Rire pour ne pas pleurer

« Un étranger pose des affiches de l’UDC ». Voilà un titre du Temps de ce 15 octobre qui va « booster » la campagne électorale en fin de course. Enfin du rififi et … à l’extrême droite ! On va voir ce qu’on va voir !… D’autant que la photo envoyée à la presse par un courageux défenseur (mâle ou femelle) de la liberté d’opinion montre que le colleur d’affiches est « un homme de couleur » … Bon ! l’honnêteté intellectuelle oblige à relever aussi l’intertitre en rouge qui précise : « Le poseur d’affiches est bien français, mais il vit depuis longtemps à Lausanne ». Le soufflé retombe un peu vu que l’ouverture des frontières et la mondialisation sont des valeurs sûres. Si par hasard on lit le brûlot jusqu’au bout, on relève encore que « d’autres politiciens » recourent aux mêmes aides payantes et que la rédaction du Temps a même reçu, « pendant la rédaction de son article », « la photographie d’une affiche …PLR… en train visiblement d’être posée dans les mêmes conditions, par un poseur d’affiches noir ».   Ouf ! Heureusement, c’est encore la droite riche qui se paie cela !

Rire et tirer trois conclusions

En toute franchise, la chose est du plus haut comique et j’aurais rêvé d’avoir un dessin de Chapatte ou de Burki pour l’illustrer. Mais au-delà du rire, on peut en tirer au moins trois conclusions :

  • La société actuelle est fortement gangrenée par le goût de la délation, de la médisance, de l’attaque personnelle dirigée contre le monde politique (de droite ou de gauche), du sous-entendu nauséabond, le tout facilité par les moyens technologiques de transmission. La démocratie directe est mise en danger lorsqu’une société descend à ce niveau.
  • Les candidats aux élections ne trouvent plus assez de soutien bénévole dans leur parti respectif pour accomplir les nombreux gestes de propagande illustrant un certain enthousiasme (je vois encore ma mère, à plus de soixante ans, partir au volant de sa petite voiture pour aller coller ou punaiser des affiches pour les candidats libéraux de Lavaux). Aujourd’hui, il faut pouvoir payer une entreprise pour cela. On a le sentiment attristant que les sièges « s’achètent » et dans tous les partis.
  • Rien ne servirait – contrairement à ce que demandent certaines voix – d’augmenter le nombre de signatures pour les référendums et les initiatives, car cela favoriserait simplement les formations ou groupements dorés sur tranches capables de payer des collecteurs de signatures employés par les mêmes entreprises que les colleurs d’affiches et affaiblirait la garantie des droits démocratiques des vraies minorités sociales ou politiques.

Exiger la « transparence » des financements des partis politiques n’est qu’une conséquence de la financiarisation de la politique. Cela ne contribuera pas à restituer sa vigueur à la démocratie directe. Celle-ci dépend d’abord de la conviction qu’une société a un avenir et de la passion amoureuse que l’on éprouve pour son pays (canton, commune).

 

 

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

8 réponses à “Rire pour ne pas pleurer

  1. J’abonde dans le sens de Suzette Sandoz. Sous prétexte de campagne électorale, les nouvelles ou les rumeurs les plus idiotes ne cessent d’être diffusées alors que les enjeux de la prochaine législature – relation avec l’UE, transition climatique, pensions, santé – exigeraient davantage de débats alimentés par des informations objectives et des éclairages compétents.

  2. Plus j’y pense, plus l’avenir de la démocratie directe me semble passer par la capacité de nous rencontrer localement pour échanger de notre vivre ensemble. Pour le moment en Suisse initiatives et référendums contribuent surtout à cimenter des statu quo qui devraient pourtant être adapter (AVS, Billag, etc), car en règle général un article inacceptable fait capoter toutes les améliorations sensée (Billag: abrogation du droit de regard de la politique, donc du peuple sur les médias). Par contre, ne surtout pas inclure la population dans une réflexion, par exemple, sur la mobilité, sur les bouchons qui feraient renoncer aux individus à la voiture, alors que d’abord ils polluent et après, peut-être surtout, ils demandent au riverain des axes bouchonnés de digérer le bruit de la mesure “pédagogique”.
    La démocratie directe, croyais-je avoir appris dans la générosité des années 70 et 80 n’était pas le droit de traiter son adversaire démocratique de con, d’imbécile ou de traitre (en général des trois à la fois), mais d’écouter les positions et besoins des différents parti en présence et de trouver des solutions qui respectent le bien commun tout en garantissant un maximum de liberté à chacun.

  3. Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant. Pour les élections, il faut bien des affiches. Comme en Suisse on a des villes bien propres en ordre, avec des beaux panneaux d’affichages gérés par la “Société Générale d’affichage”, une grande entreprise bien suisse, et comme on ne pratique pas beaucoup l’affichage sauvage comme en France, il est bien normal que les grands partis, qui ont des budgets de campagne bien fournis, s’adressent à des entreprises professionnelles pour coller leurs affiches. Le PS le fait, comme les Verts, comme le PLR, comme le PDC, le PBD et tous les partis. Je trouve ridicule de critiquer l’UDC parce qu’une entreprise mandatée par ce parti pour coller des affiches a des employés étrangers. Ca reviendrait au même que de critiquer un député UDC parce que dans son compartiment de première classe en allant siéger à Berne, il se fait contrôler son titre de transport par un employé des CFF “de couleur”. D’ailleurs le programme de l’UDC ne s’oppose nullement à ce que des étrangers travaillent en Suisse. Il demande simplement que la Suisse régule l’immigration des étrangers en fonction des besoins de l’économie. Celà permet d’engager bon nombre de “personnes de couleur” si elles font bien leur travail.

    Enfin bref, toute cette discussion est un non sujet et je suis sûr que nos compatriotes n’y accordent aucune importance. Si Le Temps pense intéresser le public avec des sornettes pareilles, cela ne prouve qu’une chose: ces medias mainstream prennent les gens pour des idiots, qu’ils ne sont pas.

    1. La difficulté d’un journal qui veut rester de qualité doit pouvoir la financer, et ne compter que sur le lectorat qui la recherche ne suffit pas, les idiots existent bel et bien et sont nombreux. Voyez les blogs du journal gratuit à succès, et vous pourrez évaluer le niveau de tous ces lecteurs. La presse n’est pas responsable de ce malheur, des journaux comme « La Feuille d’Avis de Lausanne » ou « La Tribune », qui à l’époque avaient un grand tirage, proposaient des articles variés en intérêt, rédigés par des journalistes qui récoltaient des informations dans les domaines qu’ils connaissaient. Ces journaux, comme d’autres, sont tombés dans la médiocrité ou ont disparu, et leurs journalistes qui peinaient à écrire comme un enfant de dix ans peuvent retourner en classe s’ils ne veulent pas rester des rédacteurs de demandes d’emploi pleines de fautes de français et d’orthographe. Il y a bien sûr Internet qui donne accès à une foule d’informations et est une mine d’instruction, à s’y noyer, mais la recherche de qualité et de fiabilité prend un sacré temps. Les journalistes du Temps se donnent souvent la peine de fournir leurs sources et des liens en rapport avec leurs articles, c’est très appréciable pour s’élargir dans ce qui nous intéresse, et comprendre aussi qu’Internet et le journal peuvent exister avantageusement ensemble. Conclusion : Entre le Mainstream et le calme plat, il y a le Moderatestream qui peut continuer à contenir le meilleur, et même ce qui plaît aux idiots pour les inclure un peu, se maintenir et peut-être une fois réussir à prospérer sans eux, ou espérer que la moyenne générale s’améliore.

        1. Vous n’avez pas compris, le « journal de tout le monde » existe déjà, il est gratuit, son contenu ne vaut pas beaucoup plus, les journaux qui visent la qualité ne sont pas leurs concurrents. Maintenant s’il devait y avoir un programme pour espérer améliorer le niveau intellectuel et d’instruction des journalistes de 3 ème classe et leurs lecteurs, ce serait de commencer par reconnaître honnêtement que la scolarité obligatoire ne parvient plus à remplir son rôle. Le journal Le Temps, qui est une entreprise privée, doit réellement apporter quelque chose pour faire ses preuves et vivre, il n’est heureusement pas financé par nos impôts afin d’être accessible à tous en visant la médiocrité telle qu’on la connaît dans l’enseignement.
          (C’est mon dernier commentaire)

    2. Quand un chien mord son maître, ce n’est pas une information. Mais quand le maître mord son chien, ça, c’en est une.

      Qu’ils le veulent ou non, pas plus qu’avec les trains qui partent et arrivent à l’heure, les journaux n’intéresseront le lecteur avec des histoires de chiens qui mordent leur maître. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la rubrique des faits divers porte l’étiquette de « chiens écrasés ». Sinon, il ne resterait plus qu’à lire la « Feuille des Avis Officiels ».

      1. Bravo pour votre titre qui fait rire, même si ce jeu de mots ne contribue pas vraiment à instaurer un climat de paix dans les éventuels échanges…

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