COVID-19, l’Afrique doit-elle s’attendre au pire ?

COVID-19, l’Afrique doit-elle s’attendre au pire ?

Alors que je me suis auto confiné dans mon chez moi à Lausanne, comme presque tout un chacun dans cette belle ville presque désertée de jour comme de nuit, je n’en observe pas moins la situation de la pandémie dans mon cher continent africain. Jusqu’ici l’Afrique semble épargnée par ce fléau pendant que d’autres régions sont durement touchées par la propagation galopante du virus, avec des chiffres qui sont tous les jours de plus en plus glaciaux.

Au vu des drames constatés dans les pays riches, les Africains, à juste titre, se demandent quel serait leur sort si le virus venait à se répandre comme une traînée de poudre dans un continent où ni les moyens techniques, ni le personnel soignant, ni les infrastructures et encore moins les moyens financiers ne sauraient endiguer une vague qui pourrait être terrible. Je pense très sincèrement que les gouvernements africains ont tout intérêt à appliquer le vieil adage « Mieux vaut prévenir que guérir ». Pour ce faire, plusieurs pays n’y sont pas allés avec le dos de la cuillère, en appliquant d’une manière générale les recommandations de l’OMS (lavage régulier des mains, distanciation sociale, interdiction de rassemblements, …). Mais deux autres mesures ont particulièrement retenu mon attention. La première consiste en la fermeture des frontières terrestres de la plupart des pays, les obligeant ainsi à ne pas prendre de risques démesurés, même vis-à-vis de voisins qui leur font face, s’ils ne sont pas carrément dans le ventre du voisin, je pense ici à des pays comme le Sénégal et la Gambie. La deuxième mesure qui a frappé mon attention est l’application du couvre-feu dans plusieurs pays. Pour qui connaît l’Afrique, cette mesure rappelle de tristes souvenirs, comme des tentatives de coup d’état, des guerres civiles, des risques de déstabilisation depuis l’extérieur des frontières des pays, etc.

Mais pourquoi donc des couvre-feux ? Sommes-nous en temps de guerre ? Si oui, contre qui ? Avec quelles armes lutter ? Il semblerait que les dirigeants africains aient pris conscience de la vulnérabilité de leurs systèmes, qu’ils soient sanitaires et / ou économiques, et cela me réjouit énormément. La plupart des chaînes de radio et de TV passent en boucle des messages de lutte contre le coronavirus. Une véritable campagne d’information et de sensibilisation est menée à large échelle, et même les enfants africains, qui sont également à la maison, se font les relais des autorités publiques pour faire passer le message. C’est tout de même très rassurant dans un continent où les enfants ne sont pas tous scolarisés. En Afrique du sud, pays le plus touché en Afrique par la pandémie avec presque 1000 cas de contamination et 2 décès, le gouvernement a décrété le confinement de ses 56 millions d’habitants dès hier soir, jeudi 26 mars, à minuit. Selon le bilan le plus récent, qui est évidemment amené à évoluer, le continent africain compterait un peu plus de 2 800 cas de coronavirus et 75 morts dans 46 pays sur les 54 que compte le continent.

Alors que le continent africain compte un nombre de décès relativement bas, comparé à l’Europe qui compte plus de 16 000 morts, les autorités sanitaires mondiales ont appelé l’Afrique à “se réveiller” face à la menace du nouveau coronavirus, soulignant que le continent devrait se préparer au “pire”. “Le meilleur conseil pour l’Afrique est de se préparer au pire et de se préparer dès aujourd’hui”, avait lancé le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus (Africain lui-même par ailleurs), lors d’une conférence de presse virtuelle.

Au chapitre des mesures de solidarité en faveur des pays africains, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) suit avec beaucoup d’attention, la propagation du COVID-19 à l’échelle mondiale et les risques potentiels sur le continent africain. Tenant compte de la gravité de la situation, le Conseil d’Administration de la BADEA a décidé d’allouer une enveloppe de 100 millions de dollars américains pour soutenir les efforts des pays de l’Afrique subsaharienne afin de prévenir et/ou minimiser la propagation de la pandémie. D’autres gestes de solidarité dans le monde ont également éveillé ma curiosité. Par exemple, en Italie, pays le plus durement frappé par la pandémie, on a pu observer l’arrivée de 50 médecins (tous afro-cubains d’ailleurs, c’était assez frappant), dépêchés par le gouvernement du Cuba, pour venir en aide aux populations complètement désemparées.

En attendant d’autres gestes de solidarité de ce type (les élans de solidarité auront été une des heureuses conséquences de cette situation, dans tous les continents d’ailleurs), l’Afrique pleure un de ses dignes fils, décédé (en France) le mardi dernier à cause du coronavirus. En l’occurrence Manu Dibango. C’est la première grande célébrité mondiale à décéder du COVID-19. J’espère la dernière. Certains pensent d’ailleurs qu’il aurait peut-être pu être sauvé s’il avait pu faire usage de la Chloroquine, cette molécule qui suscite la controverse. D’ailleurs quelques pays africains croient, comme le Sénégal, en l’efficacité de la Chloroquine, ce fameux médicament qui suscite tant d’espoirs et de polémiques en même temps. L’usage de cette molécule pourrait rapidement se généraliser sur le continent, surtout que la France semble également être favorable à son utilisation désormais. En tout cas, le principal défenseur de cette molécule, le Pr Didier Raoult, africain de naissance puisque né au Sénégal, faut-il le rappeler, est plus que jamais convaincu de l’efficacité de son traitement. Quoi qu’il en soit, soyons généreux et solidaires, nul n’a intérêt à ce que le COVID-19 perdure dans quelque endroit que ce soit. Même si l’Afrique a l’expérience de lutte contre la propagation d’autres épidémies (Ebola, la rougeole, le choléra), ce qui est un atout non négligeable aujourd’hui, il importe plus que jamais que toutes les précautions soient prises par ses dirigeants. Le seul conseil qui vaille par ces temps est le suivant :

Stay safe, Soyez prudents, cuidate, tenha cuidado, pass auf dich auf, كن حذرا للغاية

Le dire dans toutes les langues ne sera pas de trop. Pour l’heure, restons à la maison et croyons en la vie. Et pour ceux qui vivent en Europe, n’oubliez pas de régler vos horloges demain soir et de profiter d’une heure de plus à la maison.

Tidiane Diouwara

Tidiane Diouwara est journaliste RP et spécialiste des sciences de l’information. Il est titulaire d’une maîtrise universitaire en linguistique, d’un doctorat 3 ème cycle en sciences de l’information. Il est Directeur du CIPINA (www.cipina.org), une association spécialisée dans la promotion de l'image de l'Afrique. Il est également Conseiller diplomatique et expert des Droits de l'Homme.

3 réponses à “COVID-19, l’Afrique doit-elle s’attendre au pire ?

  1. Au vu des milliers de milliards qui sont engagés de par le monde pour sauver l’économie , on pourrait imaginer 1% de ces sommes versé aux pays en voie de développement, au titre de la solidarité.

    Il n’est de l’intérêt de personne que ce virus se propage, n’importe où dans le monde.
    Et même si, on le voit déjà, c’est le chacun pour soi!

  2. Une analyse parfaite et pertinente de la situation. Merci cher ami et frère pour ce partage,
    Oui, notre Afrique doit prendre le devant profitant de toutes ces expériences endurées en Europe. Mieux vaut prévenir que guérir…
    Cette pendemie est grave protégeons nous et protégeons les autres. Pour cette raison l’Afrique, loin des moyens de l’Occident, ne peut se permettre le luxe de ne pas suivre les consignes des scientifiques et du corps médical.
    Pour sauvez votre vie, la vie de ses enfants et la vie des autres,,, CONFFINEZ VOUS !!!
    Restez chez-vous !!!
    De mon confinement, chez moi, à Paris nous sommes ensemble…
    Que la protection divine soit avec Nous !

  3. Oui pour la solidarité mais chaque pays doit s’occuper des siens ! Il est plus que temps que l’Afrique cesse de recevoir et attendre de l’aide venant des occidentaux. Il doit d’ailleurs refuser catégoriquement la solidarité internationale dite “paquet d’assistance” la prise de conscience de se faire ! Il est plus que temps là ! Entre le gouvernement, les églises et toutes ces personnes riches, il y a de quoi sortir le minimum pour venir en aide à la population. Donc Afrique lève toi pour toi, Afrique leve toi pour tes enfants, lève toi pour la future génération ! C’est maintenant que tu dois redorer ton blouson, Afrique mon continent!

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