Une annulation humoristique

Le Tribunal fédéral vient donc d’annuler le scrutin relatif à la fameuse initiative PDC sur le mariage et la fiscalité des époux. Notre Cour suprême a prononcé semble-t-il cette annulation pour erreur grave d’information des citoyens relative aux conséquences fiscales de l’initiative. Une telle erreur, émanant des autorités fédérales, est assurément inadmissible, mais la situation ne manque pas de piquant car le Parlement aurait dû, lui, avant le vote, déclarer l’initiative nulle pour violation du principe de l’unité de la matière.

Nullité d’origine de l’initiative

Le texte de l’initiative concernait d’une part une définition du mariage comme l’union d’un homme et d’une femme ; cette définition d’origine sociologique, culturelle, historique, philosophique, éventuellement aussi religieuse, fait actuellement l’objet de discussions et est fortement contestée par certaines personnes.

La seconde phrase du texte concernait le traitement fiscal des couples mariés, sujet de nature financière à propos duquel une appréciation chiffrée des conséquences éventuelles du texte était importante. A cette difficulté d’appréciation s’ajoutait, pour cet alinéa, la problématique du traitement fiscal des couples en partenariat enregistrés, soumis, en droit suisse, aux mêmes règles que les couples mariés et non mentionnés dans l’initiative.

Il est évident que les deux sujets contenus chacun dans un  des deux alinéas ne concernaient pas les mêmes problématiques et qu’un Parlement à peine conscient de son devoir de respect de la constitution devait annuler le texte puis, ce qu’il peut faire, en proposer la scission en deux articles soumis à deux votes distincts. Comme il ne l’a pas fait, on ne pourra jamais savoir si l’initiative a été refusée en vote populaire parce que la majorité des votants refusaient la définition du mariage, ou parce que cette majorité était mal renseignée sur la conséquence fiscale du second alinéa. En imputant le résultat négatif à une mauvaise information relative au second alinéa, le TF a peut-être, avec beaucoup d’habilité et – qui sait, bien que ce ne soit pas la spécialité des juges de Mon-Repos – une pointe d’humour, sanctionné indirectement l’impéritie parlementaire.

La problématique mise en évidence par le Tribunal fédéral

Notre Haute Cour n’en a pas moins mis le doigt sur la problématique mainte fois soulevée par des partis politiques, de la portée et de la légitimité de l’information donnée par les autorités officielles qui interviennent dans la campagne avant une votation. Une sérieuse réflexion méritera d’être engagée sur ce sujet, en dehors de toute passion concernant la définition du mariage.

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

Une réponse à “Une annulation humoristique

  1. C’est une affaire étrange en effet.

    On peut penser que c’est créer un dangereux précédent que d’annuler une votation qui a eu lieu, quelle que soit la raison de l’annulation, car cela tend à donner à l’autorité judiciaire un pouvoir indu de casser une décision populaire. Mais c’est la tendance actuelle des juges de vouloir usurper le pouvoir souverain, qui dans notre droit appartient exclusivement au Peuple et aux Cantons. C’est une tendance extrêmement dangereuse et scandaleuse, une sorte de coup d’état, qu’il faut dénoncer et auquel il faut s’opposer énergiquement.

    Malheureusement, dans ce domaine, moi qui suit un grand fan de Suzette Sandoz j’avais été profondément déçu par elle quand elle avait plaidé, avec son autorité de professeur de droit et ex parlementaire, contre l’initiative dite des juges étrangers. J’avais même accuse madame Sandoz de “trahison” pour celà. Une accusation excessive pour laquelle je lui ai présenté mes excuses. Mais sa prise de position m’avait terriblement déçu.

    Enfin bon, le TF a jugé. Cette votation a été annullée. Si on ne veut pas que cette annulation soit purement “humoristique”, je ne vois pas comment on pourrait faire autrement que de faire revoter, et bien évidemment sur le texte exact et inchangé de l’initiative annullée. Le raisonnement est le suivant: Il y a eu fausse information officielle, faussant l’expression de la volonté des citoyen(ne)s. Il y a donc eu un vice du consentement. Il faut donc reposer la question, exactement la même question, en donnant cette fois une information correcte, faute de quoi on commettrait un nouvel abus encore plus grave et on s’arrogerait le droit de changer la volonté valable de plus de 100’000 signataires de l’initiative, forfaiture gravissime, encore plus grave que l’information biaisée donnée la première fois par les autorités dans la brochure du vote.

    Malheureusement je constate que l’on ne s’achemine pas vers cette issue logique. Certains semblent s’accommoder d’une décision humoristique du TF, puisqu’ils ne pensent pas qu’on doive revoter. D’autres pensent qu’on aurait le droit de retirer du texte de l’initiative un élément: la définition du mariage, qui gênerait l’adoption d’une mesure d’équité fiscale. Je suis désolé mais ces suggestions sont scandaleuses. C’est disposer à sa guise de la volonté des initiants. Cela n’a aucune justification.

    On peut bien dire comme madame Sandoz que l’initiative ne respectait pas le principe d’unité de la matière et qu’il aurait donc fallu l’invalider dès le départ. C’est un argument, mais je constate qu’on ne l’a pas fait, donc maintenant c’est trop tard. On ne peut pas le faire rétroactivement. Et en plus, il me semble qu’on vote souvent sur des textes qui ne respectent pas l’unité de la matière. Ce sera notamment le cas du prochain “paquet” fiscal RF + FA. Alors…

    Le fait que cette initiative comporte une définition, au demeurant parfaitement juste, du mariage, et que cette définition est contestée par les activistes LGBT, n’est pas un argument recevable pour dire qu’il ne faut pas revoter sur le texte complet. Il y a peut-être eu un peu de malice chez les initiants PDC de glisser par la bande une définition du mariage dans une initiative fiscale, pour obtenir ainsi une décision préjudicielle sur la question du “mariage” des homosexuels. C’était peut-être une mauvaise idée, mais cela a été fait et l’initiative a été déposée valablement munie des 100’000 signatures. Si l’on respecte nos institutions il faut donc a) que le peuple puisse se prononcer et b) qu’il le fasse sur le texte de l’initiative (après rectification des fausses informations de la campagne qui ont causé l’annulation par le TF). Et non sur un texte modifié (de quel droit? par qui? et selon quels critères?)

    Le débat sur la définition du mariage DOIT donc impérativement avoir lieu, en même temps qu’un nouveau vote sur la question de l’équité fiscale des couples mariés.

    Selon moi, chère madame Sandoz, vous devriez maintenant défendre la position que je me suis efforcé de développer ci- dessus et vous devriez vous préparer, avec vos amis et supporters, vous qui avez toujours eu beaucoup de courage pour défendre la famille traditionnelle, à transformer la campagne sur cet objet en référendum pour ou contre le mariage des homosexuels.

    Qui sait? si l’on pose politiquement la question en ces termes: en demandant aux gens d’accepter l’initiative, aussi, pour trancher la question du mariage homo en réaffirmant la seule définition possible (à mon avis) du mariage, on peut gagner. Saisissons donc la perche que nous tend, humoristiquement ou pas, le TF.

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