Repérer les signaux d’alerte du suicide

Débutée le 10 septembre, Journée mondiale de prévention du suicide la campagne de STOP SUICIDE vise à informer et sensibiliser sur les signes avant-coureurs d’une crise suicidaire. Quels sont ces signaux d’alerte ? Comment peut-on aider une personne dans cette situation ? Laure Bacchiocchi et Sarah Gutierrez Barrios, actuellement en stage à STOP SUICIDE vous présentent ces enjeux.

 

Quand on est en proie à un mal-être profond, il est souvent difficile d’oser en parler, parfois
par honte, par peur d’être jugé ou de créer une gêne. Dans cette situation, c’est souvent un grand soulagement quand quelqu’un tend la main, ouvre un espace pour en parler. C’est la première étape pour sortir d’un moment difficile et éviter que le mal-être s’aggrave.

La majorité des personnes qui vivent une période de crise manifeste leur souffrance d’une manière ou d’une autre. Dans le cas où l’on n’ose pas aborder le sujet directement il existe des “signaux d’alerte” révélateurs de ce mal-être. Ces signaux peuvent être subtils et difficiles à repérer, et la personne concernée tente parfois de dissimuler ces signes ou ne les montre que face à certaines personnes, qui ne font pas forcément partie de son entourage le plus proche.

En tant qu’ami.e, proche ou encore collègue de travail, apprendre à repérer ces signaux d’alerte est important pour la prévention, car cela permet de déceler le mal-être et pouvoir ensuite proposer de l’aide.

Un signal d’alerte, qu’est-ce que c’est ?

Souvent confondus avec les facteurs de risque, les signaux d’alerte peuvent se présenter comme une notion floue. Il est donc important de revenir sur ce terme et de le définir, afin de comprendre son importance.

Lorsqu’il est question de suicide, les signaux d’alerte ont tendance à être un mélange entre des signes observables par autrui et des symptômes explicités par la personne elle-même. En d’autres termes, les signaux d’alerte sont d’une part observables, et de l’autre ils sont subjectifs, car ils vont dépendre de chacun.e et varier en fonction des habitudes particulières d’un individu (GRPS, 2017).

Dès lors, la principale caractéristique des signaux d’alerte pourrait être présentée comme l’augmentation du risque suicidaire d’une personne à un court terme. Comme le souligne l’étude de D. Rudd (2008), les signaux d’alerte permettent avant tout de se poser une question essentielle : “Qu’est-ce que la personne est en train de faire (signes observables) ou d’exprimer (symptômes) qui pourraient laisser penser qu’elle a un risque de se suicider dans les prochaines minutes, heures, voir jours ?“.En résumé, les signaux d’alerte sont donc des signes qui sont détectables et indiquent une situation de mal-être qui pourrait s’aggraver et augmenter les risques de suicide à court terme.

 

A quels signes faire attention ?

Comme expliqué précédemment, les signaux d’alerte sont principalement subjectifs : ils peuvent varier selon le tempérament et les habitudes de chacun.e. Il y a donc un signal “général” qui est d’avoir l’impression de ne plus reconnaître la personne, et que ces changements prennent le pas sur sa vraie personnalité.

Pour faire connaître ces signaux et aider chacun.e à savoir les repérer, cette année la campagne de STOP SUICIDE met l’accent sur six signes spécifiques de mal-être, identifiés et reconnus dans la littérature scientifique (GRPS, 2017 ; Rudd et al., 2006 ; Jehel et al., 2016), auxquelles nous pouvons tou.te.s être attentif.ve.s.

• Sommeil
Une altération de la quantité ou de la qualité du sommeil peut être révélatrice d’un malêtre. Une fatigue permanente ou un manque de sommeil peuvent signifier qu’on trouve du réconfort dans cette forme “d’absence au monde” ou qu’on est trop préoccupé.e pour arriver à dormir.

• Isolement
S’isoler du monde social en évitant le contact avec autrui, que ce soit dans la réalité ou dans le monde virtuel, peut également être un signe de mal-être. Annuler à répétition des rendez-vous, se retirer des réseaux sociaux ou au contraire y passer tout son temps, éviter le contact avec ses amis, sa famille et ses proches sont des éléments qui peuvent alerter.

• Appétit
Des changements dans les habitudes alimentaires peuvent être un symptôme physique du mal-être intérieur. Cela peut s’exprimer de différentes manières, par une perte d’appétit, par exemple, ou au contraire par un besoin de se nourrir en permanence. Il est possible aussi d’observer une perte ou une prise de poids.

• Changement d’humeur
Les sautes d’humeur qui semblent déplacées ou disproportionnées sont un indice de mal-être. Revenir soudainement à la sérénité peut aussi être inquiétant : c’est parfois le signe qu’un « plan suicidaire » a été établi.

• Consommation de substances
La consommation d’alcool et de stupéfiants de manière répétée, abusive et inhabituelle est une manifestation typique de mal-être.

• Perte d’intérêt
Se distancier de ses centres d’intérêt et des activités qui procurent habituellement du plaisir révèle une profonde démotivation, qui peut aller jusqu’à l’abandon des études et de ses projets d’avenir.

Il arrive aussi que quelqu’un exprime son mal-être et ses pensées suicidaires d’une façon détournée. Par exemple, « Vous serez bientôt débarrassés de moi », « Je ne sers à rien », « J’ai envie de disparaître ». Il vaut mieux ne pas minimiser ces phrases lorsqu’elles surviennent car la personne qui les prononce peut être gênée d’aborder le sujet et ne parvient pas à exprimer plus directement ses pensées suicidaires. Il est donc important de les prendre au sérieux et saisir l’occasion d’en parler, plutôt que de chercher à dédramatiser la situation en évitant le sujet.

 

Comment agir ?

Au cours d’une vie, tout le monde connaît un jour où l’autre des moments difficiles et il se peut que des signaux se manifestent sans qu’il ait lieu de s’inquiéter. La question est donc de savoir quand est-il nécessaire de s’alarmer ? De manière générale, ce sont lorsque les signaux d’alerte s’accumulent, prennent de l’ampleur, s’installent dans la durée et commence à entraver la vie quotidienne qu’il est essentiel d’intervenir.

Il y a plusieurs manières d’aider un proche en situation de mal-être. L’ouverture au dialogue, l’intérêt pour l’autre et, principalement, l’écoute sans jugement sont des façons d’être présent et de montrer que la personne est importante pour nous.

Montrer son soutien par diverses actions, tels que des petites attentions, en proposant une activité ou simplement en prenant régulièrement des nouvelles, sont des manières d’exprimer son amour et présence pour l’autre. Il faut aussi oser parler franchement de mal-être et de suicide. Ouvrir la discussion sur ce sujet va permettre à la personne de soulager sa souffrance et de trouver un terrain de confiance pour se confier.

Il est aussi important de lui montrer qu’elle a des ressources personnelles qui peuvent l’aider à surmonter un moment compliqué. Chacun d’entre nous a, sinon une passion, au moins une activité qui permet de laisser de côté ses problèmes pour un moment en se concentrant sur autre chose. Sport, musique, dessin, couture, théâtre ou jeux de société, nous avons tous notre petit paradis à nous. Aider l’autre n’est donc pas seulement montrer qu’on est là pour lui, mais aussi lui montrer qu’il peut être là pour lui-même en se ressourçant dans ces diverses activités.

 

Prendre soin de soi

Soutenir un.e proche en souffrance peut être difficile émotionnellement. Il est donc essentiel d’être attentif.ve à nos ressentis et à nos limites. Il est donc important de ne pas rester seul.e dans cette situation et de trouver de l’aide auprès de ressources professionnelles. Il en existe plusieurs en Suisse romande, il est possible de faire appel à elles soit pour la personne qui vit elle-même une crise, soit pour avoir des conseils et du soutien si on fait partie de l’entourage.

En-dehors des services hospitaliers, la ligne 143 (La Main Tendue pour les adultes) et celle
147 (ProJuventute pour les jeunes) proposent une écoute et des conseils tant aux personnes
en détresse qu’à leurs proches. Les deux numéros sont disponibles 24h/24 et 7j/7, de manière anonyme et gratuite.

 

Liens

 

Références

STOP SUICIDE

En 2000, un jeune collégien genevois se suicide. Face à cette tragédie des étudiant.e.x.s organisent une marche silencieuse et décident à l’issue de celle-ci de fonder l’association STOP SUICIDE. En réaction au silence institutionnel et au manque d’action pour prévenir le suicide des jeunes, ils et elles se sont donné.e.x.s pour mission de parler et faire parler du suicide.

4 réponses à “Repérer les signaux d’alerte du suicide

  1. “Dès lors, la principale caractéristique des signaux d’alerte pourrait être présentée comme l’augmentation du risque suicidaire d’une personne à un court terme.”

    Hein? Le principal signal d’alerte d’un risque suicidaire est l’augmentation du risque suicidaire ??

    1. Merci pour votre remarque ! Pour préciser, les signaux d’alerte sont révélateurs d’une augmentation du risque suicidaire à court terme, c’est ainsi qu’ils sont définis de manière générale dans la littérature scientifique. En espérant que cette formulation est plus claire pour nos lecteurs et lectrices 🙂

  2. Bravo pour cet article qui clair, bien écrit et également très utile ! Il qui nous sensibilise bien à ces signaux d’alerte qui sont importants à repérer dans une situation où une personne peut présenter un mal-être.
    Encore Bravo !

  3. L’aveugle à parfois la vue mais cela ne signifie pas qu’il voit.
    Le sourd entant le son de son coeur peu être ai ce cela qui le rend sourd.
    Le muet n’a pas les mots pour engendrer la voix car elle peu parfois rendre muette.
    Si la vie était faite autrement notre monde n’aurai pas d’aveugles, de sourds et de muets pour faire se monde.

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