Le 11 septembre de mai 68…

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Qui aurait pu imaginer que le grand Duduche, mon beauf, et même l’adjudant Kronenbourg, et aussi les jolies femmes au petit cul bien rond et les types au gros nez jaune, Cabu, Wolinski, Charb, qui aurait pu imaginer qu’ils seraient assassinés ? Assassinés, oui, abattus à bout portant, l’un après l’autre. Mes 20 ans, cette fois, c’est sûr, ils sont bien morts. Tués par les pires représentant de la connerie humaine, les fanatiques religieux.

C’est Cavanna qui va être étonné de les voir tous arriver ensemble. La conf de rédaction de Charlie Hebdo se fera désormais sur un nuage… Qu’est-ce que j’aimerais pouvoir y croire !
Depuis midi, je tourne en rond. J’ai peur. Pas pour moi, mais pour le monde, pour la vie, pour tout ce nous avons eu la chance de connaître, la musique, l’amour, la liberté, l’humour… Tout ce que ces monstres barbares veulent tuer, supprimer définitivement. (A ce propos, allez voir Timbuktu, le film de Sissako. C’est un film magnifique).
Mais au-delà de l’horreur et de la rage, il faut se poser la bête question « Que faire ? » D’abord, sans relâche, faire la différence entre un musulman et un islamiste, empêcher les amalgames mortifères. Car j’ai peur aussi des pogroms (appelées « ratonnades » au beau temps des colonies, c’est la même chose). Et puis lutter contre le communautarisme qui sépare les citoyens en « identités » plus ou moins fantasmatiques et sert souvent de masque à la haine de l’autre. Et répéter et expliquer encore et encore ce qu’est la véritable laïcité qui n’interdit aucune religion, qui n’établit entre elles aucune hiérarchie (pas de « religion d’Etat »), mais qui au contraire les considère toutes sur le même plan individuel et privé.
Refuser les notions de blasphème et de sacrilège au nom desquels on égorge encore aujourd’hui. Au nom desquels on assassine l’humour et la liberté de penser, d’écrire et même de dessiner…

On ne peut pas regarder comme ça agoniser tout ce pourquoi nous nous sommes battus toute notre vie. On ne peut pas laisser à nos enfants le monde tel que le rêvent ces barbares.
Je crois à l’universalité des valeurs des Droits de l’Homme (et fichez-moi la paix avec le politiquement correct des droits « humains », je ne suis pas d’humeur à entendre une connerie supplémentaire), même si ça horrifie l’angélisme mou d’une certaine gauche.
Et ce n’est qu’avec ces valeurs-là que nous pourrons défendre un monde que nous voulons libre, drôle et heureux et le léguer à nos enfants.

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Sylviane Roche

Sylviane Roche, professeur et écrivain, s'intéresse depuis toujours aux règles qui gèrent la vie en société. Pour les connaître, les comprendre et même, éventuellement, les enfreindre en connaissance de cause.