Les comités d’éthique, bénis oui oui de la technique?

Le Temps du 16 décembre nous informe que le « comité d’éthique britannique » vient d’autoriser les bébés conçus avec 3 ADN, c’est-à-dire « combinant les ADN de deux femmes et d’un homme ». Il est évident que le but en est louable, puisqu’il s’agit « d’éviter la transmission d’une maladie héréditaire maternelle ».

Le désir d’enfant est parfaitement légitime et honnête, mais on ne peut faire l’économie à ce sujet d’un certain nombre de questions :

1) Ce désir implique-t-il le droit de demander que son enfant soit l’objet d’un bricolage préalable dont on ne peut qu’ignorer les effets physiques et psychiques qu’il pourrait avoir sur le bébé-assemblage-d’ADN qui en résulterait ?

2) Quelle femme est la mère de l’enfant ?

3) Le bébé-bricolage ainsi obtenu est-il l’objet d’une garantie de qualité de la part des bricoleurs ?

4) Quid si ledit bébé se révèle, après la naissance, atteint de défauts ou de faiblesses qui n’avaient pas été prévus ? Peut-on l’échanger ? A-t-on le droit de l’abandonner ou de le jeter ?

5) En cas de défaut, actionnera-t-on en dommages-intérêts le ou les donneurs d’ADN ou encore le médecin-bricoleur ?

6) A quand le bébé bricolé avec l’ADN de deux hommes et d’une femme, voire bricolé avec les ADN de X hommes et femmes, afin d’être sûr qu’il n’aura aucune maladie ?

7) Quelle est la référence éthique du comité qui a donné son autorisation à un acte aussi irresponsable? Du médecin qui se livrera à une telle activité ? Des parents qui manquent autant de respect de l’identité de leur enfant ?

Quand on y réfléchit, on se demande vraiment à quoi peut bien servir un comité d’éthique !

Le 16 décembre 2016

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

Une réponse à “Les comités d’éthique, bénis oui oui de la technique?

  1. Chère Madame,
    je comprend que les méthodes génétiques puissent effrayer dans la mesure où elles touchent au système qui est à la fois responsable de la transmission des traits biologiques et du développement des organismes. Cela confère sans doute à ces méthode une aura de puissance, c’est à dire d’un grand potentiel, aussi bien bénéfique que maléfique.
    Il faut toutefois garder à l’esprit que d’une part, les manipulations génétiques sont encore plutôt limitées: on ne peut agir que sur un petit nombre de cellules, ce qui fait que la modification des gènes d’un individu ne peut se faire qu’a travers ses cellules germinales. Même ainsi, ces manipulations sont délicates et sévèrement limitées. C’est pour ces raisons que les fameuses thérapies géniques, qui permettraient de lutter contre les fameuses maladies génétiques peinent à tenir leur promesses.
    D’autre part, et de manière plus pertinente pour le problème qui nous occupe, bien que touchant à des systèmes sensibles, les méthodes génétiques, comme toutes méthodes scientifiques, ont une certain degré de fiabilité: on est capable de prédire les effets de certaines manipulations et la fiabilité de ces prédictions peut être estimée au même titre que toutes les autres méthodes scientifiques.
    Dans votre article, vous partez de l’hypothèse que le traitement en question est un bricolage appliqué à des foetus humains. Partant, vous jugez que les comités d’éthiques ne font pas leur travail. Permettez moi donc d’essayer de vous rassurer, ainsi que vos lecteurs, en affirmant que votre jugement et l’hypothèse sur lequel vous l’appuyez ne sont pas justifiés.
    Les mitochondries malades que l’on remplace dans l’ovule à féconder par ceux de l’ovule d’une femme ne portant pas la maladie, ne contiennent qu’une petite quantité d’ADN lié à leur propre fonctionnement (par ailleurs très important pour la bonne santé d’un organisme puisque la mitochondrie est l’organelle qui produit le “gasoil” cellulaire à partir des nutrients). L’ADN mitochondrial ne joue pas de rôle dans le développement de l’organisme (si ce n’est en permettant le bon fonctionnement de la mitochondrie), il est distinct (fonctionellement et spatialement) de l’ADN chromosomal qui pilote le développement.
    Ainsi, parmi les quelques techniques que la génétique actuelle nous permet, le remplacement des mitochondries dans une cellule est probablement parmi les interventions les plus bénignes que l’on puisse imaginer. On touche à la périphérie de la périphérie du génome. Les potentiels effets imprévisibles de ce genre de méthodes sont très restreints et les jugements portants sur leur fiabilité en sont d’autant plus robustes.
    Les comités d’éthique on pour tâche d’estimer la dangerosité des méthodes employées et de juger si les bénéfices escomptés valent la peine de courir un risque, qui certes, n’est sans doute jamais nul mais qui peut être suffisemment faible et improbable pour ne pas avoir à s’en effrayer. Il me semble que le fait qu’il s’agisse de manipulation d’ovocites humains est sans doute une raison suffisante pour placer la barre très haut mais pas néanmoins pour la placer si haut qu’aucune manipulation ne soit justifiable.
    Votre manière de qualifier ces méthodes de bricolage sans autre forme de justification suggère soit: 1. que la fiabilité de la génétique est indistinctement faible a priori, ou 2. que si ce n’est pas le cas, lorsqu’il s’agit de manipulation d’ovocites humains, aucune méthode ne saurait être suffisemment sûre. Dans un cas comme dans l’autre, vous niez en fait que la question soit de la compétence d’un comité d’étique puisque soit la dangerosité de la génétique ne se prête pas à évaluation, soit les ovocites humains sont si sacrés que l’on ne peut y toucher. Dès lors, on comprend pourquoi vous jugez que les comités d’éthique sont inutiles. Par ailleurs, si l’on admet que les ovocites ne sont pas sacrés au point de ne pouvoir jamais être manipulés. On peut se demander si ce n’est pas plutôt vous qui n’avez pas fait votre travail d’éthicienne, en vous exprimant ainsi à propos de la justification d’une méthode, sans avoir approfondi la question de ses risques et sa fiabilité.

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