Pourquoi la presse aime-t-elle parler de gifle ou d’humiliation des politiciens?

C’est une expression à la mode et totalement horripilante : de tel politicien dont une proposition n’a pas été votée la presse dit souvent qu’il a reçu une « gifle » ou qu’il subit une « humiliation ». C’est ce que l’on a pu lire et entendre récemment à propos de l’échec du premier ministre britannique.

Toute personne qui a compris quelque chose à la politique sait que les votes sont soit négatifs soit positifs (quelquefois blancs mais ce n’est pas le problème ici) et que, par conséquent, une proposition, une loi, soumise au vote – que ce soit du peuple ou d’un parlement – sera acceptée ou refusée.

Il peut arriver qu’un votant ou un autre utilise son droit de vote dans l’idée de « punir » un homme politique ou de se venger, mais il s’agit là d’un réflexe intime et primaire dont on souhaite que ce ne soit pas la motivation de tous les votants car cela n’a rien à voir avec l’intérêt général. En principe, on fait une proposition politique, on prend une décision parce qu’on pense que c’est la meilleure solution – ou la moins mauvaise ! – pour son pays ou sa communauté.

Affirmer, dans l’affaire du Brexit par exemple, alors que l’imbroglio est total, que le vote du Parlement anglais est une « humiliation » pour M. Johnson, c’est se moquer a priori et des parlementaires et du premier ministre. Si les premiers n’ont d’autre but que d’humilier leur premier ministre, ils sont franchement stupides et ne se préoccupent pas de l’intérêt de leur pays, et si le premier ministre était « humilié » par un échec politique, il ferait mieux d’aller se reposer sur une île déserte. Qu’il soit déçu, c’est autre chose : un échec est rarement réjouissant pour celui qui le subit.

La liberté d’opinion et d’expression assurée par la démocratie – et dont la presse se prévaut à juste titre – postule une réflexion et une information et non pas un jeu de fléchettes. Elle ne confond pas le mépris de la personne avec l’humour.

 

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

15 réponses à “Pourquoi la presse aime-t-elle parler de gifle ou d’humiliation des politiciens?

  1. Tout le monde sait que l’homme politique auquel vous faites allusion qualifié d’être Intelligent formé dans les écoles anglaises les plus prestigieuses (payantes) a recouru de façon parfaitement calculée au mensonge dans sa campagne pour ce Brexit (je le tiens d’amis anglais universitaires vivant dans le Kent et le Surrey) passe avec juste 52% des suffrages exprimés. Alors la Démocratie, que je respecte, a de mon point de vue été bafouée (une fois de plus). Reconnaître aux mensonges et manipulations une valeur démocratique est une option politique détestable et condamnable. Désolé, mais la “gifle” des journalistes n’est finalement que le reflet timide d’une désapprobation politiquement correcte.

  2. Peut-être que cette expression s’applique lorsque les hommes politiques visés ont eux-mêmes cherché à humilier et “rouler leurs adversaires dans la farine”, ce que BoJo a effectivement fait dans cette histoire du Brexit (y.c. vis-à-vis de Mme May, pourtant du même parti que lui). Dans ce cas. on peut considérer que ce n’est finalement qu’un juste “retour de bâton”.

  3. C’est vrai, c’est anormal et pas acceptable. Se défouler ainsi sur des gens que l’on n’aime pas, mais qui ont néanmoins droit à autant de respect que les autres, est une forme de violence et de brutalité primaire à proscrire, en s’exprimant de façon plus appropriée pour parler plutôt en termes d’échec et/ou de défaite comme arguments à développer.

  4. Au clown Boris, il ne lui manque plus que le vélo à une roue. D’ailleurs c’est l’époque des clowns politiques. Les italiens en sont friands, il y en avait même un en Valais qui s’est recyclé dans le coaching politeux.
    Deux grandes dames politiques, May et Merkel se sont faites évincées comme de vieilles chaussettes, cherchez l’erreur.

    Mais la presse n’est plus là pour informer objectivement, mais pour servir leurs propriétaires (du Guardian au NYT, en passant par Le Monde et ce support, d’où mes craintes de soutien jusqu’à la fin de l’année).

    Il faut aussi comprendre que l’Angleterre est la tête de pont des US afin de ruiner l’Europe ou plutôt continuer à la dominer, comme l’étaient aussi sans doute les guerres du Moyen-Orient (et sans doute même l’ultimatum Juncker).
    Si on n’a pas compris ce paramètre, on n’aura rien compris au Brexit!

  5. J’aurais une autre question: pourquoi la ligne éditoriale d’un journal ne change jamais ? Un journal de gauche reste à gauche et les journalistes engagés (de droite) forcent le trait pour faire du socialisme. Un journal de droite reste à droite et les journalistes engagés (de gauche) forcent le trait pour faire du libéralisme.

    Pourquoi avons-nous nécessairement des journaux d’opinion ? et pas des journaux d’information. C’est horrible, mais RT France semble parfois présenter une ligne éditoriale plus objective (sauf bien sûr quand ils parlent de la Russie) que nos journaux si prestigieux… Sommes-nous contraints de vivre sous les opinions politiques de personnes qui se rêvent à changer notre style de vie ? ou pourrions-nous lire un journal d’information un jour ??

    1. une information sans sensibilité politique avouée ou non n’existe pas même chez un robot. Nous sommes des êtres humains qui chacun à travers nos paroles, nos écrits, nos gestes exprimons ce que nous pensons et ressentons.
      la pureté de l’information recherchée est une façon de masquer une tendance politique et de la rendre sournoise.

      1. C’est faux. La formation universitaire qui te conduit à devenir journaliste t’apprend à prendre du recul, à extraire les éléments objectifs et à les présenter… objectivement. Il suffit d’ailleurs de lire les dépêches de l’ATS – qui fait un travail remarquable – pour s’apercevoir que c’est possible. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les suisses font plus confiance à leur teletext (si si, il existe encore) qu’au JT ou aux journaux papiers.

        Mon problème n’est pas tant d’avoir une opinion que de la défendre en essayant de tromper le lecteur. A la limite, les éditorialistes ne me dérangent pas… car ils affichent que leur message est là pour nous “orienter” et nous influencer. Mais quand je lis un article, j’aimerais qu’on m’explique objectivement les enjeux et qu’on ne me cache pas les éléments qui vont contre “l’opinion” du journal.

        Je suis d’accord avec Dominic.

    2. À l’époque on n’attendait pas trop du journaliste qu’il donne son opinion sur les informations qu’il apportait, mais on souhaitait que celles-ci soient fiables, et il existait déjà des émissions enquêtant sur un sujet. Puis est arrivé le journaliste critique, ce qui pouvait être positif, à condition d’être intellectuellement honnête, partial, et capable de recul. Les meilleurs de la profession ont su donner à l’information une nouvelle dimension plus riche, mais quantité d’autres se sont jetés sur l’occasion et certains ont « réussi » en prenant une place démesurée, comme s’ils étaient les « maîtres de l’actualité ». Des présentateurs imbus de TF1 et A2 faisaient la course à la célébrité, récompensée par des salaires pharamineux. Puis les interviews où la personne invitée est traquée, sur un sujet secondaire monté en épingle. Le feuilleton des amours de François Hollande en est un exemple récent d’investigations sans fin, comme s’il s’agissait d’un extraordinaire événement politique, avec pour prétexte « le droit de savoir ». Tous ces efforts et ce travail de « journalisme » pour apporter du piment à la politique avec un air très sérieux : bien loin à mon avis de la démarche intellectuelle honnête et du respect d’un Darius Rochebin… Dans cette course à l’audience, TV ou journaux, n’importe quel imbécile tente de se faire une place en traitant l’actualité politique à la manière de faits divers, ou en émettant toutes les hypothèses possibles sur un événement sans disposer de la moindre information : La rencontre d’Ueli Maurer qui ne maîtrisait pas l’anglais, et le sourire aimable de Donald Trump, des banalités faisant l’objet d’une analyse ridicule et dérisoire parue dans Le Temps. Je ne comprends pas qu’une pareille tache a pu paraître dans ce journal dont j’apprécie la qualité régulière de ses articles. Également je suis fatigué du rédacteur ou de la rédactrice qui milite incessamment en répétant les mêmes messages, convaincu que la cause qu’il ou elle défend l’autorise à déployer ses banderoles à la tête du lecteur. Oui, je désire être informé, connaître les différents points de vue, ils peuvent même se recouper d’un article à l’autre, mais ce qui m’importune le plus c’est bien la présence de ces missionnaires qui campent pour donner leur discours une fois par semaine. Bien qu’en relativement petit nombre, leur insistance fatigue…

  6. Quelle place lui laisse-t-on aujourd’hui à la courtoisie ou tout simplement à la politesse ? Serait-ce le manque de vocabulaire ou la déliquescence de nos cultures qui seraient la cause de sa rareté ? Churchill définissait le tact ainsi : It is the abilit y to tell someone to go to hell and he looks forward to it. La dégradation de notre vocabulaire ne peut pas être sans conséquence sur notre communication et sur sa compréhension par son destinataire. L’avenir des négociateurs s’annonce compliqué…

    1. « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. » selon Clausewitz. L’inverse est aussi vrai : la politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens. Je pense même qu’à notre époque elle n’est plus que ça. Alors, la courtoisie…

      1. La courtoisie est une manière à mon avis de maintenir une possibilité de parler (de négocier, de faire des compromis) alors que l’objet de la discussion est horrible et les interlocuteurs sont des ennemis potentiels ou avérés.

  7. La tournure de phrase qui m’énerve le plus est: “le candidat malheureux” et les journalistes n’arrêtent pas de le rappeler et le répéter des années durant après une élection, bien que le “candidat malheureux” ait occupé dans l’intervalle un poste très prestigieux à la BNS par exemple…..

    “battu” n’est pas mieux – ça sonne comme ayant subi des coups de battons, ni “perdant”… ça fait looser. Une meilleure qualification serait “malchanceux” peut-être? hm……..c’est bien pire – comme s’il/elle attirait la poisse. Pour finir je commence à trouver “malheureux” un moindre mal.

  8. le vocabulaire agressif voire même guerrier envahit nos journaux et particulièrement les articles concernant le sport et la politique. Comment s’étonner que nous soyons dans les parlements ou dans les stades, échauffé -e-s par les commentateurs, toujours sur le point de passer à l’acte et d’en venir aux mains. Que dire de l’éducation politique et sportive que ce langage transmet aux jeunes générations!

    1. Mais le monde est en guerre et le language suit la société, autant multilingue que dans le ton…!

      La courtoisie était valable quand une poignée de main était un contrat.

      Mais à l’heure où l’on conteste même des contrats signés devant notaire, vous voyez bien que même le fair play britannique perd son flegme (fair play qui a toujours été un moyen de vaincre, entre les lignes et entre nous 🙂 )

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