Regards psy

La thérapie de couple en sept questions

Dialogue (écrit et vidéo) entre Yannick D’Ascoli et Thomas Noyer, thérapeutes de couple.

 

Thomas

La première question, c’est comment choisir sa ou son psy ?[1]

 

Yannick

Le choix du psy est une question importante et il n’est pas toujours évident de s’y retrouver parmi les diverses appellations de ce milieu professionnel. Il faut tout d’abord distinguer psychiatre et psychothérapeute. Les psychiatres ont une formation en médecin avec spécialisation en psychiatre, parfois aussi en psychothérapie. Les psychothérapeutes ont une formation en psychologie et se sont spécialisés dans une approche (psychodynamique, systémique, centrée sur la personne, cognitivo-comportementale). Il faut savoir que les psychothérapeutes ne peuvent pas prescrire une médication et des arrêts de travail. Il est possible de voir un psychiatre et un psychothérapeute parallèlement si les rôles respectifs sont clairement définis.

Cependant, plus que l’orientation ou les outils concrets, l’alliance relationnelle thérapeutique est la plus importante dans le processus thérapeutique. Il est important évidemment de se sentir à l’aise face à son thérapeute, d’être entendu et d’être confortable dans l’environnement qu’il peut proposer pour les consultations.

 

 

Yannick

Une question que j’avais envie de poser, c’est comment faire quand une personne veut plus venir en thérapie de couple que l’autre?

 

Thomas

Je crois remarquer que cette situation est relativement commune (et que dans les couples hétérosexuels c’est plus souvent la femme qui fait la demande). Dans un couple la satisfaction des besoins est souvent interdépendante donc cette situation où les besoins sont antagonistes nécessite un dialogue, une entente ou si ce n’est pas possible un compromis. Le malheur et le bonheur de l’un·e contribue aussi à celui de l’autre. À noter aussi que dans le cas où l’évolution se ferait de manière unilatérale, les couples souvent se séparent. J’essaie alors de stimuler l’engagement et la motivation des deux partenaires, d’inclure celle ou celui qui a moins l’élan de venir.

 

Yannick

Il se peut qu’un des membres exprime plus d’attentes et de besoins que l’autre qui peut être plus dans la retenue. Mais cela permet d’explorer pour chacun le sens de leur présence. Car si pour l’un des membres du couple, il y a une absence totale d’attente, cela questionne la pertinence même d’une thérapie de couple et la nécessité d’orienter la personne qui est dans l’attente dans une thérapie individuelle. Ce n’est pas une fatalité que les attentes ne soient pas égales et n’est pas une contre-indication à la thérapie.

 

 

Thomas

Une question qu’on entend souvent, c’est est-ce que la thérapie va pouvoir sauver notre couple ?

 

Yannick

La thérapie ne peut pas avoir la prétention de sauver un couple car pour ceci, elle devrait avoir une boule de cristal prédisant l’avenir. Cependant, le rôle principal de la thérapie, c’est d’offrir un espace d’échange différent pour le couple, neutre et de soutien pour améliorer la situation. Parmi cette amélioration, on peut raisonnablement penser que sauver le couple peut faire partie des objectifs. Mais un thérapeute ne peut pas garantir cette issue. Finalement, la thérapie va avoir comme but que les personnes qui consultent se sentent mieux et avancent dans leur parcours de vie.

Il est utile de préciser qu’un thérapeute peut aussi accompagner et soutenir un couple dans un processus de séparation pour qu’il puisse se mener avec respect, dignité et en prenant aussi en considération par exemple l’intérêt des éventuels enfants du couple.

 

Thomas

Il y a une étude qui montre que les personnes qui entreprennent une thérapie après avoir été sur liste d’attente ont des résultats significativement moins concluants, probablement parce qu’ils sont dans une attitude passive. Si je donne le pouvoir à la thérapie de sauver mon couple, je me mets dans une position de passivité qui donne moins de chance à mon couple d’être sauvé. Ce n’est pas la thérapie qui sauve mais éventuellement ce qu’on pourra en retirer, dans une démarche active. Je dirais que le fait d’être sauvé (pour reprendre l’expression) dépend de plusieurs facteurs, ceux qui me viennent sont : la profondeur des blessures, la capacité à être humble, se remettre en question et toucher sa vulnérabilité, la capacité à prendre du recul émotionnel, les valeurs et besoins. Parfois la thérapie pourra sauver un couple en clarifiant par exemple des malentendus, et parfois au contraire elle pourra les aider à bien se séparer lorsque les blessures se sont trop accumulées ou qu’il y a une incompatibilité fondamentale entre les partenaires.

 

 

Yannick

Une autre question fréquente c’est est-ce que la psy va prendre parti?

 

Thomas

On espère que non, les psys étant formés pour ne pas prendre parti. Néanmoins la pratique montre que les psys, des êtres humains, ont aussi des croyances, des jugements, des a priori, des préférences, des opinions. En ce qui me concerne j’essaie d’être le plus transparent possible et si un jugement vient me perturber de façon persistante dans mon travail je l’expose à la personne ou au couple. Ça m’est arrivé à de rares occasions et j’ai remarqué que le fait d’exposer mes jugements a été une occasion d’explorer des facettes relationnelles profondes.

 

Yannick

Une des facettes principales dans la posture du thérapeute, c’est la neutralité par rapport aux vécus que les patients amènent en consultation. C’est un élément d’autant plus sensible dans une thérapie de couple qui concerne deux personnes aux valeurs et représentations différentes qui vont se confronter face au psychologue.

C’est primordial que chaque membre puisse se sentir entendu et compris dans son propre vécu, ses opinions et ses émotions. Un manque de neutralité peut très vite mettre fin à une thérapie, la personne se sentant flouée ne pouvant plus imaginer être soutenue. Il peut arriver cependant qu’une phrase dite soit mal vécue malgré tout. Dans ma pratique je tiens à inviter dès la première consultation les couples à s’exprimer sur ce qu’ils ressentent de la séance même, de sa dynamique, de ma manière d’être avec eux afin que chaque inconfort puisse être analysé et diminué par des adaptations dans le cadre thérapeutique.

 

 

Thomas

Est-ce qu’il faut des compétences particulières pour être thérapeute de couple ?

 

Yannick

Chaque thérapeute va amener sa propre personnalité, sensibilité, ses expériences de vie ce qui fait aussi la richesse de la thérapie et de l’alliance thérapeutique. Cependant, il y a des compétences transversales qui forment un socle important pour une bonne pratique.

L’empathie qui est la capacité de se mettre à la place de l’autre et de se décentrer semble indispensable pour un thérapeute, de même que l’intérêt et la curiosité de concernant le vécu des gens et de leur souffrance. Les patients ont également besoin d’un environnement neutre et sans jugement qui sont ainsi des capacités nécessaires chez le psy. Associé à ces dernières compétences, il est également important de créer un environnement bienveillant et d’écouter les patients dans ce qu’ils ont à amener. L’avantage du thérapeute, c’est de pouvoir avoir un regard extérieur de la situation. Cela permet d’apporter une autre paire de lunette avec une autre correction et parfois aussi de recadrer certains regards, représentations et vécus émotionnels.

Je trouve intéressant que le psychothérapeute ait des ressources pour tirer des liens entre le passé, le présent et l’avenir avec suffisamment de souplesse. Les capacités d’adaptation sont également importantes car chaque situation et chaque patient·e est différent. Enfin avoir des outils d’analyses des relations, des comportements, des schémas de pensées et des connaissances régulièrement mise à jour par une formation continue doivent faire partie également des compétences pour un thérapeute.

 

Thomas

Il faut avoir la capacité d’avoir une vision et une attention globale, car il se passe davantage de choses qu’en thérapie individuelle. Je dois à la fois observer chacune des personnes et chacune des interactions, ce qui augmente la complexité et l’intensité de la concentration requise.

 

 

Yannick

Peux-tu parler d’un moment fort que t’as vécu en thérapie de couple ?

 

Thomas

À la suite d’un dénouement de conflit particulièrement émotionnel et intense, j’ai senti que le moment serait propice à ce que le couple se prenne dans les bras. Seulement ils étaient si pudiques que ce n’était pas envisageable. Je leur ai alors proposé que je sorte du bureau et qu’ils viennent me chercher quand ils le souhaitaient.

 

Yannick

Un moment particulièrement fort, c’est quand j’ai été amené à accompagner un couple à domicile dans un contexte où madame vivait une maladie très grave depuis plus de dix ans et que les médecins situaient en phase terminale. J’ai été à domicile car Madame ne pouvait plus se déplacer et j’ai décidé de m’adapter en recevant le couple finalement ensemble car c’était leur demande. Chacun en tant que malade et proche aidant vivait des souffrances. J’ai débuté la thérapie en sachant qu’elle allait prendre fin avec le décès de Madame dans une temporalité évidemment inconnue. Nous avons beaucoup travaillé autour de la notion de la mort, du deuil, du restant de vie, de l’après, c’était touchant et en même temps chargé d’émotions et parfois pesant, d’autant dans un espace de vie et d’intimité des gens.

Enfin je retiens également les quelques situations où un des deux partenaires annoncent à l’autre, pendant une consultation, son souhait de se séparer. Ce sont toujours des moments forts, délicats et emplis d’une tristesse ambiante. C’est également un sentiment ambivalent pour moi de pouvoir me dire que le couple parvient à trouver une issue à ses difficultés et ses blessures mais que ce n’est pas forcément dans le sens qu’on souhaitait prioritairement en début de thérapie.

 

 

Thomas

Et pour finir… on dit que les cordonniers sont mal chaussés, est-ce que c’est vrai ?

 

Yannick

Nous pouvons supposer que les patients nous perçoivent comme des personnes ayant comme rôle d’être à l’écoute sans jugements et dans une posture de soutien et d’élaboration de leurs problématiques. Cependant, il est beaucoup plus difficile de pouvoir s’imaginer ce qu’ils perçoivent de nous derrière notre fonction professionnelle.

Plusieurs échos circulent dans l’univers thérapeutique. Souvent il est dit des psychologues qu’il serait eux-mêmes cabossés de la vie et que leur activité leur permettrait en quelque sorte de répondre positivement à ce parcours difficile. D’autres fois, le psy peut être vu comme une personne qui a pu dans son propre parcours trouver une voix sereine et mature.

Je crois qu’on ne peut pas généraliser, il y a autant de profils que de thérapeutes. Et quelque part, peu important. Ce qui me semble plus important, c’est la manière avec laquelle chaque professionnel aura travaillé sur son propre parcours, les blessures et traumatismes éventuels et de comprendre ses mécanismes de fonctionnement personnels et de quelle manière ils peuvent agir sur notre vie et notre activité professionnelle. C’est une démarche selon moi qui ne s’arrête jamais tout au long de la vie mais qui permet au thérapeute une meilleure conscience des enjeux dans la relation thérapeutique qui est l’élément le plus important pour le patient. Ce processus fait partie d’ailleurs de la formation en psychothérapie avec une obligation de suivi personnel auprès d’un autre psychothérapeute. Cette démarche peut également nous éclairer davantage sur notre manière de vivre la relation sentimentale et le couple. Un suivi de couple peut venir compléter cette démarche de prise de connaissance de soi.

 

Thomas

Je ne crois pas qu’on choisit d’étudier la psychologie par hasard ; en fait les difficultés sont souvent un aimant pour l’intérêt ou l’énergie qu’on porte sur quelque chose, et dans le meilleur des cas on devient spécialiste voire expert de ce qui était autrefois un problème. En ce qui me concerne je ne me suis pas spécialisé dans une approche relationnelle et de couple par hasard ! (rires)

 

 

 

Yannick D’Ascoli est psychologue-psychothérapeute d’orientation systémique ;

Thomas Noyer est psychologue-psychothérapeute de l’approche centrée sur la personne et superviseur pcaSuisse.

 

 

 

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[1] Thomas répond à cette question dans un autre article (“Comment choisir sa psy?“)

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