoute que je trouve surprenant que vous ne parliez pas du stockage nécessaire aux énergies dites renouvelables, ce n’est pas là un sujet qui puisse être glissé sous le tapis, surtout en parlant de numérisation. Nos centres de stockage ne devront pas être refroidis que les jours de soleil ou de vent.

    Les barrages hydroélectiques sont une super alternative, mais modifier encore aujourd’hui les rares zones non-habitées en y créant des lacs artificiels alors que nos écosystèmes “tirent déjà la langue” je ne suis pas certain que ce soit bénéfique à long terme.

    Je pense personnellement que l’effondrement de la biodiversité (pollution lumineuse, pésticides, déstruction des habitats naturels…) font bien plus de mal à la Suisse que les émissions qui, bien que non-négligeables, ne permettront jamais à la Suisse de faire une différence significative au niveau mondial. Si nous espérons que le vivant s’adapte à un climat plus instable, la moindre des chose serait de ne pas détruire le vivant en amont.
    C’est une vision extrêmement pessimiste j’en concois, mais je crains qu’il ne nous faille choisir nos combats. Critiquer le nucéaire aujourd’hui, particulièrement les surgénérateurs, me parait anachronique.

  4. A partager, de la matière à penser:

    1) Marc Muller – ingénieur en énergie – en devant les actionnaires du Groupe E

    http://www.youtube.com/watch?v=HR-sZlRqpPk

    2) JM Jancovici, ingénieur en énergie

    http://www.youtube.com/watch?v=LCZQZMpfAWE

    3) Gaël Giraud, mathématicien, économiste, théologien et spécialiste des interactions économie-écologie:

    http://www.ladn.eu/nouveaux-usages/gael-giraud-interview-penseur-gauche/

    http://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-emission-du-mercredi-23-juin-2021

    4) Etienne Klein, physicien et philosophe

    http://www.youtube.com/watch?v=lSnPQmlmJgM

    5) Jacques Généreux, prof. d’économie sur “La déconnomie” ou l’empire de la bêtise

    http://www.youtube.com/watch?v=w6ELrvr0a9s

    http://www.seuil.com/ouvrage/quand-la-connerie-economique-prend-le-pouvoir-jacques-genereux/9782021399004

    6) Et enfin, cette synthèse, de Paul Krugman, prix Nobel d’économie:

    “Une raison fondamentale du retour des crises est l’incapacité à laisser les faits remettre en cause des doctrines libérales erronées.”

    http://www.seuil.com/ouvrage/pourquoi-les-crises-reviennent-toujours-paul-krugman/9782757842010

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