Des inégalités croissantes, une épidémie durable

Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale et des abominations qu’elles ont suscitées, nous retrouvions la paix. Certes fragile, mais nous la souhaitions pour longtemps. C’est à ce moment précis que nous laissions la place à des États forts et à des institutions régaliennes, responsables de la reconstruction à venir.

S’en suivit une forte croissance accompagnée d’une croyance nouvelle en un avenir plein de promesses ou prospérité matérielle et stabilité nous firent oublier les maux du passé. La frénésie des modes et la soif de consommer suscitèrent l’absolu besoin de faire toujours plus et d’accroître son hégémonie. Ce fut d’abord celle des États, puis celle des entreprises de plus en plus globalisées, puis enfin celle des individus.

À la stabilité ainsi qu’aux décennies de prospérité et de progrès techniques, ne s’en suivirent pas moins de 60 années de régression: entre confrontation des états et libéralisation débridée. Et c’est ainsi que sur un échiquier globalisé, la politique a laissé la place à une dangereuse compétition aux orientations anglo-saxonnes du « winner takes all ». Une guerre économique débridée ou le politique semble, à tort, faible et impuissant.

Cette guerre économique et cette financiarisation du monde engendra ainsi un besoin inextricable d’innover, de devenir global, et de toujours s’engager sur ce que, de près ou de loin, permet de croître et de satisfaire l’appétit de l’Homme rassasié. Une psychologie ou l’environnement ou la diversité ne peut trouver de place que lorsqu’elle peut permettre de se différencier, d’acquérir de nouvelles parts de marché. Alors, sous cette frénésie, c’est toute une génération qui a emboîté le pas et qui veut faire différemment avec les mêmes codes et outils que leurs prédécesseurs sans considérer l’hérédité qui est la leur.

À l’heure du marasme économique, des pandémies qui se succèdent et de l’accroissement des inégalités que pouvons-nous espérer ? Que pouvons-nous demander ?

  • Que les artifices et la désinformation cessent pour laisser place à une action citoyenne fondée sur une compréhension réelle des enjeux qui sont les leurs.
  • Une réorientation des flux financiers et des ressources autour des secteurs essentiels à notre sécurité alimentaire, sanitaire, environnementale et technologique.
  • Une école qui forme aux enjeux de notre siècle.
  • Des entreprises qui coopèrent et agissent non plus selon ce besoin d’hégémonie globalisée, mais qui joue son rôle dans les maillons complexes de nos économies intérieurs.
  • C’est aussi se recentrer sur les intelligences, celles de la pensée, de la conception et de la production. Ainsi, rompre avec des chaînes de dépendances que nous avons optimisées depuis des décennies.

Les inégalités se creusent, l’économie fragilisée se heurte aux dettes souveraines, aux surendettements des entreprises et des ménages. Là où le FMI prévoyait un taux de croissance mondial de -3% en 2020. Cette estimation a été révisée à la baisse, à -4,9%, à cause des effets négatifs de la pandémie de Covid-19. Le Fond prévoit un taux de croissance mondial de 5,4% en 2021, alors qu’il prévoyait, dans le rapport précédent, un taux de 5,8%. Est-ce bien représentatif de nos réalités ?

Les faillites et les dépôts de bilan se multiplieront, non pas pour laisser place aux champions optimisés, digitaux et toujours plus globalisés mais pour laisser des pans entiers de nos économies vidés de leur substance par des politiques ou le mimétisme entre États est devenue la norme.

Quid du futur ? Quid du déclassement des peuples des pays développés jusqu’à présent préservés? Quid de l’économie et du besoin urgent d’entamer une rupture avant de heurter l’iceberg écologique ?

La pandémie rebat les cartes et encore une fois, les redistribue à ceux qui sauront faire fi des illusions et des calculs entretenus depuis plus de 60 ans.

Tarik Lamkarfed

Tarik Lamkarfed est spécialisé dans la gestion d’influence et la transformation digitale, il accompagne entrepreneurs et dirigeants, de l’ETI au groupe coté en Bourse. Il partage son expérience sur les réalités de l’entrepreneuriat ainsi que les conséquences des mutations économiques et sociales sur notre quotidien.