Assurer le bien de l’enfant

 

La campagne au sujet du mariage pour tous et du droit à l’enfant par PMA pour les couples mariés de lesbiennes a été lancée l’autre jour, sans beaucoup de bruit d’ailleurs, vu que la période estivale est consacrée à bien d’autres occupations. Le Conseil fédéral va, selon sa mauvaise habitude, se lancer dans la campagne bien que l’adjonction, dans la loi, du droit des lesbiennes à l’enfant par PMA n’ait pas du tout été sa proposition. On pourra déplorer une fois de plus l’erreur de mêler les conseillers fédéraux aux débats des votations alors que le texte soumis n’est pas le leur mais celui du Parlement, mais ce n’est pas le sujet ici.

Pourquoi étendre la PMA aux couples de lesbiennes d’une part, mais à la condition exclusive qu’elles recourent à la PMA en Suisse ?

Réponse : pour protéger le bien de l’enfant !

Alors quelle protection ? Elle se décline en trois étapes :

  1. Première étape

Ce que veut un couple de lesbiennes, c’est que chacune soit le parent juridique de « leur » enfant dès la naissance. Ce n’est pas possible si elles recourent à une  PMA à l’étranger. Dans ce cas, seule la mère physiologique est reconnue mère juridique, en droit suisse, dès la naissance, alors que sa compagne devrait adopter l’enfant pour devenir son « second parent » juridique. L’adoption en Suisse exige au moins un délai d’une année, année pendant laquelle l’enfant est celui d’un couple monoparental. Ceci est évité si le droit suisse donne à un couple marié de femmes – et non plus seulement à un couple marié hétérosexuel – la faculté de recourir à la PMA. Ainsi, le « conjoint », homme ou femme, de l’épouse qui accouche serait automatiquement, dès la naissance, le « père juridique », ou le « parent juridique » de l’enfant. Pas de monoparentalité pendant une année pour le couple de femmes.

  1. Deuxième étape

Quand un couple de lesbiennes recourt à la PMA à l’étranger, le donneur de sperme est généralement anonyme et l’enfant n’aura jamais la moindre idée de sa généalogie paternelle. En droit suisse, c’est différent puisque la PMA inclut le « droit de connaître ses origines ». En effet, à 18 ans révolus, l’enfant peut obtenir officiellement des informations concernant l’identité du donneur de sperme (nom, prénom, date et lieu de naissance, domicile d’origine ou nationalité, profession et formation) et son aspect physique. Si le donneur refuse de rencontrer l’enfant, celui-ci doit en être avisé et doit être informé des droits de la personnalité du donneur et de sa famille. Si l’enfant maintient sa demande, les données lui seront communiquées.

  1. Troisième étape

Une fois que l’enfant sait qui est l’homme dont il est issu, il n’a pas, selon la PMA suisse, le droit de demander en justice que cet homme soit déclaré son père juridique et l’homme non plus ne le peut pas. L’enfant n’a pas le droit d’avoir un père, il a juste le droit de savoir qui est le donneur de sperme.

 

Une question éthique se pose à chaque étape :

  • Serait-ce pour assurer le bien de l’enfant à naître que nous donnerions à sa mère le moyen légal de lui refuser un père pour lui imposer deux mères ?
  • Serait-ce pour assurer le bien de l’enfant à naître que nous ne lui permettrions de connaître son père que sous le label de « donneur de sperme » ?
  • Serait-ce pour assurer le bien de l’enfant que nous lui interdirions d’avoir jamais un père juridique ?

Ces questions peuvent recevoir des réponses différentes, mais on ne peut les ignorer sachant qu’en droit suisse, « la procréation médicalement assistée est subordonnée au bien de l’enfant ».

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

20 réponses à “Assurer le bien de l’enfant

  1. Le sujet n’étant pas clos, je vous propose de poursuivre la réflexion.
    La question de la PMA pouvant (éventuellement) satisfaire les couples de lesbiennes, quid iuris de l’égalité des droits des couples gays?
    Il faudra donc accepter la gestation pour autrui, avec un éventuel don d’ovules (pour l’égalité avec le don de sperme). L’égalité ça compte… Sera-ce un nouveau contrat nommé le contrat GPA ? Quels en seront les éléments essentiels ?
    Ensuite de quoi il faudra, pour le bien de l’enfant, que les “parents” puissent choisir le sexe, la couleur des yeux, des cheveux, et pouvoir faire (ou faire faire) régulièrement des analyses afin de s’assurer que le fœtus est en bonne santé, pour pouvoir effectuer ou faire effectuer à temps une IVG, pour le bien de l’enfant, son “droit” à naître en bonne santé. On appelle ça l’eugénisme…
    Et quid si la mère biologique veut garder son enfant ?
    Le tout remboursé par l’assurance-maladie de base.

  2. Vous conseillez cette formation du prof Queloz sur l’intérêt supérieur de l’enfant ?

    ttps://www.zke-online.ch/de/veranstaltungen/cas-en-justice-des-mineurs-volee-2

  3. Merci d’avoir le courage et l’honnêteté de poser ces questions, essentielles de mon point de vue!

  4. et alors !?
    le libéralisme ne veut-il / respectivement n’A-T-IL JAMAIS voulu / ça !!? !? !?

  5. Merci pour les détails de la scandaleuse PMA. Le droit de l’enfant est manipulé donc bafoué. Triste pour les générations futures et en particulier les jeunes hommes …. Abe avant de voter fin septembre

  6. La pma existe déjà pour les couples hétérosexuels infertiles, apparemment aux mêmes conditions que celles prévues pour les couples homosexuels. On y retrouve donc les mêmes inconvénients, dont celui pour l’enfant de ne pas connaître son père biologique avant sa majorité (et de se faire reconnaître par celui-ci).

    Ainsi donc, ce qui gêne profondément les opposants est le principe même de l’éducation d’un enfant par des homosexuels. Pourquoi s’emberlificoter dans des justifications juridiques ?

    1. Je ne suis pas favorable au don de sperme pour les couples hétérosexuels – j’ai d’ailleurs voté NON au Conseil national mais dans ce cas, l’enfant a l’assurance d’avoir au moins un père juridique. Cette assurance est même la condition sine qua non du don de sperme pour ces couples-là.

      1. Cessons de faire, sous quel que prétexte que ce soit, le déni de nos « Pères » et de leurs convictions éthiques, qui les amenèrent à la Constitution Fédérale, que tous les politiciens actuels et récent ont promis de respecter (assermentations récentes)!

  7. Le droit de l’enfant peut attendre un peu. L’urgence est de plaire à cette masse de mayonnaise pour se faire réélire, qui est le seul souci de beaucoup de politiques ! Le pauvre peuple a bon cœur, il se montre généreux avec cette minorité ouvertement destructrice des traditions !

  8. Cette exposition en 3 étapes devrait réveiller ce qui reste citoyen en nous et que nous avons la chance de cultiver en Suisse. Or la paternité est un élément constitutif de la citoyenneté. Je rêve de voir inauguré un contrat de mise au monde que tout individu, en couple ou non, aurait à signer afin que chaque enfant envisagé soit doté jusqu’à l’âge de 25 ans des conditions de vie les meilleures possibles, droits bien sûr garantis. Il est inadmissible de confondre le désir d’enfant avec l’installation de l’enfant dans la société. Si, pour certains – que je ne juge d’ailleurs pas – le père n’est plus inscrit dans la Loi, il existe d’excellents psychanalystes partout en Suisse.

  9. Le bien de l’enfant va au-delà des principes juridiques qui vous échappent et dont vous n’avez aucune idée !
    Vous parlez dans le vide … et votre avis ne pèse pas plus qu’une voix parmi les autres …

    1. Vous au moins n’êtes pas dupe : Madame Sandoz veut uniquement le bien de sa morale, avant le bien de l’enfant. Cette sollicitude prétendument altruiste n’est qu’un prétexte pour sa satisfaction personnelle. L’enfant à droit au bonheur et je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas l’avoir avec un couple de lesbiennes. Ce couple aura traversé tous les obstacles et préjugés pour éduquer leur enfant, et on peut espérer que le bonheur de leur enfant sera au centre de leur préoccupations. Tandis que des grossesses hétérosexuelles non souhaitées ont souvent des conséquences catastrophiques sur l’équilibre de l’enfant. Quelle hypocrisie.

  10. Le bien suprême de l’enfant c’est son droit absolu d’avoir une mère et un père. Notre identité à toutes et tous est depuis les origines inscrite dans cette complémentarité : la moitié des chromosomes de la mère et du père.
    Or, avec la PMA, il y aura deux mères et pas de père. Car un spermatozoïde implanté ne réalise pas une paternité vécue avec l’enfant au cours de son développement. L’enfant y a droit et tout l’amour et les soins de deux mères, si parfaits soient-ils, ne remplacera pas l’absence du père.
    Les couples de femmes réclament l’égalité des droits comme ceux de parents hétérosexuels. Mais la PMA revendiquée prive l’enfant de l’égalité de ses droits avec les autres enfants. Grave paradoxe !

  11. J’ai deux questions techniques à Mme le professeur de droit.

    Imaginons un e situation de vie qui pourrait très bien se produire et qui se produira certainement de temps en temps.

    Un jeune homme donne son sperme contre un peu d’argent de poche, dont il a cruellement besoin au temps de ses études.

    Par la suite, il reste célibataire et n’a pas d’enfants, sauf… celui qui est né de son sperme, dont il a entendu parler et qui est élevé par un couple de lesbiennes.

    En mal de paternité, il fait des enquêtes. Son rejeton biologique, en quête de père, fait de même. Tant et si bien que le père et le fils se retrouvent et un lien affectif très fort nait entre eux. Lien, d’ailleurs, d’autant plus fort que l’enfant déteste ses deux lesbiennes de doubles mères sous le toit desquelles il a beaucoup souffert pendant quelques années avant que les deux femmes finissent par “divorcer” au terme d’un procès très pénible dans lequel l’enfant est pris en otage et sert de punching-ball aux deux militantes LGBT.

    L’enfant, âgé de 12 ans, se réfugie chez son père biologique, qui est désireux de le reconnaître, d’en prendre la responsabilité et de l’élever. Un test ADN est effectué et prouve la filiation.

    Première question:

    Le père biologique peut-il faire valoir sa paternité, et par conséquent obtenir la garde de l’enfant, même si l’une des deux mères, où les deux, s’y oppose(nt)?

    Deuxième question:

    Ayant eu une carrière d’hommes d’affaires couronnée de succès, le monsieur âgé se retrouve à la tête d’une importante fortune qu’il désire léguer intégralement à son fils bien aimé. Si la loi ne le reconnaît pas comme père malgré qu’il le soit, quelles dispositions testamentaires, ou autres, peut-il prendre, pour que son fils puisse hériter de ses biens avec les mêmes facilités que tout fils légitime, sans que le fisc lui prenne tout au passage ?

    1. Réponse simultanée aux deux questions car elles sont liées
      A première vue, si je comprends bien votre exemple, le père n’a pas procédé selon la loi suisse, puisqu’il a contrevenu à l’art. 21 de la loi “Le don de sperme ne peut donner lieu rémunération”. A vrai dire la formulation que vous utilisez donne lieu à interprétation “argent de poche” (donc petit montant) et puis surtout, fourni par qui? Si c’est la future mère, on pourrait penser qu’il n’y a pas eu recours à une PMA conforme au droit suisse. Mais cette question serait certainement celle qui poserait le plus de problème, vu les conséquences juridiques. En effet, si on peut conclure qu’il y a eu violation de la loi, l’épouse de la mère n’a pas pu devenir légalement le 2e parent de l’enfant.Il faudrait que le père se démène car l’enfant de 12 ans selon votre exemple ne serait guère à même de faire quoi que ce soit à moins que, vu la situation de tension due au divorce de ses “deux mères”, on ne lui ait désigné un curateur. Il faudra obtenir une rectification de l’état civil par un procès pour faire constater l’erreur de la filiation et l’enfant pourrait après cela (par l’intermédiaire de son curateur), actionner son père en paternité, ou bien son père pourrait alors le reconnaître, y compris d’ailleurs dans un testament où il l’instituerait héritier en tant que fils reconnu valablement comme tel. De toute manière, l’enfant mineur qui se réfugierait chez “son père” alors que ce dernier n’a pas encore pu recevoir l’autorité parentale et la garde au moins partagée ne pourrait y rester et le père qui le garderait sans avertir la mère “légale” ou la police se rendrait coupable d’un enlèvement d’enfant. Il ne peut espérer obtenir la garde qu’à l’issue des procédures mentionnées ci-dessus
      Si au contraire la conformité avec le droit suisse de la PMA était admise, l’enfant qui, ayant découvert qui est son père
      (je ne sais comment, car il est trop jeune pour recourir aux démarches officielles, à moins que des raisons sérieuses ne puissent être invoquées [en général questions de santé]) voudrait se réfugier chez lui, serait considéré comme fuguant. Le “père” qui l’aurait accueilli pourrait se rendre coupable d’un enlèvement de mineur s’il ne cherche pas immédiatement à le rendre à l’une de ses mères juridiques ou au moins à avertir la police. Le père donneur de sperme n’aura aucune possibilité de faire reconnaître juridiquement sa paternité.
      Il pourra en revanche toujours coucher son fils dans son testament mais évidemment seulement en qualité de tiers donc, selon le droit cantonal, soumis à l’impôt successoral le plus lourd!
      J’ai essayé de répondre très succinctement à vos questions.
      Mais il faut dire que les réponses seraient les mêmes si le don de sperme avait eu lieu, comme vous l’avez décrit, en faveur d’un couple hétérosexuel.
      Bien à vous.
      Suzette Sandoz

  12. Chère Mme Sandoz, vous aurez remarqué que j’ai du m’y prendre à deux fois. Mon message a été expédié par erreur alors qu’il n’était pas terminé. J’ai donc dû le reprendre et le terminer, puis vous l’expédier à nouveau. Si vous le publiez, merci de publier la deuxième version.

    Cette idée saugrenue de se marier et d’avoir des enfants quand on est homosexuel va causer une infinité de casuistiques absurdes et choquantes dans bien des cas.

    Merci et bravo de votre infatigable combat pour la famille.

    M.

    1. Je vous avoue que je ne connaissais pas Mme Sandoz. Mais quel bien cela fait de voir que des gens d’un certain âge se battent pour certaines convictions dans lesquelles un jeunot comme moi se reconnaît; car tout simplement emplies de bon sens.

  13. Ces “grandes questions” que vous posez abordent un sujet central : la parentalité et de là, la cellule familiale.
    Hors, pour avoir quelques notions d’histoire et de géographie, il me semble pouvoir affirmer qu’il y a foultitude de modèles de parentalité en fonction de l’époque mais aussi du lieu d’où vous venez.

    Prenons déjà par exemple nos régions culturelles proches : notre mémoire individuelle et collective, assez courte et sélective a, dans la plupart de cas, naturellement oublié les évolutions de ces modèles à travers le temps.
    Qui se souvient de l’organisation de la famille en Suisse central au XVIème siècle ? Dans le Jura au XVIIIème? Aux Grisons ?
    On peut ainsi interroger de nombreux lieux et de nombreuses époques. On y verra des différences à travers le temps concernant la structure sociale, l’organisation et les besoins vitaux régis par le lieu et les conditions de vie qui se répercutent sur le modèle familiale. La politique, l’économie et les croyances jouent également un rôle influent.

    Élargissez l’exercice à d’autres régions du monde, et pourquoi pas à travers le temps aussi, et vous verrez encore d’autres possibilités de modèles parentaux et éducatifs.

    Les questions se posent donc :
    existe-t- il qu’un seul et unique modèle valable ?
    Quel est le profile de la personne qui décrète qu’il s’agit du juste modèle?

    Ceci étant posé, je crois fermement que ce qui est capital dans le développement d’un enfant, c’est l’amour, la sécurité (dans les régions du monde où nous avons ce luxe), l’attention et le temps accordé. En bref, l’éducation dont il va pouvoir se nourrir pour se développer.
    Partant de là, quel est le modèle- quels sont les modèles- de parentalité qui ne peut-peuvent pas transmettre ces besoins de base?

    1. Désolée, mais comme beaucoup de gens, vous confondez deux choses: l’éducation d’un enfant déjà né (c’est le développement de sa personne qui peut varier selon les cultures, les époques, etc. comme vous le dites) et la fabrication d’un enfant, donc d’une personne future, à partir de deux ovocytes qui constituent son patrimoine inaliénable et intangible. La question qui se pose est alors: a-t-on le droit de fabriquer un enfant et de lui dire à ce moment-là, “tu n’auras jamais le droit d’avoir un père”? C’est-à-dire, “je détermine le choix du donneur de sperme qui constitue la moitié intangible de toi-même, mais je décide que cette moitié-là ne devra jamais être ton père”. ET quand on vote le principe de la PMA pour les couples de femmes, on assume, comme société, cette interdiction. Je refuse de m’associer à cette violation des droits fondamentaux de la personne.

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