Manque-t-on vraiment de femmes au Parlement fédéral?

A chaque époque électorale est entonnée la même antienne : il faut plus de femmes sur les listes, il faut voter femmes, et les mouvements féministes se mettent en branle.

Les partis politiques sont évidemment les premiers concernés puisqu’ils doivent constituer leurs listes de candidats. Certaines années, on voit fleurir, sous une même couleur, une liste « hommes », une liste « femmes », une liste « jeunes », ou une liste de candidats de quelque autre spécificité. De savants calculs permettent de penser que cela augmente les chances de succès du parti concerné.

A notre avis, cela dénote d’abord l’incapacité d’avoir une notion d’ensemble en politique, puisqu’il faut pratiquer une sorte de communautarisme du sexe, de l’âge ou de la passion pour arriver à « s’en sortir ». Je déteste cette forme de ségrégation électorale qui équivaut en fait à refiler aux citoyens le soin, à la place des assemblées des partis, d’opérer le choix des candidats, en nombre légalement limité, à mettre sur une seule liste claire. C’est incontestablement une déresponsabilisation des partis et une perte de capacité d’affronter la dure règle de l’échec électoral.

Pour avoir vécu des assemblées générales de désignation de candidats de tous âges, de toutes professions et des deux sexes (sur une liste unique), je sais ce que signifie le choix de l’assemblée quand il y a plus de candidats que de sièges. Ce choix est une épreuve pour le ou les candidats non désignés mais aussi pour le parti qui devra sans doute réparer des « pots cassés » et guérir des susceptibilités froissées quand celles-ci ne deviennent pas alors, par dépit parfois, des transfuges vers d’autres formations politiques.

Mais revenons aux femmes.

Parlons clairement ! Il est difficile d’être épouse, mère de famille d’enfants mineurs, d’exercer une activité professionnelle et d’y ajouter un mandat politique. Certes, les grands-parents peuvent être mis à contribution, mais ils ne sont pas toujours disponibles ou présents et – entre nous – ils peuvent parfois avoir envie de faire autre chose que de recommencer le travail déjà accompli avec leurs propres enfants. Quant aux crèches, à ma connaissance, on n’y reste que de jour!
Hé bien, direz-vous, avec l’égalité, que les maris prennent leur part au lieu de se consacrer à cent pour-cent à leur activité professionnelle, voire à leur(s) mandat(s) politique(s). Les choses ne sont peut-être pas aussi simples que cela. Certaines activités professionnelles impliquent des déplacements, voyages, une disponibilité particulière etc… Et tous les hommes n’ont pas encore pris l’habitude de choisir leur profession en fonction de l’activité politique éventuelle de leur future épouse. Alors que, on le sait, un certain nombre de femmes se préoccupent aujourd’hui encore de la manière dont, en cas de mariage, elles pourraient concilier ne fût-ce que vie de famille et carrière professionnelle et, de ce fait, excluent un mandat politique. Leur choix est d’autant plus honorable qu’elles déchargent peut-être ainsi la société de la charge de s’occuper partiellement de leurs éventuels enfants.

Alors pour conclure…
Il est excellent et souhaitable qu’il y ait des femmes aux Chambres fédérales, et dans tous les partis, car elles apportent la manière de voir les choses et de réagir propre à une moitié de la population. Mais foin du fétichisme du nombre ! Celui-ci n’a jamais garanti ni la qualité ni l’efficacité. La réalité le prouve !

Suzette Sandoz

Suzette Sandoz est née en 1942, elle est professeur honoraire de droit de la famille et des successions, ancienne députée au Grand Conseil vaudois, ancienne conseillère nationale.