Y a-t-il un lien entre mai 68 et « le printemps des despotes », titre de l’éditorial de Frédéric Koller dans le Temps du 20 mars ? Formulée autrement, la question peut être : Y a-t-il un lien entre « il est interdit d’interdire » (mai 68) et « j’aime tout interdire » (rêve du despote) ? La réponse est affirmative, parce que, dans les deux cas, cela correspond au principe : « Fais ce que voudras ». Il n’est simplement pas appliqué aux mêmes personnes !
L’utopie de l’abbaye de Thélème
« Fais ce que voudras », tel était le principe de l’abbaye de Thélème du Gargantua de Rabelais. Mais l’abbaye ne réunissait que des personnes – au demeurant peu nombreuses – de même éducation et culture qui respectaient spontanément les mêmes règles de politesse et de vie en société. Il n’était pas nécessaire d’y interdire quoi que ce soit parce que les normes étaient spontanément déterminées et respectées. C’était une utopie.
Mai 68 n’a évidemment rien de l’abbaye de Thélème. C’était une manifestation anarchiste de semi-rêveurs, parfois drogués, manifestation récupérée politiquement à de nombreux niveaux par des mouvements bien organisés, eux, qui savent que le sentimentalisme douçâtre (faites l’amour et non la guerre) parle agréablement aux foules. Il est aisé de domestiquer les moutons de Panurge quand on les berce d’une mièvre tendresse. Et ça a marché et ça marche encore mieux aujourd’hui grâce aux réseaux sociaux. Mai 68 avait sonné le glas de la raison pour chanter l’anarchie sentimentale ; aujourd’hui, les réseaux sociaux flattent les pulsions au détriment de la maîtrise de soi. Ces nouvelles sources de pollution répandent à la vitesse grand V les éructations les plus primitives et parfois les plus violentes qui sont très contagieuses. Le despotisme se fortifie de cette anarchie sentimentale de masse.
Une société fragilisée par les passions qui favorisent le despotisme.
Comme le dit Frédéric Lenoir, se référant à Spinoza : « Aucun régime politique, même démocratique, ne fonctionnera bien tant que les humains seront davantage mus par leurs passions que par leur raison. Tant que nous ne respecterons la loi de la cité que par peur de la punition et non par intime conviction, nos sociétés seront fragiles » (Le miracle Spinoza, p. 179). Voilà une description parfaite de notre société actuelle. Les interdictions policières et, dans certains pays, les despotes, se multiplient, au fur et à mesure que les habitants obéissent plus à leurs passions et à leurs pulsions qu’à la raison. Seule la peur du gendarme (caméras de surveillance un peu partout, multiplication des amendes d’ordre, des menaces pénales, des interdictions de toutes espèces) semble protéger chacun des déprédations et des violences. Il est certainement encore temps de réagir, mais il faut faire vite. Si seulement Mai 2018 pouvait être l’amorce du changement ! A bas Mai 68 !
Vous avez raison,Mme Sandoz,la societé actuelle est mue plutôt par les passions que par la raison,la Suisse y comprise.C’est pour ça que le premier parti de la Confédération,depuis quelques législatures c’est le pendant suisse du Front National de la France voisine,et il va rester comme ça quelques decennies,au minimun.Pour ne pas dire que,dans la Suisse fière de sa democratie directe,le tout premier parti c’est l’Abstention,avec la MAJORITÉ ABSOLUE DE PLUS DE 50%
Cela étant dit,il faut souligner que votre parti ,PLR,rejoint volontiers le “Front National Suisse” parce que à la fin,et les historiens sont plutôt d’accord sur ce point,la Suisse de Guillaume Tell n’est qu’une Nation Volonté…économique (le terme c’est à moi,pas tous les historiens s’y rallient)
Au lieu de conforter des “majorités bourgeoises” (pour cet interêt économique)avec l’UDC populiste(donc,qui table sur les “passions” que vous dénoncez),vous pouvez aussi suggérer au PLR qui,d’une façon très nette,dénonce à son tour ces “passions” dont il profite,en se rallient à l’UDC,pour méner à bien des projets,au Conseil National,comme celui qui vient de approuver une coupure dans les prestations complementaires,plutôt aux plus démunis.
Mai 68 est à mon sens une catastrophe que l’on n’a pas fini de payer, tout comme le 29 mai 1453, le 14 juillet 1789 et février-octobre 2017.
Mais je suis la vox clamantis in deserto comme d’habitude.
Non, non, cher Me Santschi. Beaucoup de gens sont d’accord avec vous.
Simplement depuis 1789, on fait tout pour donner l’impression que les gens qui pensent comme vous et moi ne sont qu’une minorité de nostalgiques qui se refusent aux évolutions inéluctables du sens de l’histoire. Pourtant ce n’est pas le cas. A aucun de ces moments révolutionnaires, la révolution n’a eu le soutien de la majorité. Le processus révolutionnaire est toujours mené par des petites minorités agissantes, violentes, qui savent imposer leur volonté contre les sentiments de la majorité. Et c’est encore le cas aujourd’hui.
Ceci dit, dans les dates que vous énumérez vous avez oublié 1848. Bien sur, en Suisse le résultat de 1848 a été assez réussi. Mais c’était du surtout au génie helvétique et il ne faudrait pas oublier la continuité entre 1789, 1848 et 2017 (ainsi que 1968 bien entendu). N’oubliez pas que le Manifeste du parti communiste de Marx a été écrit en 1847 dans le cadre de la préparation d’une grande révolution européenne pour l’année suivante, et publié en février 1848.
Enfin, si le 29 mai 1453 est la prise de Constantinople par les Ottomans, que s’est-il passé de spécial de février à octobre 2017, qui vous fasse accorder à ces mois une importance égale à 1789 et 1917? Faites-vous allusion aux commémorations de la révolution russe?
diable ! J’ai écrit 2017 au lieu de 1917 !
Il faut croire que l’événement m’a durablement traumatisée !