Maîtriser la technique pour éviter l’esclavage.

« Digitalisation, intelligence artificielle », ces mots étranges évoquent un monde où le pouvoir pourrait être concentré entre les mains de quelques-uns, les autres étant ignorants ou trop pauvres ou encore trop gavés de plaisir.

L’esclavage par le gavage de plaisir

L’addiction culturellement et humainement catastrophique engendrée par les smartphones et autres moyens techniques est évidemment le truc le plus efficace pour assurer l’extension de l’empire financier et mondial de quelques génies. Leur premier trait de génie, d’ailleurs, est de se rendre indispensables au « plaisir » d’innombrables personnes pour faire oublier que l’homme n’est pas au service de la technique. Il doit en rester exclusivement le maître s’il ne veut pas tomber dans l’esclavage. Le lancement de « petits jeux » ou l’appât de la gratuité – momentanée ! – pour inciter à l’acquisition ou à l’utilisation de moyens techniques par le plus grand nombre de gogos possible est analogue à un commerce de drogue. Et pendant que des milliers d’esclaves potentiels tombent dans le piège de la modernité-plaisir, les big data tissent une toile d’araignée dont il n’est pas du tout garanti qu’elle ne soit utilisée que pour le bien de l’humanité !

Développer l’esprit critique et la volonté de maîtrise

Quelle invention humaine est dépourvue de risque d’effets négatifs ? Aucune. C’est lié à la nature humaine elle-même, puisque celle-ci n’est pas que bonne et n’est pas non plus infaillible. Plus que jamais l’école, la culture générale, la formation professionnelle ou universitaire doivent faire acquérir le sens de la relativité des choses. Le but n’est pas de refuser toute nouveauté, toute recherche, tout changement, mais simplement d’enseigner une distance par rapport à ce que l’on nomme très vite « progrès ». Il s’agit aussi de procurer les clés permettant de comprendre les mécanismes techniques. Ces clés n’impliquent pas forcément la compétence pratique, mais la capacité d’appréhender les conséquences, donc de chercher à les éviter ou à les maîtriser.

La vraie liberté ne consiste pas à refuser a priori le changement mais à être capable d’en évaluer les avantages et les inconvénients afin d’en rester maître.

 

 

 

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

3 réponses à “Maîtriser la technique pour éviter l’esclavage.

  1. J’ai lu avec intérêt votre article mais souhaitais cependant faire une remarque concernant l’emploi de l’anglicisme « big data ». En effet, il serait plus correct d’utiliser « mégadonnées », employé quotidiennement dans la presse francophone internationale :
    https://www.google.ch/#q=mégadonnées&tbm=nws

    Cela aurait donné la phrase suivante :

    « (…) les mégadonnées tissent une toile d’araignée (…). »

    De même, attention au sens de l’adjectif « digital » ! En effet, ce dernier ne s’applique en français qu’aux doigts (des empreintes digitales). Dans le domaine des nouvelles technologies, c’est l’adjectif « numérique » qu’il convient d’utiliser, ce qui aurait donné la phrase suivante :

    « « Numérisation, intelligence artificielle », ces mots étranges évoquent un monde (…). »

    Je profite de l’occasion pour vous transmettre le lien du grand dictionnaire terminologique (qui contient tous les équivalents français des anglicismes) :
    http://www.granddictionnaire.com

  2. Vous avez raison. Mais, depuis toujours, l’esclavage sous toutes ses formes vient de la soif de profit et de domination. L’homme reste fondamentalement un loup pour l’homme, “Homo homini lupus est” selon l’antique adage des Romains, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Cela reste vrai même dans la modernité, où les technologies ne sont pas des panacées. Seules la démocratie, une bonne éducation et instruction, des familles équilibrées et aimantes ainsi que des perspectives réellement porteuses d’avenir ont des chances d’affranchir efficacement et durablement l’humanité de ses dépendances et faiblesses. Pour le moment, ça reste hélas une belle et assez lointaine utopie, même dans les pays développés.

  3. Chère Suzette, je vieillis ( ou mûris ! ) mais j’apprécie beaucoup les sujets de société que tu abordes et te suis volontiers ! Comme aujourd’hui lorsque je lis, avec quelque retard, ton article sur la maîtrise de la technique.
    J’ai toujours pensé que ce qu’on qualifie de « progrès » au sens de la technique ou de la science, très porteurs actuellement, devaient être cadrés par une approche critique empreinte de considérations humanistes. Et l’education ( familiale ..? selon un de tes lecteurs) scolaire, au sens large comme tu la désignes, doit donner les clés pour mieux maîtriser les conséquences de ce que l’on qualifie de « progrès ».

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