Il y a unité de la matière et unité de la matière

La constitution fédérale exige, pour qu’une initiative constitutionnelle populaire soit valable, qu’elle respecte le principe de l’unité de la matière. A ce défaut, selon le texte même, elle est déclarée nulle par le Parlement. Ce dernier, on le sait, a des pudeurs de puceau et n’a pratiquement jamais le courage d’exercer son mandat (sauf éventuellement si l’initiative émane d’une très faible tendance politique : courageux, mais pas téméraire !). Et pourtant, la règle est très importante. En effet, la constitution pose les principes de base du fonctionnement de l’Etat et des rapports entre les citoyens et les autorités. Il est fondamental que ce cadre soit clair. Proposer dans la constitution une disposition qui contient deux idées à propos desquelles il est presque impossible d’avoir la même opinion, c’est placer le citoyen devant un choix dont le résultat entraînera une lecture impossible pour le législateur chargé de concrétiser la constitution. Le risque existe autant d’une mauvaise interprétation d’un OUI que d’un NON et la démocratie souffre toujours du moindre manque de clarté. Ces dernières années, maintes initiatives auraient dû être annulées.

Pas de principe de l’unité de la matière pour la loi

Le problème n’est pas du tout le même quand il s’agit d’une loi, c’est la raison pour laquelle celle-ci n’est pas soumise à l’exigence de l’unité de la matière. En effet la loi – toujours plus aisée à modifier que la constitution, et simple concrétisation des grandes lignes de la constitution – est avant tout pragmatique. A plus forte raison dans une démocratie de concordance comme la nôtre est-il essentiel de trouver une voie commune pour réaliser les buts ou tâches inscrits dans la constitution. Pour cela, la recherche de la solution la plus opportune est indispensable et le législateur a pour mission d’arriver à un résultat concret admissible pour le plus grand nombre. Le référendum facultatif apparaît comme le contrôle populaire de l’efficacité de la solution – parfois complexe – trouvée.

C’est exactement le cas de la RFFA

Certes, les « paquets » ne plaisent pas beaucoup aux citoyens qui doivent alors avaler souvent une couleuvre en plus du remède. Mais c’est précisément tout l’art du législateur. Et c’est aussi la grandeur du choix à faire lors du référendum. Est-il plus opportun d’accepter un inconvénient pour avoir un certain résultat ou faut-il au contraire tout rejeter ? Nous avons la chance exceptionnelle, en Suisse, sur le plan fédéral notamment, grâce au référendum facultatif, de pouvoir nous prononcer sur l’opportunité ou non d’une solution législative. La pesée du pour et du contre face à l’opportunité d’une solution législative qui ne pourra jamais être complètement satisfaisante rend l’exercice des droits politiques passionnant et met en évidence la responsabilité des citoyens dans la gestion de  leur avenir.

L’essentiel est de ne pas confondre mécanisme constitutionnel et fonctionnement législatif et le Parlement est parfois responsable de cette confusion quand il ne remplit pas son rôle face à une initiative constitutionnelle populaire qui viole l’unité de la matière.

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

Une réponse à “Il y a unité de la matière et unité de la matière

  1. Ceci dit, chère Suzette, vous n’avez pas tellement bon goùt de balancer trois posts avec le Palais Fédéral, en temps de deuil de “Notre Dame de Paris”, me permettrez-vous de le dire?

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