L’élection à la proportionnelle tuée par l’ego des candidatss

Lors de ma première campagne au National, en 1987, où je n’ai d’ailleurs pas été élue, la majorité des partis présentait chacun en général une liste unique, comptant autant de candidats qu’il y a de sièges à repourvoir et nous avions bien le sentiment, entre candidats, de tirer à la même corde. On ne mettait de sa poche qu’une modeste cotisation de parti. Il y avait d’ailleurs un vrai programme de parti et même si on n’était peut-être pas d’accord avec un élément ou un autre dudit programme, on en défendait les valeurs de base et les lignes de force. D’ailleurs, c’est là la raison d’être des partis politiques en démocratie. Ils permettent d’ordonner les lignes de force politique afin d’éviter l’anarchie et de limiter les abus individuels. On notait cependant déjà qu’un parti ou un autre, dans un canton, ici ou là, pratiquait la présentation individuelle des candidats d’une liste, avec groupe de soutien personnel.
Des candidats rivaux sur une même liste ; très peu d’idées
Hélas ! Cette méthode détestable a commencé à faire florès dès 1991 pour le Conseil national et n’a qu’empiré depuis lors, gagnant également les élections cantonales.
L’habitude s’est donc prise, contre l’intérêt de la représentation proportionnelle, contre la notion même de loyauté partisane et de loyauté à l’équipe en liste, de faire campagne individuellement. Il faut se chercher un groupe de soutien, des fonds – les partis eux-même n’ayant plus qu’une mise de fonds de base à faire pour quelques prestations générales. Je me suis toujours refusée à payer de ma poche pour être élue, car le vote ne s’achète pas. Mais je ne saurais dire à quel point une campagne au National, devenue campagne individuelle, perd de sa saveur et de sa valeur démocratique. Les candidats sont des rivaux les uns par rapport aux autres ; c’est à qui aura le meilleur groupe de soutien, récoltera le plus de fonds, s’offrira le plus d’affiches, et autres colifichets. Les candidats au Conseil national n’indiquent même pas les noms de leurs autres colistiers sous leur binette. Ils oublient d’inviter à voter pour tel et tel au Conseil des Etats. On ne sent aucun esprit de groupe, aucune chaleur, aucun intérêt commun : c’est moi, ma petite affiche, mon succès, mon groupe et mon repas de soutien, mon argent, mon siège. Il y a très peu d’idées.
Il n’est pas nécessaire de publier les budgets des partis
Ce qui importe, ce n’est pas de publier les budgets de campagne, c’est d’en revenir à des campagnes dans un vrai esprit de groupe d’un parti, afin de chercher à transmettre des idées plutôt qu’à flatter des « ego ». La bonne gestion du pays y gagnerait et il se pourrait même qu’on voie diminuer le nombre de lois votées !

Le 5 octobre 2015

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.