Vous êtes en train de me lire. Et donc de me faire cadeau ce que vous avez de plus précieux : votre attention.
Les entreprises modernes se font la guerre pour avoir notre attention, qu’elles transforment ensuite en argent grâce à la publicité et aux algorithmes. Les individus aussi le font, moi par exemple : maintenant que j’ai votre attention, je pourrais vous parler de mon dernier livre (qui n’existe pas). Ouf, vous voilà serein pour poursuivre votre lecture. Je vous ai fait sourire, j’ai gagné votre confiance, j’ai votre attention.
J’ai pas l’temps
Savez-vous que nous sommes exposés quotidiennement à 30 000 stimuli publicitaires, contre environ 500 dans les années 1970 ?[1] Nous sommes passés d’une société où la valeur était dans les biens et les services, à une société où la valeur est dans le temps d’attention[2]. En découle un dispersement et une fatigue pandémiques : si mon attention est à plusieurs endroits, je dois maintenir ma concentration à plusieurs endroits. C’est difficile, ça demande beaucoup d’énergie, le burnout n’est pas loin. Pour contrecarrer ce phénomène, on importe du yoga et de la méditation, on prend de la Ritaline.
La possibilité et donc la tentation de faire plusieurs choses instantanément et simultanément étant si grandes, le temps est la nouvelle denrée rare. En effet, j’ai aujourd’hui accès à tout tout le temps, à n’importe quel endroit. Depuis l’invention d’internet et du téléphone portable, j’ai accès à davantage d’informations pertinentes que mon temps et mon attention peuvent assimiler. Aujourd’hui il faut beaucoup de volonté pour se concentrer sur une tâche à la fois, et aussi pour s’arrêter, se relaxer.
Attention… aux prochaines générations !
La mode du pervers-narcissique et du trouble de l’attention me semblent être des symptômes de notre société en pénurie d’attention : la perversité et le narcissisme naissent d’un manque précoce d’attention, avec peut-être le trouble de l’attention (TDAH)… un de mes formateurs[3] disait à propos du déficit d’attention de l’enfant « cet enfant a un déficit d’attention… de la part de ses parents ».
En outre le manque d’attention est contagieux : si mes parents ne m’ont pas donné d’attention, je vais en avoir besoin toute ma vie. Nous avons donc probablement une société qui est passablement bâtie sur cette carence.
Un petit exercice
Relisez n’importe quelle partie de cet article en remplaçant le mot « attention » par les mots « amour » et « présence ». Étonnant, non ? Ça donne une idée de ce sur quoi nous pourrions porter notre attention. Ça donne aussi une idée de pourquoi la présence, le calme et la profondeur sont si charismatiques.
Et hypnotisants :
L’attention n’est pas courante, et elle marque
Merci de votre attention.
[2] Davenport, T., Beck, J. (2001). The attention economy: understanding the new currency of business. Harvard Business Press
[3] Philippe Wandeler
Découvrez des extraits de séances et d’autres moments inédits de dévoilement du thérapeute dans mon ouvrage « Dans la peau du psy »