Multinationales occidentales en Afrique ou la prédation au détriment de l’éthique

La Suisse vote ce 29 novembre 2020 pour juger sur son sol les entreprises voyous qui violent les droits des enfants dans certains pays du Sud, principalement d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. En effet, plusieurs multinationales très connues, dont le siège est en Suisse, opèrent dans ces régions dans des activités controversées, engrangeant au passage des bénéfices considérables au mépris de la protection des enfants et de l’environnement de ces pays. Quelles seront les conséquences de ce vote sur l’Afrique qui compte 80 millions d’enfants obligés de travailler sur un total de 152 millions répertoriés dans le monde ? Partisans et opposants à cette initiative dite des multinationales responsables avancent leurs arguments sur fond d’une crise qui pourrait bien laisser des traces sur le plan politique, non seulement en Suisse, mais aussi au Burkina Faso.

Les chiffres fournis par les Nations-Unies sur le travail des enfants font froid dans le dos, à tel point que l’institution semble décidée à mettre fin au travail des enfants d’ici à 2025. Ce ne sera pas une tâche facile, notamment en Afrique, où certaines multinationales peu scrupuleuses usent de leur toute puissance et influence pour faire régner leurs lois.

L’Afrique, il faut le rappeler, est le continent le plus touché par le travail des enfants, car plus de 40 % d’enfants âgés de 5 à 14 ans sont sollicités, qui pour travailler dans des mines, qui dans des champs de coton, qui dans l’orpaillage, sans oublier les travaux domestiques, entre autres. Ce pourcentage, le plus élevé au monde, représente plus de 80 millions d’enfants sur qui l’Afrique ne pourra guère compter pour rattraper son énorme retard en matière de développement. Si rien n’est fait, ce chiffre devrait dépasser les 100 millions à la fin de l’année 2020. Pratiquement toute l’Afrique est touchée par le phénomène. C’est le Nigéria, pays le plus peuplé du continent africain, qui arrive en tête de ce triste classement, avec 12 millions d’enfants au travail, selon l’UNICEF. En Afrique du Sud, 400 000 enfants pauvres, issus des bidonvilles, ont été recensés dans des vergers, tandis qu’en Egypte on compte entre 500 000 et 1 million d’enfants qui travaillent dans des champs de jasmin, environ 10 000 au Maroc dans la fabrication de tapis, d’articles de cuirs, dans la poterie, etc. Le domaine de l’agriculture est également très concerné par le travail des enfants, par exemple dans les plantations de vanille à Madagascar et de cacaoyers en Côte d’Ivoire qui exploite jusqu’à 600 000 enfants.

Dans une étude sur le travail agricole publiée par des chercheurs au Cameroun, au Ghana, au Nigéria et en Côte d’Ivoire, il a été prouvé que des enfants, souvent très jeunes, étaient employés à des tâches qui mettaient en danger leur santé, voire leur vie, à travers la pulvérisation d’insecticides et le débroussaillage à l’aide de machettes, par exemple. L’étude a été réalisée avec la collaboration de l’USAID, du ministère américain du travail, de l’industrie chocolatière, du Programme international sur l’élimination du travail des enfants (IPEC), de l’Organisation internationale du travail (OIT) et de gouvernements d’Afrique occidentale.

Le secteur agricole n’est, de loin, pas le seul à être en cause dans le travail des enfants. En effet, celui des mines, attire particulièrement l’attention des ONG et organisations de protection des droits des enfants. Plusieurs pays, dont la Côte d’Ivoire et ses mines d’or, le Zimbabwe et ses mines de chrome et la République Démocratique du Congo avec ses gisements de diamants et de coltan font l’objet de condamnations par ces ONG.

Après ce bref état des lieux de la situation dans certains pays d’Afrique, nous nous attarderons un peu plus sur le cas du Burkina Faso. Dans ce pays, des enfants à peine âgés de 8 ans passent leurs journées à creuser dans des mines d’or, se retrouvant dans des puits profonds de 60 mètres de profondeur, prenant ainsi des risques incommensurables.

Si nous nous intéressons précisément à ce pays, c’est qu’une polémique a été créée par la récente visite en Suisse de son ministre du commerce, M. Harouna Kaboré. Ce dernier, accompagné d’une parlementaire suisse au rôle pour le moins trouble dans ses rapports avec le gouvernement du Burkina Faso, s’est fendu d’un discours qui contredit une réalité pourtant constatée par plusieurs ONG, organisations des droits de l’homme et par l’OIT. Ce faisant, il s’oppose donc, tout comme la parlementaire suisse, Madame Isabelle Chevalley, à l’initiative qui vise à poursuivre en Suisse les multinationales dont le siège est en Suisse et qui favorisent le travail des enfants au Burkina Faso. A Berne, le ministre Harouna Kaboré, a déclaré en substance que « Au Burkina Faso, les formes les plus graves de travail infantile n’existent pas. Je suis moi-même producteur de coton et je peux vous affirmer que le travail des enfants n’est pas possible dans les champs de coton. »

Suite à ces propos, des organisations de la société civile du Burkina Faso et d’Afrique ont dénoncé les « déclarations irresponsables » du ministre qui est allé « à contresens des engagements internationaux de son propre pays en matière de protection des droits humains ». Voici, à ce propos, un large extrait du communiqué de deux d’entre elles bien connues au Burkina Faso et en Afrique. «Le CERDE et ACCA tiennent à rappeler l’évidence que représentent les méfaits de l’activité de  certaines multinationales sur les droits humains et l’environnement. C’est le lieu de rappeler que  dans le contexte du boom minier que connait le Burkina, l’activité extractive a suscité une série de problèmes liées au respect de l’environnement, à la (sur)vie des communautés locales ainsi  qu’au respect des droits des travailleurs. Cela a occasionné ces dernières années des tensions et  incidents malheureux entre communautés locales et entreprises minières. Ces problèmes ont été  pointés du doigt par la société civile burkinabé à maintes reprises, y compris lors de l’examen périodique universel dans le cadre des Nations Unies. Le CERDE et ACCA saluent l’engagement des autorités Burkinabé à protéger les droits des citoyens et souhaitent que cet engagement soit traduit de manière forte dans les faits. Considérant que la sortie malheureuse du ministre Harouna Kaboré ne constitue en aucun cas la position officielle du Burkina sur cette question, nos deux organisations encouragent le  gouvernement à communiquer pour rassurer la société civile et les populations burkinabé désireuses de plus de progrès, de justice sociale et davantage de responsabilité dans l’activité des acteurs économiques privés.»

A travers cette déclaration commune on ne peut plus limpide, le CERDE et ACCA condamnent sans réserve l’attitude du  ministre Burkinabé. Selon les 2 organisations, le ministre s’est discrédité en allant contre les positions officielles de son pays qui s’est positionné en faveur du respect par les  multinationales des droits humains et de l’environnement. Cette sortie constitue également une remise en cause des engagements internationaux du Burkina. Cette sortie malheureuse, selon ces organisations «affecte ainsi l’image et la respectabilité internationale du pays. »

Pour rappel, le Centre d’Études et de Recherches sur le Droit de l’Environnement (CERDE) est une association  de Droit Burkinabé spécialisée sur les questions environnementales. Quant à l’African Coalition for Corporate Accountability (ACCA), il s’agit de la plus grande coalition de la société civile  africaine qui regroupe plus de 130 organisations intervenant sur les sujets relatifs aux entreprises et aux droits humains. L’ACCA est basée au Centre for Human Rights à l’Université de Pretoria, en Afrique du Sud.

Au niveau suisse, plusieurs centaines d’hommes et de femmes politiques, 650 paroisses, 300 dirigeants d’entreprises, des centaines de personnalités de la société civile, 130 organisations de la société civile sont engagés pour un OUI à l’initiative. La société civile africaine en Suisse n’est pas en reste. L’Association CIPINA (Centre d’Information et de Promotion de l’Image d’une Nouvelle Afrique, www.cipina.org) a appelé les Africains de Suisse à voter en faveur de l’initiative. Le Secrétaire exécutif de l’Association des Burkinabé de Suisse (environ 1 200 personnes), M. Désiré Yirsob Dabiré, s’est également exprimé à titre personnel sur cette affaire : « Je ne partage absolument pas les propos du ministre Harouna Kaboré, plusieurs membres de la communauté burkinabé en Suisse sont de mon avis. Le travail des enfants existe bel et bien au Burkina Faso. En venant en Suisse pour affirmer le contraire, on a plutôt l’impression que c’est le ministre qui est infantilisé par les opposants à l’initiative. Le Burkina Faso a pris des mesures pour condamner fermement l’exploitation des enfants sur son territoire. Si elle est adoptée, l’initiative contribuera sans doute à renforcer la protection de ces enfants et des populations vulnérables. Concernant Mme Chevalley, il est de notoriété publique qu’elle entretient d’excellents rapports avec les autorités actuelles de mon pays. Je m’interroge toutefois sur la légalité des conditions dans lesquelles elle a pu obtenir un passeport diplomatique burkinabé, un privilège dont peu de Burkinabé bénéficient, a fortiori des non Burkinabé. Il y a là certainement matière à enquête, aussi bien en Suisse qu’au Burkina Faso “.

Au-delà de cette polémique, il est urgent que les États africains protègent leurs enfants. Pour cela, il faudrait qu’ils disposent de plus de moyens financiers. Une des solutions pour accroître leurs ressources financières serait de taxer les multinationales qui échappent à l’impôt. Selon plusieurs spécialistes, l’Afrique perd chaque année entre 30 à 60 milliards de dollars, à cause de ces multinationales irresponsables qui échappent à l’impôt. Ce montant représente plus que l’aide internationale que l’Afrique perçoit.

A la lumière de toutes ces informations, un OUI massif est recommandé pour protéger les droits des enfants en général, Africains en particulier, ainsi que notre environnement qui est un objectif transversal pour toute notre planète.

Élections américaines et dérapages verbaux sur l’Afrique : Un peu de retenue please, Mister Donald Trump et Monsieur Charles Juillard

Dans l’attente des résultats définitifs des élections américaines, quelques voix s’élèvent deci delà pour fustiger l’attitude de Donald Trump qui a déclaré sa victoire avant même la proclamation des résultats. Suffisant pour s’attirer les foudres des partisans de Joe Biden et plus largement de la démocratie. Connu pour son langage très peu fleuri et son arrogance vis-à-vis des « petites » nations, africaines notamment, Donald Trump semble avoir fait des émules, y compris en Suisse.

En janvier 2018, Donald Trump entamait une discussion avec des sénateurs républicains et démocrates afin de limiter l’immigration aux USA, notamment en activant des mécanismes de limitation du regroupement familial et d’accès à la loterie pour la fameuse Green Card (carte de résident permanent).

On se souvient que lors de la campagne électorale de 2016, il avait promis d’ériger un mur entre les États-Unis et le Mexique pour juguler le flux d’immigrants illégaux vers les États-Unis. Pour convaincre les sénateurs de sa bonne foi, il n’a pas hésité à promettre de mettre fin à l’expulsion de plusieurs dizaines de milliers de jeunes immigrants, toutes origines confondues, vivant depuis leur tendre enfance aux États-Unis. Cette manœuvre machiavélique n’était que la première d’une longue série de provocations, d’insultes et de déclarations grossières visant certains pays, africains notamment, qu’il a qualifié de « pays de merde ». Dans sa rencontre avec les sénateurs dont Donald Trump voulait obtenir le soutien pour mettre un frein à l’immigration, il leur posait cette question : « Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de ces pays de merde viennent ici ? »

Selon plusieurs sources anonymes du Washington Post, Donald Trump aurait dit en anglais « Why are we having all these people from shithole countries come here ? ». Puants comme propos.

Les Africains étaient particulièrement visés par ces déclarations irrespectueuses de Donald Trump, même si d’autres pays caribéens étaient également ciblés. Ce langage ordurier et indigne d’un chef d’état n’est que le reflet de la condescendance de Donald Trump à l’égard de pays qu’il considère comme arriérés, selon sa lecture biaisée des situations, démontrant ainsi au monde entier sa très grande ignorance pour ne pas dire sa malhonnêteté intellectuelle. D’ailleurs, l’Union africaine (UA) a fermement condamné ses propos. Après ses sulfureuses sorties en 2018, Donald Trump récidive en 2020. En effet, son ancien avocat, Michael Cohen a, dans ses mémoires publiées le 8 septembre dernier, fait des révélations fracassantes en accusant Donald Trump de propos racistes à l’égard de plusieurs dirigeants noirs, et non des moindres, puisqu’il s’agit de Barack Obama et surtout de Nelson Mandela. Si l’on sait ce que représente ce dernier aux yeux des Africains, Donald Trump a franchi ce que beaucoup d’Africains qualifient de ligne rouge. Dans ses mémoires, l’ancien avocat, cité par Le Washington Post, raconte comment Donald Trump raille l’icône africaine en disant qu’il “n’est pas un vrai leader”.

Si les dérapages verbaux de Donald Trump sont désormais connus et condamnés de presque tous, il n’est pas cependant pas la seule personnalité occidentale à s’en prendre injustement aux Africains.

Dans le sillage des élections américaines, j’ai été assez choqué par les propos de M. Charles Juillard, vice-président du parti démocrate chrétien suisse qui déclarait avant-hier (mercredi 4 novembre 2020) à Keystone ATS que l’attitude de Donald Trump consistant à se déclarer vainqueur de l’élection présidentielle avant la proclamation des résultats « ressemble à des attitudes autocratiques dans certains pays d’Afrique.» M. Charles Juillard affirmait également que «Crier victoire avant les résultats est symptomatique et révélateur de la personnalité de M. Donald Trump ».

Si je partage cette dernière déclaration de M. Charles Juillard, je reste néanmoins pantois face à l’association entre la personnalité de Donald Trump et certains pays d’Afrique.

C’est insultant à double titre pour les Afro-descendants et pour les défenseurs des droits humains en général.

  1. S’il existe bien des autocraties en Afrique, je crois qu’il en existe également sur les autres continents. L’Asie est-elle plus respectueuse de la démocratie que l’Afrique ? Que dire de l’Amérique latine ? L’Europe elle-même, est elle exempte de tout reproche dans ce domaine ? Et les États-Unis sous Donald Trump ? C’est injuste de stigmatiser l’Afrique de la sorte
  2. Autant les États-Unis que la Suisse ont été fortement critiqués dans des rapports onusiens à cause de leurs violations des droits de leurs minorités d’origine africaine. Les manifestations du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis sont là pour nous le rappeler. Quant à la Suisse, de l’aveu même d’un rapport, réalisé en 2018 par la Commission fédérale contre le racisme (CFR), le racisme anti-noir est bien une réalité dans le pays.

Partant de ces constats, était-ce nécessaire d’avoir cette attitude méprisante vis-à-vis des Africains ?

Cette déclaration, venant de la part du vice-président d’un parti qui siège au gouvernement suisse, est pour le moins maladroite et n’honore pas la Suisse. J’ose espérer que M. Charles Juillard, sinon le parti qu’il représente, en l’occurrence le PDC, clarifiera sa position en retirant ces propos qui portent à polémique. Quant au pronostic de M. Charles Juillard, à savoir que Donald Trump remportera l’élection, l’évolution des votes semble indiquer que M. Charles Juillard se trompe d’analyse. Encore une autre maladresse.

Dans son ensemble, l’Afrique de 2020 est en nette progression dans tous les domaines, y compris dans celui de la consolidation de ses systèmes démocratiques. Sans nier les manquements qu’il peut y avoir dans certains pays, il serait plus sage d’accompagner la jeunesse africaine dans son apprentissage de la démocratie pour le bien du continent et de ses partenaires internationaux, dont les USA et même la Suisse. Les États africains sont pour la plupart très jeunes et ne sont confrontés aux processus démocratiques que depuis le début des années 1990. Au contraire des Etats-Unis dont, nous dit-on, la démocratie est vieille de 240 ans et celle de la Suisse de plus de 700 ans. Donc, MESSIEURS, un peu d’indulgence, de retenue et surtout de RESPECT envers l’Afrique. PLEASE.

Racisme anti-Noirs dans les grandes entreprises suisses

Dans la plupart des pays occidentaux, les discriminations liées à la couleur de peau, à la religion ou encore au nom de famille persistent toujours malgré les dénonciations d’organisations de lutte contre le racisme. Trouver de grands patrons, d’origine africaine, par exemple, dans de grandes entreprises européennes ou américaines, relève d’une gageure, tant ils sont rares. La Suisse ne fait pas exception à cette règle. Problème de compétences ou pratiques discriminatoires ? Les avis divergent.

La polémique née du licenciement de M. Tidjane Thiam, ancien patron de Crédit Suisse, continue d’enfler plusieurs mois après le départ de celui que l’on considère comme l’un des patrons les plus doués de sa génération. Arrivé à la tête de la banque en 2015, après être passé par Londres où il a dirigé un prestigieux groupe d’assurances de 2009 à 2015, M. Tidjane Thiam s’est très rapidement imposé dans la 2ème banque de Suisse. À tel point que cela dérangeait, semble t-il, au plus haut niveau de la hiérarchie de l’entreprise. Mais le plus surprenant est que son ascension aurait également déplu à la population zurichoise, voire suisse, qui, apparemment, n’aurait pas vu d’un bon œil un Africain à la tête de l’un de ses fleurons économiques. C’est du moins ce que l’on a appris dernièrement dans quelques médias suisses, qui se faisaient l’écho d’un article du New York Times paru le 6 octobre dernier. Dans ledit article, on apprenait que lors d’une fête organisée pour les 60 ans de la banque, un artiste noir habillé en concierge s’était adonné à des démonstrations de danse tout en balayant le sol pour égayer l’assemblée composée exclusivement de Blancs et de Tidjane Thiam. Le banquier, offensé, a manifesté son indignation en quittant les lieux, suivi par un couple (blanc évidemment) assis précédemment à sa table, avant de reprendre sa place dans la salle, un peu plus tard. Suffisant pour relancer le débat sur le racisme et sur la capacité des dirigeants noirs à manager de grandes entreprises du pays. Au fait, y en-a-t-il ? Si oui, combien sont-ils ? La problématique n’est pas simple, car le sujet est très sensible. Néanmoins, il faut le poser. En effet, à y regarder de plus près, on se rend compte que, toutes entreprises confondues, il n’existe quasiment pas de grands patrons noirs en Suisse. Que ce soit dans le domaine de la finance, des médias, des administrations publiques (cantons et confédération), des multinationales de toutes sortes, du sport,… Le constat peut également être élargi à la politique. À part quelques élus locaux, il n’existe aucun dirigeant noir d’envergure nationale, et encore moins à la tête d’un parti politique suisse.

Selon une enquête réalisée en France en mars 2020 par une agence de recrutement en ligne auprès de 4,5 millions de candidats à des emplois et 135 000 recruteurs, 95 % des personnes interrogées estiment que la discrimination est présente dans les entreprises. C’est assez extraordinaire de constater que, malgré plusieurs campagnes de lutte contre la discrimination en entreprises dans ce pays, ce constat est partagé par bien des pays qui se font passer pour des chantres de l’égalité des chances.

Si le racisme touche bien des personnes de diverses origines en Suisse, il n’en demeure pas moins que ce sont les Noirs et les musulmans qui en font le plus les frais. Il est souvent pratiqué dans les entreprises et dans les écoles, lieux où, en principe, il devrait être farouchement combattu. Pas moins de 278 cas de discrimination raciale ont été recensés en 2018 par les centres de conseil en Suisse, avec 58 cas dans le monde du travail et à peine 20 moins dans les écoles. Le rapport, réalisé en 2018 par la Commission fédérale contre le racisme (CFR) et l’organisation suisse humanrights, met en lumière des dizaines de cas concrets qui malheureusement ne sont pas tous dénoncés pour différentes raisons, au grand dam des victimes qui sont très souvent livrées à elles-mêmes. Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique abondent dans le même sens que le rapport, confirmant ainsi qu’il existe bien un réel problème de discrimination à l’endroit des Noirs en Suisse, sans toutefois affirmer si le phénomène est plus prégnant en Suisse romande qu’en Suisse allemande ou l’inverse.

Une chose est cependant sûre. Que l’on soit en Suisse allemande ou romande, si on est noir, on a très peu de chances d’être PDG d’une grande entreprise, quelles que soient les compétences qu’on peut mettre en avant. La problématique est la même en France, dans la mesure où, selon l’enquête menée par l’agence de recrutement en ligne «78% des femmes et 69% des hommes interrogés n’ont jamais eu de dirigeants ou bien de supérieurs hiérarchiques de couleur. De même pour les postes de direction des Ressources Humaines, 89% des sondés n’ont jamais eu en face d’eux une personne typée lors d’un entretien d’embauche ».

Outre-Atlantique, la situation est légèrement différente. En effet, selon le réseau Black Enterprise, « 39 % des entreprises de l’indice S&P 500 (indice boursier basé sur 500 grandes sociétés cotées sur les bourses aux États-Unis) n’avaient aucun Afro-Américain à leur conseil d’administration en 2019, un chiffre en hausse de 2 points par rapport à l’année précédente ». Toujours selon le même réseau, « le nombre total d’administrateurs noirs a toutefois progressé, passant de 308 à 322 en 2019, dont une vingtaine est président ou administrateur principal ».

Quelques progrès sont à signaler aux USA, et non des moindres, puisque de grandes entreprises telles que Alphabet, Amazon, Apple ou Facebook comptent en leur sein un ou plusieurs administrateurs noirs qui occupent de très hautes fonctions, chose impensable il y a encore une dizaine d’années. Parmi les 500 plus grandes entreprises du pays, 5 seulement sont dirigées par des Afro-Américains. Sans compter Barack Obama, 1er et unique président noir des USA à ce jour.

En France, on a eu, pêle-mêle, Rama Yade (ancienne ministre), Harry Roselmack (20h de TF1), feu Pape Diouf (Président de l’Olympique de Marseille), et autres. En Italie, Cécile Kyenge, ministre pour l’Intégration du gouvernement Enrico Letta de 2013 à 2014. Au Canada, Michaëlle Jean a été Gouverneure générale avant de diriger l’organisation de la Francophonie. Sa compatriote Dominique Anglade, également d’origine haïtienne, est députée provinciale de la circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne, cheffe du Parti libéral du Québec et cheffe de l’opposition officielle du Québec. En Suède, Nyamko Ana Sabuni, femme politique membre du parti Les Libéraux, originaire du Burundi, a été ministre de l’Égalité des genres et de l’Intégration entre 2006 et 2010. En Angleterre, NneNne Iwuji-Eme a été nommée ambassadeur britannique au Mozambique en 2018, après 16 ans de bons et loyaux services au ministère des affaires étrangères britanniques. Toujours dans ce même pays,  le présentateur vedette du journal télévisé le plus regardé de Grande-Bretagne, ITV Evening News à 18 h 30, s’appelle Trevor McDonald, noir et originaire de Trinidad. Consciente des inégalités qui existent dans sa rédaction, la BBC s’est imposée des quotas qui font qu’elle peut se vanter aujourd’hui d’avoir 8% de son personnel issu des minorités ethniques du pays, ce qui est révolutionnaire. Sauf que ces minorités sont confinées à des rôles plutôt secondaires. Ce qui fait dire à Janice Turner, l’une des responsables du syndicat des journalistes de télévision et porte-parole, «nombre de journalistes et producteurs restent enfermés dans des productions pour les minorités comme si les femmes devaient couvrir des questions féminines». «Les Noirs ou les Asiatiques ne veulent pas faire de la télé pour minorités, ils veulent simplement faire de la bonne télé, argumente le professeur Jim Pines, spécialiste des médias à l’université de Luton, qui se dit partisan d’une intervention du gouvernement pour améliorer la représentativité des minorités. Il y a dix ou quinze ans, la pression sur les médias était plus forte, maintenant ce n’est plus une priorité, il faut que le gouvernement joue son rôle.»

En Angleterre, comme en Suisse, quelques médias affirment faire des efforts pour recruter des journalistes et producteurs de couleur. Mais, dans les faits, les médias représentent-ils les Noirs dans la population ? La réponse est clairement non.

Au niveau onusien, il faut relever que le regretté Kofi Annan a dirigé l’ONU de 1997 à 2006. Aujourd’hui, l’éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus est à la tête de l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Il sera peut-être rejoint par une autre africaine, la nigériane Ngozi Okonja-Iweala comme patronne d’une autre grande organisation internationale, en l’occurrence l’OMC (Organisation mondiale du commerce), dans une élection qui opposera cette dernière à la candidate de la république de Corée le 7 novembre 2020 à Genève. Si la candidate de l’Afrique l’emporte, elle sera la première directrice générale de l’OMC de l’histoire. Dans le domaine des grandes organisations sportives, la sénégalaise Fatma Samoura est secrétaire générale de la FIFA depuis mai 2016

Comme on le constate à travers ces différentes situations, malgré quelques timides avancées de-ci-delà, le plafond de verre pour les cadres supérieurs Noirs vivant en Occident reste bien une réalité. L’accès à certains postes à hautes responsabilités reste encore très compliqué, malgré quelques mesures visant à combattre le racisme. Depuis 1966, il existe bien une Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, célébrée le 21 mars. Plus d’un demi-siècle après sa proclamation par les Nations-Unies, force est de constater que le problème reste, malheureusement, entier.

Un Africain de la diaspora à l’origine de la création d’une ville futuriste au Sénégal

La diaspora africaine contribue au développement du continent en y transférant annuellement un montant estimé à plus de 60 milliards de dollars américains. Ce dernier, très important, ne suffit cependant pas à améliorer la qualité de vie des Africains qui connaissent toujours des difficultés à accéder à l’eau potable et à l’électricité, entre autres besoins de première nécessité. Pour donner un exemple d’innovation sans précédent, une icône de la musique américaine, d’origine sénégalaise, a décidé de créer une ville qui ressemblera aux plus grandes métropoles mondiales, et qui leur sera peut-être même supérieure dans bien des domaines. Dénommée Akon City, cette ville futuriste doit néanmoins faire face à quelques critiques. Sans décourager son promoteur.

Bien connu en Afrique, notamment pour son fameux projet d’électrification, le musicien sénégalais Akon a posé le 31 août 2020 la première pierre de la ville qui poussera, dans quelques années à Mbodiène, petit village situé sur les bords de l’océan Atlantique, à quelque 100 km de Dakar. La cérémonie n’était pas banale. Bien au contraire, elle a été supervisée par le ministre sénégalais du Tourisme et des Transports aériens, M. Alioune Sarr.

Le musicien, que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’hommes d’affaires redoutable, a réussi à mobiliser le 1/3 du montant extraordinaire de 6 milliards de dollars (soit 80% du budget de l’Etat sénégalais en 2020) qui seront nécessaires à la réalisation de ce rêve que beaucoup croyaient (et croient encore) impossible.

L’homme d’affaires a des idées, lui qui a été formé à la culture américaine d’entrepreneuriat, avec une volonté et une détermination qui lui permettent de ne reculer devant aucun obstacle, si complexe soit-il. En convainquant le gouvernement de son pays d’origine de l’originalité de son projet et de son impact sur l’amélioration des conditions de vie de nombreux Sénégalais, il a déjà gagné son premier pari. Le second consistait à faire valider les différentes modalités de la faisabilité du projet, ce qui fut fait sans beaucoup de difficultés. Le projet est réalisable en 2 étapes dont la première débutera au cours du premier trimestre de l’année 2021, pour s’achever normalement en 2023, et s’étendra sur une surface de 55 hectares. Mais le gros du travail s’effectuera dans la 2ème étape qui aura lieu de 2024 à 2029.

Celle-ci couvrira un total de 500 hectares qui abriteront une université, un stade multisports, des hôpitaux d’une capacité de 10 000 lits, des studios de cinéma, des centres d’affaires et de loisirs. Autant d’activités qui sont appelées à transformer la vie des habitants de Akon city qui n’aura rien à envier à celle des résidents de New York, Los Angeles, Paris, Londres, Genève, Milan ou autres. À Akon City, des domaines aussi importants que l’éducation, la santé et la culture, qui sont au cœur des préoccupations du Sénégal et de l’Afrique en général, seront mis en avant pour assurer le confort des 300 000 personnes qui habiteront cette ville du futur. Des bâtiments ultramodernes et des lieux qui symbolisent les spécificités africaines cohabiteront sans problème dans cette ville. Le promoteur affirmait à ce propos : « Je veux que l’architecture ressemble aux vraies sculptures africaines qu’ils font dans les villages. Les formes sont peut-être bizarres, mais au moins elles sont africaines ». La ville aura comme principale attraction la tour Akon Tower qui, comme le reste des autres endroits, sera naturellement éclairée par l’énergie solaire en conformité avec les engagements écologiques de l’entrepreneur, rendu célèbre par son immense projet Akon Lighting Africa.

Dans cette ville qui se veut écologique, une centrale solaire photovoltaïque sera la source d’énergie, tandis que l’économie sera basée sur l’Akoin, une cryptomonnaie lancée en 2018.

Mais le projet n’a pas encore vu le jour que des polémiques commencent à apparaître de-ci de-là. En effet, si Akon City a pour objectif d’attirer les nombreux Sénégalais qui vivent aux USA, et surtout ceux qui sont un tant soit peu fortunés, le Sénégalais moyen, avec des revenus beaucoup plus modestes, risque d’être purement et simplement exclu du confort qu’offrira cette ville du futur. Suffisant comme argument pour que le Forum civil, section sénégalaise de “Transparency international”, qui œuvre pour la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des affaires publiques, demande des clarifications sur 11 points au ministre du Tourisme, M. Alioune Sarr, et au DG de la Sapco (Société d’Aménagement et de Promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal), M. Alioune Sow, sur le projet “Akon City” à Mbodiène.

Pour le coordonnateur du forum, M. Birahim Seck, le projet est non seulement démesuré pour un pays très pauvre comme le Sénégal, mais il est surtout intimement lié à l’image d’une seule personne, ce qui risque de poser un problème d’appropriation de leur ville par les 300 000 futurs habitants, entre autres. D’autant plus qu’aucun critère précis n’a été établi pour désigner les futurs heureux résidents de la ville.

Toujours selon M. Birahim Seck, « le Forum civil veut des éclaircissements sur le montage financier, la propriété de l’assiette foncière sur laquelle sera bâtie la ville, les conditions de cession du foncier, les relations entre le projet et l’Etat du Sénégal, les études d’impact environnemental, social, l’ordre juridique qui sera applicable à la cité, le mode de gestion, de gouvernance et de fonctionnement de la cité, le système éducatif, etc. »

N’empêche. Faisant fi de tous ses griefs, l’homme d’affaires veut attirer les touristes internationaux au Sénégal, et faire de son pays l’épicentre du tourisme de loisirs et / ou d’affaires, en Afrique. Il affirme : « Lorsque vous arrivez d’Amérique, d’Europe ou de n’importe quel pays de la diaspora, et que vous avez envie de visiter l’Afrique, nous voulons que le Sénégal soit votre première étape ».

D’ailleurs, ce projet peut bien faire des émules sur le continent puisque M. Dris Elba, d’origine sierra-léonaise, célèbre acteur, scénariste, producteur de cinéma et DJ britannique, plancherait apparemment sur la réalisation d’un projet similaire dans son pays d’origine, pour apporter sa contribution à l’édification de ce pays meurtri par plusieurs années d’instabilité politique et sociale. L’apport des Africains de la diaspora devient de plus en plus indispensable au développement du continent. Rendez-vous à Akon City en 2029 pour découvrir cette ville qui va sûrement faire beaucoup parler d’elle.

Les « Oscars » africains 2020 de la finance dominés par les femmes

La Banque africaine de développement (BAD) a tenu son assemblée générale le 26 août à Abidjan et reconduit à sa tête le nigérian M. Akinwumi Ademola. L’assemblée a aussi été l’occasion de décerner les Trophées African Banker 2020, qui sont les « Oscars » de la communauté bancaire africaine. Les banquières ont été les grandes gagnantes de cette cérémonie.

Dans une période chahutée à cause de la situation sanitaire qui prévaut dans le monde et en Afrique en particulier, la BAD a organisé son assemblée générale à Abidjan le 26 août dernier. C’était l’occasion pour tous les grands financiers, banquiers en particulier, du continent, de se donner rendez-vous et de promouvoir leurs entreprises. Si ce secteur a toujours été monopolisé par les hommes, au fil de ces dernières années, les femmes leaders se sont positionnées en véritables cheffes d’entreprises dans ce domaine. En effet, toute l’Afrique reconnaît les talents de banquiers tels que Tidjane Thiam, qui a notamment dirigé le Crédit Suisse, 2ème banque suisse, ou encore du brillantissime dirigeant sud-africain, Daniel Mminele, CEO d’ABSA, anciennement Barclay Africa.

Mais depuis quelques années, des femmes entrepreneures africaines s’illustrent par leurs impressionnantes capacités de dirigeantes de grandes banques, au point de figurer dans les classements des meilleurs de la profession en Afrique. L’assemblée générale d’Abidjan était l’occasion de vérifier et éventuellement de confirmer cette réalité. Cette année, pandémie du coronavirus oblige, les Trophées ont été décernés à travers une cérémonie virtuelle, en marge de l’assemblée générale annuelle de la Banque africaine de développement qui accorde son haut patronage à la remise des Trophées. La cérémonie est très bien suivie en Afrique et représente l’occasion pour certaines entreprises d’accroître leur visibilité à travers du sponsoring. C’est le cas notamment du Fonds africain de garantie qui en est le sponsor platine, de la Banque de l’industrie, sponsor or et de la société Moza Banco, sponsor associé.

Les résultats de ces « Awards » étaient très attendus en cette année particulière de coronavirus, même si le continent africain est moins touché que les autres continents, avec « seulement » un peu plus de 22 000 décès pour un peu plus d’un million de cas de contaminations. Les gagnants de cette édition sont nombreux. Les principaux sont le groupe nigérian Access Bank ainsi que les femmes du secteur bancaire et financier. Concernant les femmes, leur ascension est-elle due aux fortes protestations qui ont suivi l’édition de 2019 ? L’on se rappelle que certains responsables africains avaient regretté la marginalisation des femmes. Il est fort probable que les organisateurs aient entendu cette plainte, vu que cette année, ils ont décidé de récompenser les entreprises qui ont fait de l’inclusion féminine une forte priorité.

Résultat : Les femmes ont été les grandes gagnantes des Trophées, cette année. À titre d’exemple, Mme Caroline Abel, des Seychelles, a été nommée Gouverneur de la Banque centrale de l’année. Quant à la Nigériane, Mme Zainab Ahmed, elle a reçu le prix de ministre des Finances de l’année. Elle doit son titre à ses grandes compétences qui lui ont permis d’avoir réussi à faire passer des réformes ambitieuses dans son pays, sans compter le fait qu’elle ait pu mobiliser des partenaires internationaux qui se sont engagés à soutenir le Nigéria dans sa lutte contre une crise économique des plus graves.

Une autre femme a également été récompensée à travers le trophée de African Banker Icon. Il s’agit d’une autre Nigériane, Mme Vivien Shobo, qui occupait jusqu’en décembre 2019 le poste de directrice générale de l’agence de notation et de conseil Agusto & Co. Elle doit sa récompense à son excellent travail de développement des marchés du crédit au Nigeria.

À côté de ces femmes leaders, la cérémonie a aussi été l’occasion pour certains hommes de recevoir des honneurs. C’est le cas du directeur général du groupe nigérian Access Bank, M. Herbert Wigwe qui a été élu Banquier africain de l’année.

Quant au pionnier tunisien de la finance, M. Ahmed Abdelkefi, il a reçu le trophée de Carrière exemplaire pour l’ensemble de son oeuvre. Fort d’une très riche expérience, l’homme d’affaires s’est distingué par la fondation de plusieurs entreprises à succès spécialisées dans les domaines du crédit-bail, du courtage et de la banque d’investissement. Il est aussi à l’origine de la création du groupe de capital-investissement Tuninvest, rapidement suivi par celle d’une autre entreprise qui fait la fierté des Tunisiens, et aussi des Africains en général, l’ Africinvest, laquelle est aujourd’hui l’une des sociétés de capital-investissement les plus prospères d’Afrique, de surcroit gérée par des Africains.

Celui qui courait le plus de risques à l’occasion de cette assemblée générale de la BAD est sans doute son président sortant, M. Akinwumi Ademola, qui briguait un nouveau mandat de 5 ans après avoir fait l’objet d’accusations de mauvaise gestion. Des influenceurs lui reprochaient « la nomination ou la promotion de personnes soupçonnées ou reconnues coupables de corruption, ou d’avoir accordé des indemnités de départ démesurées à certains cadres. » Mais les avocats du président sortant ont visiblement apporté des preuves suffisantes pour disculper leur client qui a été finalement blanchi de toute accusation, à la fin du mois de juillet, par un comité d’experts.

Ceci a eu une conséquence directe sur sa reélection à la tête de l’auguste institution financière africaine. Le candidat de 60 ans a obtenu ni plus ni moins que la totalité des suffrages, soit 100 % des votes, ce qui lui permettra de relever son prochain grand défi, à savoir, faire face aux conséquences économiques de la pandémie sur le continent. Mais ceci ne sera possible que si les grandes banques africaines, notamment celles dirigées par des femmes, mettent leur expertise à disposition. Vu le rôle capital que devront jouer les banques africaines dans la relance post-Covid, il est vital que le leadership féminin africain soit mis à contribution.

Le 31 juillet, Journée internationale de la femme africaine. De combattantes pour la décolonisation de l’Afrique, elles sont devenues actrices du développement du continent

Dans un contexte assez particulier marqué par une crise sanitaire de grande ampleur, la femme africaine a célébré hier 31 juillet 2020 sa journée internationale. Ce jour  a été consacré “Journée de la femme africaine” à l’occasion du premier congrès du Pan-African Women’s Organisation (PAWO) qui s’était tenu à Dakar, au Sénégal, le 31 juillet 1974. Cependant, les historiens évoquent le la date du 31 juillet 1962 comme étant le point de départ de cette reconnaissance historique. Dans une réunion organisée à Dar es Salaam, en Tanzanie, des femmes de grande envergure représentant plusieurs pays africains avaient décidé de créer la première organisation de femmes, la “Conférence des Femmes Africaines”  Depuis, les femmes africaines ont parcouru bien du chemin et jouent aujourd’hui un rôle prépondérant dans le développement économique de leurs pays, en plus d’occuper des postes politiques de premier plan.

L’événement passerait presque inaperçu, parce que peu médiatisé, mais la Journée internationale de la femme africaine est bien une réalité qui a plus de 50 ans d’existence. Cette reconnaissance n’est pas le fruit du hasard, car quelques figures emblématiques féminines africaines se sont particulièrement illustrées dans leurs combats contre la colonisation et l’esclavage. Quelques unes d’entre elles sont des fiertés dans leurs pays pour avoir joué un rôle de pionnières dans le combat pour l’émancipation de la femme africaine

Parmi ces pionnières, le Sénégal peut se targuer d’avoir vu naître sur son sol une certaine  Aline Sitoé Diatta, née en 1920 et décédée en1944, non sans avoir mené des luttes dont se remémorent bien des historiens. Originaire de la Casamance, région du sud du Sénégal, connue aujourd’hui pour ses verts paysages et son potentiel touristique, Aline Sitoé Diatta est notamment réputée pour avoir lutté contra la pénétration et la domination française au Sénégal.

Son histoire n’est pas très simple, elle a perdu très tôt ses parents et s’est retrouvée toute seule avec son oncle paternel qui l’a élevée. Elle perdra également cet oncle, ce qui lui valut des moments très difficiles. Mais en véritable guerrière, Aline se rendit à Ziguinchor pour travailler d’abord comme docker avant de rejoindre la grande ville de Dakar. Dans la capitale sénégalaise, les colons français étaient légion. L’économie était entre leurs mains, et très naturellement, l’un d’entre eux employa Aline comme domestique. Mais c’était sans compter avec la nature révolutionnaire d’Aline, qui en 1942, décida de résister aux colons pour sauver le Sénégal d’une soumission à la France qui lui aurait été fatale. En pleine guerre, la France, en manque de guerriers, demande à ses colonies de participer à l’effort de guerre, mais Aline, révoltée par le ponctionnement par la France de la moitié de ses récoltes de riz en Casamance, s’oppose à l’idée de défendre la France à cause de cette injustice. Résultat, les Casamançais refusent d’être enrôlés dans l’armée française, ce qui fit rentrer dans l’histoire cette femme dont on dit qu’elle avait certains pouvoirs surnaturels. Elle est arrêtée par les autorités coloniales le 8 mai 1943 pour être envoyée en prison dans différents pays voisins du Sénégal. Elle décède finalement au Mali, une année exactement après son arrestation, soit en mai 1944. Aujourd’hui, elle demeure présente dans tous les esprits au Sénégal, à tel point que plusieurs artistes lui ont dédié des chansons où son courage et son charisme sont évoqués comme étant supérieurs à ceux de ses compatriotes masculins.

Une autre femme africaine a également marqué son époque par sa lutte pour la décolonisation de la Guinée par la France. M’balia Camara, née en 1929, était connue pour avoir accéléré le processus d’indépendance de son pays en s’attaquant le 9 février 1955 au représentant local de la France, le chef Almamy David Sylla. Lors d’une bataille avec ce dernier, elle fut gravement blessée alors qu’elle était enceinte. Finalement elle meurt le 18 février 1955, après avoir perdu son enfant mort-né une semaine plus tôt.

Les populations de la Guinée ont très mal vécu la nouvelle de son décès et plus de 10000 personnes ont assisté à son enterrement. Cette mobilisation a joué un rôle prépondérant dans l’indépendance de la Guinée qui sera acquise le 2 octobre 1958.

Après avoir contribué grandement à l’indépendance de leurs pays, ces femmes de la période coloniale ont ouvert la voie aux nouvelles générations de femmes africaines de la période d’après la colonisation. Aujourd’hui, elles sont de brillantes intellectuelles ou femmes d’affaires à succès.

Elles sont des actrices majeures du développement et de la croissance économique du continent. Chaque jour qui passe, elles démontrent leurs aptitudes à participer à la construction de leur pays à différents niveaux de responsabilité. D’ailleurs elles sont de plus en plus nombreuses à être présentes au sein des instances dirigeantes des entreprises de leurs pays, même si elles doivent encore faire face à de nombreuses inégalités sous des formes différentes.

Á titre d’exemple, Public Investment Corporation (PIC), le plus grand gestionnaire d’actifs en Afrique, a à sa tête une jeune Sud-Africaine de 37 ans. Microsoft for Africa est dirigée par l’Éthiopienne Amrote Abdella; Facebook Afrique par la Sud-Africaine Nunu Ntshingila; Google au Nigeria par Juliet Ehimuan.

Autre exemple très symbolique, celui de Hewlett-Packard qui jusqu’à récemment était dirigée par la Franco-Capverdienne Elisabeth Moreno (photo) en tant que vice présidente et directrice générale Afrique. Celle-ci vient de connaître une nouvelle consécration avec son entrée dans le gouvernement français le 7 juillet dernier comme Ministre chargée de l’Ẻgalité entre les femmes et les hommes.

Plusieurs études font état de l’excellent apport des Africaines dans la prospérité de plusieurs entreprises de renom. Celle menée par la London Stock Exchange (LSE) intitulée «Compagnies to inspire Africa», publiée en janvier 2019 indique que les sociétés comptant le plus grand nombre de femmes dans leurs conseils d’administration ont connu une augmentation de leurs bénéfices de 20% par rapport à la moyenne générale des entreprises. Une autre étude similaire menée par le cabinet McKinsey avait également démontré que la moyenne de femmes africaines membres de conseils d’administration, cheffes ou cadres d’entreprise dans le secteur privé en Afrique était supérieure à la moyenne mondiale, ce qui place l’Afrique en très bonne position avec 5% de femmes cheffes d’entreprise, soit un peu plus que la moyenne mondiale qui est de 4%.

Cependant, toutes les réussites évoquées ci-dessus ne sont pas à mettre sur le compte de la simple féminité. Loin  s’en faut, car la compétence de ces femmes est unanimement reconnue, y compris par leurs pairs masculins, chose plutôt encourageante. De toute évidence, cette nouvelle génération de femmes africaines dirigeantes de grandes entreprises peut faire évoluer les mentalités et influer positivement sur les générations futures.

Néanmoins, même si le continent connaît des avancées significatives en matière de parité dans le leadership au sein des entreprises, il n’en demeure pas moins que leur autonomisation et intégration professionnelle dans les conseils d’administration de grandes entreprises locales ou internationales demeurent encore un défi à relever quotidiennement. Mais l’espoir est permis. Après avoir lutté contre les puissances coloniales pour l’indépendance du continent, elles ont obtenu leur Journée internationale au début des années 1960. Aujourd’hui, elles sont reconnues comme de véritables architectes du développement du continent.

Lutte pour l’égalité raciale dans le monde, le mouvement Black Lives Matter fait bouger les lignes

Depuis la mort de Georges Floyd le 25 mai dernier à Minneapolis, les manifestations de Black Lives Matter se sont généralisées dans le monde entier au point de briser les chaînes du silence aux 4 coins du monde. En Afrique, non seulement les populations se sont très largement mobilisées, mais certains chefs d’état ont fait également entendre leurs voix sur la question de l’égalité raciale. Les Afro-descendants des Amériques, d’Europe et d’ailleurs ont lancé des projets de revendication mémorielle de la communauté noire et de dénonciation de l’esclavage économique.

Aux USA, le racisme systémique continue de faire l’objet d’une forte dénonciation de la part de la communauté afro-américaine qui entend saisir l’opportunité offerte par l’extraordinaire médiatisation de la mort de Georges Floyd pour revendiquer pleinement ses droits. Sur le plan culturel, le président Obama avait inauguré, en septembre 2016, le Musée d’histoire et de culture afro-américaine pour précisément favoriser une revendication mémorielle de la communauté noire. Ce Musée, situé en plein cœur de la capitale américaine, a pour objectif d’expliquer aux jeunes générations l’histoire de la communauté afro-américaine qui reste encore très méconnue. Avec la création de ce National Museum of African American History and Culture (NMAAHC), le président Obama est entré dans les annales de l’histoire afro-américaine en donnant à celle-ci une nouvelle dimension jamais atteinte jusqu’à présent. Il existe bien environ  200 musées consacrés à l’histoire afro-américaine aux États-Unis, mais aucun d’entre eux n’a attiré autant de monde que le NMAAHC qui a enregistré des records de fréquentation, depuis son inauguration. On parle de plusieurs millions de visiteurs, toutes origines confondues. De quoi rendre fier le président qui déclarait que le Musée était destiné à « raconter une part essentielle de notre histoire américaine, une part qui a souvent été négligée ».

Mais la création de ce Musée aux allures gigantesques ne s’est pas faite sans laisser sceptiques certains spécialistes de l’histoire américaine qui pensent qu’il faudrait s’entendre sur l’identité noire américaine elle-même. Une chose est certaine, l’histoire des Afro-Américains est intimement liée à celle de la déportation, de l’esclavage et donc de l’Afrique. Il Il y a 42 millions d’Afro-Américains dans le monde qui sont le fruit direct de cette triste page de l’histoire. Beaucoup d’entre eux sont très fiers de leurs racines africaines et ont lancé des initiatives à vocation pédagogique qui servent aujourd’hui de référence. A l’instar des Afro-Américains, les Afro-Européens également se distinguent également dans ce domaine. L’Anglo-Ghanéenne Sylvia Arthur met en avant la littérature africaine à travers une impressionnante collection de livres. Sa bibliothèque située à Accra, et non à Londres, capitale de son autre pays, démontre sa volonté de revenir aux sources pour mieux expliquer l’histoire noire.

Fondatrice de la Bibliothèque de l’Afrique et de la diaspora africaine (LOATAD), elle qui est partie de presque rien, peut se targuer aujourd’hui de compter 4000 ouvrages à son actif. Ce qui devrait permettre d’avoir des archives sur l’histoire qui est jusqu’ici « mal expliquée » Elle salue le rôle joué par le mouvement Black Lives Matter qui a donné encore plus de sens à son projet. Sa prochaine préoccupation est de mettre en place des discussions et des débats autour de l’histoire de la diaspora africaine et du racisme qu’elle subit où qu’elle se trouve. Elle ajoute : “Je crois vraiment que nous avons besoin d’une initiative comme celle du mouvement Black Lives Matter. Cela montre que notre peuple est intelligent, sophistiqué et doué pour les arts… le contraire de tout ce que l’on nous enseigne à l’école”.

La déportation et l’esclavage n’ont pas eu que des conséquences culturelles néfastes sur les Afro-descendants. Les dégâts économiques sont aussi désastreux pour la grande majorité du milliard et 200 millions d’Africains qui vivent dans une grande précarité. Les peuples africains ont certes survécu à l’esclavage et au colonialisme, mais un autre grand défi reste également à surmonter, en l’occurrence l’esclavage économique dont ils souffrent. Le mouvement Black Lives Matter a permis de mettre le doigt sur cette réalité, un peu reléguée au second plan à un moment donné, à cause des violences policières dont sont victimes les Afro-Américains aux USA. À travers la mobilisation mondiale que le mouvement a suscité, il est devenu évident qu’il est impossible de créer une justice raciale sur la base d’une injustice économique. Que l’on soit noir aux USA, en Europe ou en Afrique. La vie des Noirs compte partout.

Il existe un peu partout en Afrique des initiatives visant à promouvoir une certaine justice économique. Cependant, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la duplicité de certains dirigeants africains qui copinent avec des puissances étrangères au détriment de leurs populations, participant ce faisant grandement à la perpétuation des inégalités économiques en Afrique, où existe aujourd’hui  une grande prévalence de l’esclavage moderne qui coûte très cher à l’Afrique en termes de pertes en vies humaines, en plus bien sûr de prospérité économique.

Historiquement, il est prouvé que la dette africaine a été utilisée comme arme par les pays et organisations occidentales les plus riches pour rançonner les pays africains. C’est dans ce contexte que de plus en plus de leaders africains demandent l’annulation pure et simple de la dette africaine pour permettre à l’Afrique de repartir du bon pied et de ne plus dépendre de l’Occident.

À la faveur de la mobilisation mondiale provoquée par la mort de Georges Floyd, on est en droit de penser que le Mouvement Black Lives Matter a, à n’en pas douter, réussi son pari d’attirer l’attention de la communauté internationale sur ce qu’il a appelé le racisme systémique aux USA dans un premier temps. Le débat s’est aussi imposé en France, où le traitement de l’affaire Adama Traoré et le passé colonial français ont été largement critiqués. La Suisse n’est pas en reste, en effet de nombreuses associations ont également pointé du doigt le rôle de commerçants suisses  dans les déportations de 50 000 Africains vers les Amériques entre 1773 et 1830.

Comme on le constate, partout maintenant, les langues se délient, de grandes manifestations ont été organisées à Paris, Londres, Zurich et bien sûr en Afrique. Plus que ces démonstrations de force, ce sont surtout les remises en question de symboles historiques, tels que des statues glorifiant des esclavagistes, des livres d’histoire occultant certains faits liés à l’histoire coloniale et à l’esclavage, sans parler évidemment du pillage des ressources économiques de l’Afrique, souvent au détriment de leurs citoyens. Sans aucun doute, le mouvement Black Lives Matter a fait bouger les lignes dans bien des pays. Pourvu qu’il n’y ait pas de phénomène d’essouflement ni de récupération politicienne de groupuscules passés maîtres dans l’art de tirer avantage des succès de mouvements aux moyens limités.

(Photo : Alan Karchmer)

Covid-19 : L’Afrique applique le principe de réciprocité à l’UE qui fait volte-face

L’Union européenne va ouvrir ses frontières dès le 11 juillet aux pays de l’espace Schengen et à quelques pays africains comme le Maroc, la Tunisie, l’Algérie et le Rwanda. Cependant l’Allemagne, 1ère puissance économique de l’UE s’est opposée à l’élargissement aux pays africains, excepté la Tunisie. Des pays africains comme le Gabon et le Sénégal ont exprimé leur ire face à cette injustice et ont brandi l’arme de la réciprocité. Pour la plus grande fierté des Africains.

Ce n’est en effet pas la première fois que la question du principe de la réciprocité fait surface entre l’Afrique et l’UE, car on se rappelle que certains états africains avaient dû recourir, il y a quelques années, à ce procédé pour exiger des ressortissants européens qu’ils demandent un visa d’entrée dans leurs pays au nom de ce principe, vis-à-vis de la France notamment. La Côte d’Ivoire en était un exemple éloquent.

Depuis le 1er juillet, la Commission européenne a mis en place un projet, hautement critiquable, de restreindre l’accès à son territoire à la quasi-totalité des pays africains excepté le quatuor cité plus haut. Ce projet a été balayé par l’Allemagne, avec l’aide de la Tchéquie. Le quatuor en question a le soutien de la France, dont la position a été fustigée par quelques autres pays africains. En effet, le Sénégal et le Gabon, en particulier, n’ont pas compris pourquoi la France se fait le sponsor du quatuor en les excluant de ce projet, alors même qu’ils entretiennent de très bons rapports avec elle et qu’ils remplissent autant que le quatuor les critères mis en avant par Paris et ses partenaires de l’UE, hormis Allemagne et Tchéquie. Ces critères sont de 3 natures :

  1. La situation épidémiologique dans le pays concerné
  2. La capacité à faire appliquer les mesures sanitaires pendant le voyage
  3. La réciprocité

Si l’on se base sur les statistiques pures, il est très paradoxal de « punir » les pays africains sachant que les premiers cas de contamination étaient importés d’Europe, et non de Chine, premier foyer de la pandémie.

S’il doit y avoir un « Travel ban », ce serait plutôt à l’Afrique de l’imposer à l’Europe, d’autant plus que, selon une note de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), datée du jeudi 25 juin 2020, le continent européen enregistre quotidiennement près de 20 000 nouveaux cas et plus de 700 décès. Or, depuis le début de la pandémie et au 26 juin, le continent africain recense 359 408 cas déclarés, 9283 décès et 173 057 guérisons. Même si on constate une augmentation des cas de contamination sur le continent, l’Afrique s’en sort nettement mieux que l’Europe pour l’instant, puisqu’elle présente un taux de guérison plus élevé que l’Europe.

Si l’on tient compte du principal indicateur choisi par la Commission européenne, à savoir le nombre de nouvelles personnes contaminées pour 100 000 habitants dans les 14 jours, ce qu’elle appelle le « taux d’incidence », l’Afrique est bien mieux lotie que l’Europe . Pour la commission, il fallait être en deçà d’un taux d’incidence inférieur ou égal à celui de l’UE pour prétendre accéder au territoire de l’UE. Or l’Afrique remplit parfaitement ce critère.  D’où le mécontentement des pays comme le Sénégal et le Gabon qui ont exprimé ouvertement leur colère à l’UE.

Jusqu’ici tabou au sein de l’Union Africaine, le sujet y est maintenant évoqué de manière explicite. Avec les risques de désaccord entre pays africains, en raison d’intérêts privilégiés par les uns et par les autres. Qu’importe. La décision de l’Union européenne est perçue comme injuste par beaucoup d’Africains, puisqu’à juste titre, l’Afrique est le continent le moins touché par la pandémie du COVID 19, ne compte que 420 000 cas de contamination  et vient à peine de franchir la barre des 10 000 décès. Alors qu’au moins 5 pays de l’UE ont chacun nettement plus de morts que l’ensemble des pays africains réunis.

C’est dans ce contexte que les présidents Macky Sall et Ali Bongo ont pris leurs responsabilités. Le principe sera appliqué sans aucune hésitation.  Dans un communiqué, le ministère sénégalais du Tourisme et des Transports aériens a indiqué que « suite à la décision de l’Union Européenne de bannir le Sénégal de la liste des pays autorisés à voyager dans son espace, l’Etat du Sénégal, à travers le ministre Alioune Sarr, a décidé que le Principe de la réciprocité sera applicable à tous les États ayant pris des mesures à l’encontre du Sénégal ».

Pour leur part, les autorités gabonaises ont indiqué. « En application du principe de la réciprocité, il est demandé à toutes les missions diplomatiques et postes consulaires de la république gabonaise à l’étranger, de maintenir la suspension de la délivrance des visas de tourisme aux ressortissants des 27 Etats membres de l’Union Européenne, désirant se rendre au Gabon ». Dans une circulaire, le Gabon a précisé que la mesure est valable pour «tourisme et séjours privés, motifs professionnels, sauf pour les résidents et les voyages d’affaires ». L’état du Gabon a ajouté, cependant, que la mesure ne s’applique pas aux officiels appelés à séjourner au Gabon dans le cadre de missions officielles.

Résultat : Le 4 juillet, sans tarder et sans crier gare, l’UE est revenue sur sa décision de fermer l’espace Schengen au Sénégal suite à l’annonce du principe de la réciprocité faite par l’État du Sénégal.

Pour se justifier, l’ambassadeur de l’UE à Dakar, Irène Mingasson a précisé : « En vérité, le Sénégal qui a décidé de rouvrir ses frontières aériennes à partir du 15 juillet 2020, n’est pas concerné par cette nouvelle situation. »

Elle a ajouté que “l’approche de l’UE n’est pas surprenante. A titre de comparaison, le Sénégal également a opté pour un retour graduel de sa réouverture des frontières. En ce qui concerne la recommandation européenne, je crois qu’il y a un malentendu sur la perception de la décision. Le but visé n’est vraiment pas de fermer les frontières mais de les rouvrir. Il s’agit de lever graduellement, de façon ordonnée et transparente, les restrictions qui, depuis des mois, s’appliquent aux mouvements et aux voyages non essentiels à l’intérieur de l’Europe et entre l’Europe et le reste du monde”, a-t-elle expliqué.

A-t-elle été convaincante ? L’UE est-elle une institution crédible avec ce que d’aucuns en Afrique qualifient de rétropédalage ou de volte-face ? Une chose est sûre. L’Afrique devrait s’entendre sur une position commune pour se faire entendre des grandes puissances et faire fléchir leurs positions controversées sur des questions aussi sensibles que la liberté de circulation et la souveraineté de manière générale. En cela, l’arme de la réciprocité a bien fonctionné cette fois-ci et pourrait s’avérer utile dans un rééquilibrage des rapports entre l’Afrique et l’UE. L’opinion  a salué la position du Sénégal et du Gabon, dont les pas pourraient être emboîtés par d’autres pays dans le futur. Après 4 siècles d’esclavage pratiqué par les Européens et 1 siècle de colonisation, l’Afrique est plus que jamais déterminée à se faire respecter. Quel qu’en soit le prix à payer.

Le groupe africain pousse le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à adopter une résolution condamnant le racisme systémique et les violences policières

Les tensions raciales sont un sujet brûlant de l’actualité depuis la mort de Georges Floyd et la mobilisation internationale qu’elle a provoquée. Cette question a été longtemps occultée par les grands dirigeants de ce monde qui ont été pris à partie par de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme. Sur pression de ces dernières, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU (CDH) a été obligé de prendre en compte la proposition du Groupe des pays africains d’organiser un débat urgent mercredi 17 juin dernier sur le racisme et les violences policières. Une grande avancée.

C’est assez rare pour être souligné. A travers leurs représentants présents à une séance au Conseil des Droits de l’Homme à Genève le mercredi dernier 17.06.2020, Les pays africains ont, pour une fois, brisé le silence, et pris leur courage à plusieurs mains pour dénoncer les violences, non seulement policières, mais aussi raciales, d’une manière générale, dont sont victimes les Noirs.

L’Afrique a donné l’impulsion et a été suivie par les autres pays, puisqu’un consensus général s’est dégagé pour porter cette question à l’ordre du jour des travaux de la 43ème session du Conseil qui avaient été suspendus 3 mois durant, à cause de la pandémie du Covid-19.

Les 47 pays de l’organe onusien, choqués par les événements de Minneapolis, se sont largement penchés sur la question et les débats ont été très émouvants. La partie africaine, emmenée par l’ambassadeur du Burkina-Faso à Genève, a clairement manifesté sa désapprobation des brutalités policières et a rappelé que « les événements tragiques du 25 mai 2020 à Minneapolis aux Etats-Unis, qui ont entraîné la mort de George Floyd, ont déclenché des protestations dans le monde entier contre l’injustice et la brutalité auxquelles les personnes d’ascendance africaine sont confrontées quotidiennement dans de nombreuses régions du monde ».  Au diplomate africain de poursuivre : « La mort de George Floyd n’est malheureusement pas un incident isolé ». L’ambassadeur du Burkina Faso auprès des Nations Unies à Genève, M. Dieudonné Désiré Sougouri, a rappelé que « De nombreux cas antérieurs de personnes non armées d’ascendance africaine ayant subi le même sort en raison des violences policières incontrôlées sont légion », a-t-il ajouté, précisant que « malheureusement, le sort de ces nombreuses autres victimes n’a pas attiré l’attention, car ce qu’elles ont subi n’a pas été véhiculé sur les réseaux sociaux à la vue de tous ».

Il est vrai que dans tout le continent africain, la vidéo de la mort de Georges Floyd, a été très largement partagée sur les réseaux sociaux, atteignant même des records dans certains pays. La jeunesse africaine a joué un très grand rôle dans la diffusion de la vidéo, rappelant, fort justement, que ces violences, qui n’ont que trop duré, doivent cesser. Quelques rassemblements de jeunes au Sénégal ont apparemment fait leur effet. Des artistes et acteurs du monde culturel se sont unis pour lancer une campagne sous le nom « Africa For Black Lives », inspirée de photos largement partagées sur les réseaux sociaux. Les intellectuels africains ont aussi manifesté leur indignation. Certains d’entre eux demandent purement et simplement le déboulonnage des statues de personnages historiques qui ont joué un rôle dans l’esclavage des Noirs. Au Sénégal, par exemple, la statue de Faidherbe installée à Saint-Louis, est visée. Le quotidien burkinabé, Le Pays, résume bien l’amertume des Africains, à travers ces lignes : « Quand on sait que nombre de personnages historiques, à qui on a rendu hommage en érigeant à leur mémoire des monuments ou des statues, traînent un lourd passif, on ne peut que comprendre la colère des manifestants, estime le quotidien burkinabé. lls sont dans leur bon droit. Surtout que c’est l’apologie d’un passé douloureux qui est faite. (…) On ose donc espérer, s’exclame encore Le Pays, que le tollé mondial suscité par la mort de George Floyd permettra une prise de conscience des suprémacistes blancs et autres racistes qui restent encore nombreux aux États-Unis, en Europe et partout ailleurs. »

En Europe aussi, quelques symboles sont visés, comme les salles de l’Assemblée Nationale française qui glorifient Colbert. En Belgique, les statues de Léopold 2 ont été l’objet de nombreuses critiques, vu le funeste rôle joué par ce dernier au Congo. Une de ses statues a été déplacée après avoir été saccagée. En Angleterre, la statue du colonialiste Cecil Rhodes à Oxford sera bientôt déboulonnée, vu la pression grandissante des militants anti-racistes. Aux USA, le géant agroalimentaire Mars, propriétaire de la célèbre marque de riz Uncle Ben’s, a été contraint de retirer son logo au visage noir, évoquant l’image d’un fermier noir que la marque utilise depuis les années 1940

En Suisse, le Collectif pour la Mémoire s’est signalé à travers le lancement d’une pétition pour le retrait de la statue de David de Pury, connu notamment pour son rôle déterminant dans la déportation de quelques 50 000 Africains, principalement du Mozambique et de l’Angola, vers les Amériques.

Tout ceci a conduit les pays membres du Conseil à prendre leurs responsabilités pour faire avancer les choses. Ils se sont dits favorables à la mise en place d’une commission d’enquête internationale indépendante, une structure de haut niveau généralement réservée aux grandes crises comme le conflit syrien, ou l’intervention israélienne contre la flottille d’aide à Gaza, en juin 2010.

Le groupe africain a proposé un projet de résolution qui sera peut-être adopté par les pays membres, même si le contraire est également possible. Mais l’espoir demeure, car une nouvelle mouture du texte est en cours de discussion et pourrait demander à la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, «d’établir les faits et les circonstances relatives au racisme systémique, aux violations présumées du droit international en matière de droits de l’Homme et les mauvais traitements contre les Africains et les personnes d’origine africaine».

La Haut-Commissaire a condamné «les pratiques raciales discriminatoires et violentes des forces de l’ordre contre les Africains et les personnes d’origine africaine et le racisme endémique structurel du système pénal, aux États-Unis et dans d’autres parties du monde».

Ces prises de position seront-elles suffisantes pour pousser le Conseil à se mettre d’accord sur le texte final ?

Quoi qu’il en soit, le groupe africain semble extrêmement déterminé à faire valoir ses droits car, comme l’a fait remarquer le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans une récente déclaration où il a signalé que «la simple condamnation des expressions et des actes de racisme ne suffit pas». Il faudrait aller plus loin pour lutter contre le racisme systémique dénoncé mercredi par Michelle Bachelet devant le Conseil des Droits de l’Homme. Mme Bachelet a notamment appelé les États concernés à «faire amende honorable» pour des siècles d’oppression des populations noires, avec «des excuses officielles» et des «réparations». Le groupe africain n’en attend pas moins. Le verdict tant attendu est tombé ce vendredi 19.06.2020. Le groupe africain vient d’obtenir l’adoption d’une résolution condamnant le racisme systémique ainsi que les violences des forces de police. Toutefois la résolution ne cite pas nommément les Etats-unis. Qu’importe. L’essentiel a été acquis. Bravo au groupe africain.

Violences policières, racisme, droits de l’homme : la communauté noire de Suisse se mobilise

Les images de l’arrestation de Georges Floyd aux USA ont fait le tour du monde, démontrant les graves violences policières dont sont victimes les Afro Américains. La colère s’est répandue partout aux USA, mais pas seulement. En Europe également, les Noirs se sentent en danger lors des contrôles de police. Qu’en est-il de la situation en Suisse ?

La communauté africaine de Suisse est estimée à environ 120 000 personnes. Elle est récente puisqu’elle a commencé à se faire connaître au milieu des années 80. Donc beaucoup plus tard que celles issues d’Europe, notamment de France, d’Allemagne, d’Autriche et d’Italie qui sont beaucoup plus anciennes. C’est véritablement au début des années 90, à cause des guerres civiles au Rwanda, en Ethiopie, en Somalie, et dans d’autres pays, que le nombre d’Africains en Suisse a vraiment augmenté. Au départ, la communauté était composée de fonctionnaires internationaux, d’étudiants, d’hommes d’affaires, et plus tard, de demandeurs d’asile et de réfugiés.

Cette présence en Suisse ne s’est pas faite sans douleurs pour les primo arrivants africains. Différences culturelles, préjugés, problèmes d’intégration, et autres, ont d’abord jalonné leur parcours parsemé d’embûches. Une fois ces premières étapes franchies, difficilement, est alors arrivée la dure réalité de la lutte contre les discriminations de toutes sortes.

L’Office fédéral de la statistique a examiné en 2017 l’attitude de la population envers les Noirs : si les Suisses estiment que les personnes noires sont discriminées, ils pensent cependant que ce problème n’est pas leur priorité première. En d’autres termes, c’est aux Noirs de se débrouiller avec.

Le constat de l’Office vient quelque part conforter le rapport d’un expert onusien, d’origine africaine, qui avait osé affirmer haut et fort devant le Conseil des droits de l’homme à Genève « qu’il existe dans la société suisse des partis politiques avec une plate-forme raciste et xénophobe qui cherchent à imposer leur programme ».

Le rapporteur, Monsieur Doudou Diène, qui avait enquêté en Suisse du 9 au 13 janvier 2006, avait regretté une «résistance culturelle profonde au multiculturalisme, notamment à l’égard des étrangers d’origine non européenne. ».

Parmi ses recommandations, il avait émis le souhait de voir les autorités suisses exprimer «une volonté politique ferme pour combattre la dynamique du racisme dans la société suisse ». Il avait plaidé pour un programme national d’action contre le racisme et la xénophobie.

Le Conseil fédéral n’avait pas tardé à réagir en indiquant que “le racisme est malheureusement aussi présent en Suisse et qu’il faut mener un combat permanent contre cette atteinte inacceptable aux droits de l’homme”. Le communiqué ajoutait que “la Confédération est consciente que des efforts supplémentaires doivent être développés aux niveaux fédéral, cantonal et communal pour sensibiliser la population”.

La Commission fédérale contre le racisme (CFR) avait aussi appelé la Confédération et les cantons à suivre les recommandations du rapport présenté par Monsieur. Doudou Diène, en arguant du fait .que l’expert de l’ONU avait mis très justement le doigt sur les points sensibles.

Pour tenter de rectifier le tir, lors d’une votation suisse organisée le 25 septembre 1994, le peuple approuvait à presque 55% l’introduction d’une norme pénale antiraciste qui était censée permettre à la Suisse d’adhérer à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Cette norme, appelée article 261 bis du Code pénal, « interdit toute discrimination raciale ayant lieu dans le domaine public. Elle rend illégal tout comportement qui rabaisse de façon implicite ou explicite une personne à cause de sa couleur de peau, de sa religion ou de son appartenance ethnique ou culturelle, de même que tout comportement qui nie son droit à l’existence. Ces comportements ne sont cependant interdits que dans la mesure où il n’existe entre les personnes concernées aucune relation personnelle ou empreinte d’une confiance particulière. »

Pourquoi donc, plus de 25 ans plus tard, le racisme d’une manière générale, anti-Noirs en particulier, continue d’être une tare de notre société ? Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme estiment que l’article ne permet pas de lutter contre la discrimination raciale qui correspond à la pratique même du racisme et à ses conséquences dans la vie de tous les jours. Les violences policières contre les Noirs existent en Suisse et les quelques plaintes pénales qui ont été déposées par les victimes n’aboutissent pas généralement pour plusieurs raisons.

Une procédure pénale contre la police en Suisse coûte cher. Elle peut être très longue, si elle va jusqu’au Tribunal fédéral, sans garantie de succès qui plus est. D’autre part, les avocats se plaignent du manque de collaboration des services d’aide aux victimes de profilage racial et de leur hésitation à prendre en charge les frais d’avocats des victimes.

Dès lors, la police suisse doit se poser les bonnes questions dans le cadre de sa mission. L’une d’entre elles, centrale, me vient à l’esprit : Quelle évaluation la police doit-elle faire avant toute intervention sur des personnes de couleur noire ? Quels sont les indices objectifs qui justifieraient son intervention ? A-t-elle bien mesuré les conséquences d’une intervention basée uniquement sur le profilage racial ?

Bien des questions auxquelles les autorités devront apporter des réponses satisfaisantes pour éviter des drames à la Georges Floyd, en Suisse. Leur responsabilité est de prévenir les comportements racistes et de sensibiliser la population aux méfaits du racisme. D’autant plus que la société suisse est de plus en plus métissée et que trois quarts des Suisses estiment que le racisme anti-Noirs est un problème. C’est dans ce contexte que plusieurs mouvements de protestation, regroupant des personnes de toutes origines, s’organisent ces jours en Suisse pour dénoncer les violences infligées aux personnes noires vivant en Suisse. No justice, no peace.