un test de courage politique pour les nouveaux élus

Si l’initiative populaire fédérale pour la souveraineté alimentaire publiée dans la Feuille fédérale du 30 septembre 2014 parvient à récolter les 100.000 signatures nécessaires d’ici au 30 mars 2016, dernier délai, les parlementaires élus cet automne auront l’occasion de tester leur courage politique en la déclarant nulle pour défaut d’unité de la matière.

Un vice évident
Rarement vice aura été plus évident. Le texte propose en effet d’introduire dans la constitution fédérale un nouvel article 104c, comportant au minimum 10 buts totalement différents les uns des autres, tels, par exemple, que : un approvisionnement indigène en denrées alimentaires prépondérant, mais ménageant simultanément des ressources naturelles, une augmentation du nombre d’actifs dans l’agriculture, la garantie du droit à l’utilisation, à la multiplication, à l’échange et à la commercialisation des semences par les paysans, l’interdiction des organismes génétiquement modifiés, la création d’organisations paysannes, le développement des échanges commerciaux directs entre paysans et consommateurs, l’harmonisation des conditions de travail des salariés agricoles au niveau fédéral, le prélèvement de droits de douane sur les produits agricoles, la régulation des volumes d’importation, l’interdiction de subventions à l’exportation de produits agricoles, etc…
On ne saurait trouver meilleure illustration d’un texte incompatible avec la règle de l’unité de la matière, ce qui est peut-être dommage car toutes les idées ne sont pas mauvaises. Mais au cas où les malheureux initiants auraient pris l’avis d’un juriste, on peut évidemment leur signaler que ce n’était probablement pas le bon !

Les candidats aux élections d’octobre auront-ils du courage ?
La dérive des droits politiques est un phénomène inquiétant car c’est une menace considérable de la démocratie. Espérons que les parlementaires élus en octobre seront à la hauteur de la tâche qui les attend. On pourrait concevoir de leur poser la question pendant la campagne, à moins que les auteurs de l’initiative n’aient – pris d’un sursaut de lucidité – décidé de retirer prochainement leur texte et de renoncer à poursuivre la récolte de signatures.

11 septembre 2015 Suzette Sandoz

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.

2 réponses à “un test de courage politique pour les nouveaux élus

  1. Chère Madame Sandoz, je vous donne entièrement raison. Le principe d’unité de la matière (l’une des très rares conditions imposées aux initiatives populaires) impose aux initiants de ne poser au peuple qu’une seule question à la fois. Le Parlement fédéral a fait preuve d’un grand laxisme dans l’application de l’unité de la matière : seules deux initiatives ont été invalidées pour cette raison depuis 1891 !
    Ce laxisme est l’un des problèmes dénoncés par Avenir Suisse dans sa récente étude sur L’initiative populaire .
    Si le Parlement ne se ressaisit pas et ne pratique pas un contrôle plus rigoureux, alors il faudra confier le contrôle des initiatives populaires à une autre autorité (Chancellerie fédérale ou commission spécialisée), avant la récolte des signatures.

    1. C’est un peu tardivement, cher Monsieur, que je réponds à votre aimable commentaire. Je me laisse peu à peu apprivoiser par une technique informatique que vous possédez certainement déjà.-
      Croyez à mes sentiments les meilleurs.
      Suzette Sandoz

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