La pension de M. Blocher est une affaire strictement juridique

La demande de M. Blocher de recevoir rétroactivement sa pension de conseiller fédéral, pour peu sympathique qu’elle soit, n’en est pas moins un simple rapport de créancier à débiteur. Elle n’a rien de politique sinon le bruit que l’on souhaite faire à ce sujet.

L’affaire en deux mots

Un soi-disant créancier, M. Blocher, personne physique, réclame à un prétendu débiteur, la Confédération, personne morale, une certaine somme d’argent sous un certain prétexte.

Le créancier se prévaut d’un accord, ou d’un contrat, oral ou écrit, entre lui et le débiteur, et en donne une interprétation.

Si les parties ne peuvent se mettre d’accord sur l’interprétation, le créancier peut ouvrir action contre le débiteur et les tribunaux jugeront selon les règles les plus classiques de l’interprétation des déclarations de volonté, voire des textes légaux invoqués à l’appui.

Résister à la tentation de politiser l’affaire

Le Parlement n’a strictement rien à dire à ce stade et doit en outre résister à la tentation de se mêler ou d’être mêlé à l’affaire.

Une activité législative éventuelle, quand tout aura été réglé

Le Parlement pourrait avoir un rôle à jouer, éventuellement, une fois un accord définitif survenu entre les parties ou, à défaut d’un accord, une fois un jugement entré en force, dans la mesure où il paraîtrait nécessaire, pour l’avenir, de clarifier, modifier ou abroger des textes légaux appliqués.

Alors, pour l’heure, laissons braire. Que les parties se débrouillent selon les règles parfaitement claires d’un Etat de droit et concentrons-nous sur les problèmes importants.

 

 

 

 

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

31 réponses à “La pension de M. Blocher est une affaire strictement juridique

  1. A la bonne heure! Ce billet factuel, sans message (plus ou moins) subliminal, me fait perdre une belle occasion de ne pas parler pour rien dire!

  2. M. Blocher a choisi de rendre l’affaire publique, donc politique. M. Blocher est un bénéficiaire de la libre circulation pour maintenir la pression sur les salaires de son entreprise, maintenant familiale. Il fait semblant de combattre la libre circulation. Il n’y a que le peuple qui est perdant par la continuation de la libre circulation, et le peuple ça ne compte pas trop. Les intérêts des milliardaires passent d’abord. Trump aurait dit “Business first” comme America first.

    1. Ce n’est parce que l’affaire est publique qu’elle n’est pas une pure question de droit. Il ne suffit pas de rendre une affaire publique pour la soustraire au droit, ce serait hautement inquiétant. A nous et à la presse de ne pas tomber dans le panneau.

      1. Exact !

        A mon avis cette question devrait être traitée comme un fait divers. La question ne sera que politique si l’on tombe dans le panneau comme vous le dites si bien.

        Je suis quand même curieux par ce que va dire la justice. Est-ce qu’une personne peut revenir en arrière sur un renoncement public à une créance plus de 10 ans après les faits ? C’est pas une question commune.

  3. En dehors de la forme et du manque de tact que M. Blocher utilise pour récupérer ses acquis, nous ne pouvons surement pas lui en vouloir de préserver cet argent de la gestion qu’en font certains de nos fonctionnaires !

  4. Non chère Madame, l’affaire n’est pas strictement juridique. L’affaire a été politisée par Blocher, lorsqu’il a déclaré qu’il refusait que l’argent de sa retraite serve à financer la campagne contre l’initiative de l’UDC.

    1. Il peut dire tout ce qu’il veut, le droit qu’il revendique est une pure question juridique. Il faut à tout prix éviter que des esprits peu clairs tombent dans le panneau politique!

  5. Votre argumentation est pour le moins spécieuse. Christoph Blocher lui-même cherche à faire de sa requête un acte politique hautement revendiqué (ne pas “faire de cadeaux” à un Etat dont LUI désapprouve la politique). On ne peut donc maintenant venir prétendre qu’il s’agirait d’une affaire purement et uniquement juridique. Mais je vous rejoins sur le fait que cette démarche est non seulement “peu sympathique”, mais carrément lamentable, surtout dans les circonstances financières actuelles difficiles pour la Confédération, même si quelques millions ne changent pas grand chose à l’affaire, ça reste symboliquement déplorable.

    1. J’essaie tant que je peux de mettre en évidence que cette affaire ne doit ni ne peut être politique.

      1. Chère Madame Sandoz,

        Vous n’en avez ni le pouvoir ni la compétence.

        Bien évidemment, vous qui avez fait de la politique en flirtant souvent avec M. Blocher avez tout intérêt à nous faire croire que cette “pauvre petite affaire” doit rester privée et bien cachée.

  6. Ma lecture de cette affaire est aux antipodes de celle de Madame Sandoz. Monsieur Blocher sait bien qu’il n’a pas besoin de cet argent pour vivre et qu’il n’est pas du tout sûr d’avoir gain de cause. Sa demande n’est qu’un prétexte pour faire parler de lui et exercer une pression pour deux motifs me semble-t-il: le choix de la personne qui succèdera à Monsieur Rösti et la votation du 27 septembre sur la libre circulation. Autrement dit, cette affaire est éminemment politique.
    J’ai cru comprendre que le parlement sera saisi à la rentrée et sera obligé de prendre une position. Si j’ai mal compris, merci de me fournir une explication.

    1. Je ne comprends absolument pas pourquoi le parlement devrait être saisi, raison de mon billet.

    2. Il veut donner un coup de pousse à Zurich, son lieu de résidence, qui va ramasser l’impôt sur un tel potentiel revenu d’un seul coup. ça sera presque du 50% !

  7. A mon avis il a tout à fait raison. Chacun sait qu’il est très généreux pour aider toutes sortes d’actions charitables ou de bienfaisance (centre musical du couvent de Rheinau, où il a tout de même mis 20 millions, restauration de l’Eglise de Lü aux Grisons, hôpital et école de sages femmes en Afrique, nombreuses autres donations dont il ne parle pas). Il a légalement droit à cette somme et je comprends qu’il souhaite en décider lui-même de l’affectation, plutôt que de voir cet argent dilapidé par ce gouvernement d’incompétents, ou utilisé pour financer la propagande officielle dans un sens diamétralement contraire à ses convictions les plus profondes. (Exemple: la campagne sur l’initiative pour une immigration modérée).

  8. Est-ce que M. Blocher et son parti, l’UDC a besoin de publicité avant le 27 septembre ? Comme le journalistes n’ont plus de nouvelles “alarmistes” à publier, il faut chercher un autre sujet ! A quand un journaliste sérieux à faire un article de fond sur le scandale des “bébés de mères porteuses” en Ukraine pour, éventuellement alerter l’opinion publique là dessus et, pourquoi pas, on peut rêver, aider à trouver une solution pour ces enfants-orphelins ? Mais cela n’intéresse personne !

  9. Serait-il possible que les commentaires soient publiés avec un délai raisonnable, pendant que cela a encore un sens (càd. avant que le blog ne disparaisse de la page de garde)?!

    1. Je ne vois pas pourquoi.

      En revanche, d’un point de vue juridique, on peut se demander si une partie de la créance de notre ex-conseiller fédéral n’est pas prescrite…

  10. Il y a une théorie que j’ai entendue souvent, et selon laquelle les dirigeants de l’UDC comme Christophe Blocher ne souhaitaient pas l’adoption de l’art 121a Cst. féd. le 9 février 2014. Ils voulaient, selon cette théorie, perdre avec une score très fort: 45 à 49 %, pour avoir un argument politique, mais souhaitaient en fait la poursuite de la libre ciculation – libre exploitation.

    Je ne sais pas si c’est vrai. Si c’est vrai, cela pourrait expliquer que monsieur Blocher choisisse ce timing malencontreux, juste avant la votation si importante du 27 septembre et non juste après, en somme pour torpiller cette initiative de limitation trop favorable aux travailleurs.

    Le 9 février 2014, c’était vraiment le peuple et uniquement le peuple, qui a fait passer le principe de rétablir des quotas d’immigration, car les gens sont à bout à cause de la libre circulation, et du dumping social insupportable qu’elle cause.

    Le peuple a voulu cet article 121a contre toute la classe politique, y compris même, peut-être, l’UDC, contre tout l’establishment gauche comprise, et contre les médias.

    Par conséquent cette volonté désespérée des Suissesses et des Suisses qui souffrent socialement, que l’on réduise enfin sensiblement l’immigration, et donc l’exploitations des travailleurs suisses, j’espère qu’elle se mobilisera encore une fois ce 27 septembre, malgré le jeu (peut-être) double de l’UDC et malgré le ramdam à propos de la retraite de Blocher.

    Le peuple ne peut compter que sur lui-même.

    1. Récidivons le 27 septembre et votons massivement oui. L’UDC est un parti hypocrite comme il en existe d’autres hélas dans notre pays.

  11. D’un point de vue strictement juridique, vous avez à mon humble avis tort.

    Tout d’abord, c’est la Caisse fédérale de pensions qui verse la rente “à vie”. Mais l’ancien Conseiller fédéral n’est pas affilié à cette caisse et ne possède aucun “contrat” à exécuter par elle. Cela s’exprime par la formule “Ces prestations lui sont remboursées [à la Caisse fédérale de pensions] par la Confédération”.

    Le refus/l’octroi de verser une rente doit dès lors faire l’objet d’une décision, qui n’est pas purement déclarative. On s’orienterait dès lors vers un recours (en cas de refus).

    Mais il résulte de l’interprétation systématique de l’arrêté fédéral 172.121.1 que les “décisions” doivent être “approuvée[s] par la Délégation des finances des Chambres fédérales”.

    Et cette approbation est un … acte politique.

    L’art. 189 al. 4 Cst. prévoit enfin qu’un tel acte (politique) ne peut pas être porté devant un tribunal.

    En d’autres termes, il n’est pas créancier, ne dispose d’aucun contrat à faire exécuter/interpréter et l’acte qu’il demande est une décision politique qui ne peut pas être porté devant un tribunal. Tout au plus, il pourrait demander à l’Assemblée fédérale de prendre un arrêté… et compter ses copains lors du vote.

    Et oui, c’est à mon humble avis une pure décision politique… qui n’est même pas soumise au référendum 🙂

    Cela dit, il peut opter pour la stratégie Lauber et demander aux contribuables de lui payer les meilleurs avocats pour occuper les tribunaux pendant des années … et sur un malentendu…

    PS: Si Lauber n’avait pas été réélu par l’Assemblée fédérale l’année dernière … lui auriez-vous conseillé d’aller au prud’hommes ? :))

    1. La décision à laquelle vous faites allusion concerne celle de la Commission des finances à propos du remboursement par la Confédération à la Caisse de pensions et non pas celle de la Caisse de pensions de payer ou de ne pas payer. La Commission des finances n’a aucun ordre préalable à donner à la Caisse de pensions. L’ordonnance ne dit pas que, dans le doute, la Caisse doit demander l’avis préalable de la Commission des finances ce qui correspondrait alors à une décision politique non sujette à recours et permettrait de priver éventuellement, sans aucune protection judiciaire, un ancien conseiller fédéral de sa retraite.
      La relation entre le conseiller fédéral retraité et la Caisse de pensions, elle, repose sur une obligation légale et non sur un contrat mais cette obligation a la même portée qu’un contrat et une renonciation du créancier est une source d’obligation pour lui, obligation envers la Caisse.

  12. Les règles sont purement juridiques , mais les motivations purement politiques !
    C’est ce dernier point qui alimente les conversations et montre le vrai visage du tribun UDC.

  13. Vous bottez en touche, chere Suzette, ou la justice n’aurait rien de politique?
    (deux experts mandates sont deja d’un avis oppose,ca promet 🙂

    (c’est comme un clavier americain, la rigolade qu’on trouve en Uruguay, il faut se faire a tout)

  14. When Mr. Blocher gallantly renounced his pension back in 2007 he collected brownie points, he enjoyed people’s admiration and praise, all of which paid dividends to him one way or another. One could say that the move was a wise transaction: he gave money and got appreciation, respect (badly needed) and image building in return. But now he wants the money back! It doesn’t take a shrewd businessperson to tell you that once you buy a product and consume it, you can no longer get the money back. He wants to still have his cake after having eaten it!

    1. C’est parfaitement juste. Pour cette raison d’ailleurs que le CF va faire durer le plaisir pour massacrer ce qui reste de la réputation de M. Blocher, et les instances politiques applaudissent !

  15. Mais tout est politique, dans cette histoire! Et le droit aussi! C’est bien naïf de croire que le droit, la loi, c’est aussi neutre et factuel qu’une équation mathématique.
    Que la réponse à sa demande soit “seulement” donnée dans un cadre juridique, c’est une évidence. Evidemment, la réponse sera conforme au droit. Mais que faites-vous de l’interprétation de la loi? Il Il semble, selon le Sonntagsblick relayé par La Tribune de Genève, que les deux experts consultés en la matière soient d’un avis opposé. Il s’agirait en l’occurence de Thomas Geiser, professeur émérite à l’Université de St-Gall, et de l’expert en assurances sociales Ueli Kieser, avocat et professeur aux universités de Berne et St-Gall. Quand même les experts se contredisent, c’est dire que le droit n’est pas une mesure juste et neutre. En tous les cas, il se laisse interpréter et pour cela, on va souvent relire les débats parlementaires pour bien saisir les intentions du législateur.
    Le droit est le résultat d’une situation politique, sociale et culturelle, que le parlement ou le conseil fédéral fixe dans une loi à un moment donné. Vous, la professeur de droit que vous êtes, pourquoi feignez-vous d’ignorer cette réalité?
    Si vous vous donnez la peine d’écrire un billet sur cette histoire, c’est bien qu’elle est politique! Autant pour celui qui a fait la demande 13 ans après avoir renoncé à sa rente (il a aussi dit ne pas avoir besoin de cet argent, que sa motivation est politique) que pour celles et ceux qui sont chargés de donner une réponse.

  16. Chère Suzette,

    Je crois au contraire que cette affaire est politique, et que c’est à dessein que M. Blocher a rendue publique sa demande de rente de retraite avec effet rétroactif, puisque l’annonce vient de lui et que la Confédération n’aurait sûrement pas pu, pour des raisons de secret de fonction, communiquer cette demande.

    N’oublions pas que sa fortune personnelle est évaluée à plusieurs milliards de francs, puisque la fortune globale de la famille Blocher est estimée entre dix et onze milliards de francs.

    Dès lors, 2,7 millions de francs ne représentent rien pour lui. Il a déjà dit qu’il en ferait une donation.

    La manœuvre de M. Blocher permet de mettre en lumière l’absurdité des prébendes des Conseillers fédéraux retraités.

    Nous comptons aujourd’hui dix-neuf anciens Conseillers fédéraux. Un ministre « retiré » perçoit la moitié du traitement d’un Conseiller fédéral en fonction, soit 223’917 francs par année, ou 18’660 francs par mois net, et ce jusque mort s’en suive. En sus, il bénéficie d’un abonnement général 1ère classe à vie, son conjoint également, ce qui représente 12’600 francs par an ; d’un abonnement de téléphone et d’un abonnement à vie pour les remontées mécaniques suisses [sic]. Il conserve encore son passeport diplomatique, fort pratique dans les aéroports et à l’étranger.

    Durant son activité, il cotise à l’AVS, mais pas à la LPP. Dès lors, sa retraite est directement et exclusivement financée par le budget de la Confédération puisqu’elle n’a pas fait l’objet d’une constitution d’avoirs.

    Tout montant qui dépasse, sur l’année, le salaire annuel d’un Conseiller fédéral en fonction, induit une réduction d’autant de la retraite d’un ancien Conseiller fédéral. En d’autres termes, un Conseiller retraité peut percevoir, par une activité lucrative, une somme de 447’834 francs par année sans que cela n’ait une quelconque incidence sur sa retraite. Cela lui permet de totaliser potentiellement un montant de 671’751 francs annuels de revenus sans que la Confédération ne puisse lui retenir un seul centime.

    Notre Collège retraité nous coûte plus de cinq millions de francs par an, sans compter les avantages en nature. Cela augmentera probablement à l’avenir. Nous entretenons ainsi une cohorte de personnes qui, au seul motif qu’elles ont servi l’Etat au plus haut niveau, vivent de prébendes.

    Or, tous disposent d’une prévoyance du chef des activités qu’ils occupaient avant leur élection, laquelle se cumule donc à leur retraite de ministre – et c’est le cas de le dire. Plus ils sont élus âgés, plus ils bénéficiaient d’une prévoyance élevée au moment de leur élection.

    Quant aux plus jeunes élus, ils peuvent aisément reprendre une activité après leur démission, comme l’on fait, outre Ruth Metzler, les Conseillers Leuenberger, Villiger, Deiss et Leuthard.

    Il serait temps d’envisager sérieusement de soumettre le salaire des Conseillers fédéraux à cotisation LPP en lieu et place de conserver ce système ruineux. Ainsi, ils transfèreraient dans cette institution LPP leurs avoirs existants lors de leur élection, cotiseraient durant leurs mandats à l’exécutif fédéral et exonéreraient le contribuable de les entretenir grassement, à vie, à l’issue de leur mandat.

    La plupart des cantons viennent de supprimer les rentes à vie des anciens Conseillers d’Etat, et c’est une excellente nouvelle.

    C’est dans ce sens que la démarche de M. Blocher est éminemment politique : il veut mettre fin à ce système en démontrant l’absurdité et les coûts disproportionnés pour l’Etat des rentes à vie.

  17. Pardon, le calcul n’est pas exact. Il ou elle plafonne à environ 447’000.- par an. Si une activité lucrative leur rapporte 445’000.- par an par exemple, ils ne reçoivent que 2’000.- de pension. Je pense que ce n’est pas beaucoup quand le collège des sept fixe un salaire d’un million aux patrons des entreprises de l’Etat comme la poste, Swisscom et les CFF.

  18. Analyse froide et sans aucun affect. Théorie de juriste et ancienne prof à l’UniL déjà difficilement buvable à l’époque, je me rappelle. Vous n’avez rien d’une politicienne. Vous étiez une aventurière dans la politique mais ne ressentiez rien de ce qui fait un vrai politicien : celui qui porte la voix des autres avec empathie. Donc raisonnement détestable.

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