Priorité à la défense du vivant et des territoires numériques

Au sujet du cyberespace

Le cyberespace est à la fois, un lieu d’expression de pouvoir des individus, des organisations et des États et un théâtre de diverses formes de conflictualité. Conflits personnels, politiques, économiques, idéologiques ou militaires se déroulent désormais au travers des infrastructures numériques. À la conquête des territoires géographiques s’est superposée celle des territoires numériques, des données, de leur traitement, de leur stockage et de leur transmission. Cette conquête s’étend de la maîtrise des infrastructures informatiques et de télécommunication, à celle des informations, en passant par le contrôle des services et applications et des utilisateurs.

 Une question de pouvoir, de puissance et de vision de société

Les pouvoirs politiques, militaires et économiques d’un État sont liés à sa capacité à contrôler l’écosystème numérique dont il est devenu dépendant. Or, tous les éléments constitutifs du cyberespace sont à la fois des moyens de domination et des cibles à attaquer.

Internet peut être instrumentalisé pour infliger des dégâts à l’ennemi sans combattre physiquement, sans l’envahir géographiquement, mais en réduisant son pouvoir dans les domaines économique, scientifique ou culturel. Provoquer l’effondrement d’un pays par des moyens numériques ou des sabotages est plus efficace que de le faire par des actions de guerre traditionnelle.

Les risques de destruction de l’écosystème politique, humain, économique, social et culturel d’un pays, par les technologies issues de la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de l’informatique et des sciences cognitives, sont réels.

Aucun pays n’est à l’abri de cyber actions visant à lui nuire. Toutefois, la force de frappe technologique n’est maîtrisée que par un petit nombre d’États, quelques mercenaires et par une poignée de grands acteurs privés dont la localisation géographique est elle aussi, très concentrée.

Pour un État, sa puissance s’exprime aujourd’hui par sa capacité à :

  1. S’approprier, protéger et défendre un espace numérique interconnecté (maîtrise de l’infrastructure matérielle, logicielle et de télécommunication, maitrise des données et de l’intelligence artificielle),
  2. Disposer d’une sphère d’influence informationnelle dans le cyberespace (maîtrise de l’information, de son traitement et du renseignement) ;
  3. Posséder les moyens suffisants pour maîtriser les cyber risques (maîtrise de la cybersécurité et de la cyber résilience, maîtrise de la gestion des cyber crises et de la cyberdéfense) ;
  4. Être un acteur respecté de la cyberguerre (maitrise de l’informatique offensive et défensive).

Comment agir pour une cyber paix alors que la seule option possible semble être, pour un pays, celle de l’accroisssement de ses moyens de cyberdéfense ?

De ce fait, chaque pays doit, dans sa posture de sécurité globale, intégrer une stratégie et des mesures opératives lui permettant non seulement de développer la robustesse et la résilience de ses infrastructures numériques, mais aussi de pouvoir démontrer ses capacités de cyberdéfense et de cyber dissuasion.

Si l’investissement en matière de cyberdéfense apparait aujourd’hui fondamental, il n’est pas moins nécessaire d’initier un cercle vertueux pour que les technologies du numérique soient réellement au service du vivant et non un instrument d’expression de pouvoir, dans une course à l’armement technologique infinie, ou un moyen de concentration des richesses et d’exploitation sans limites de la nature.

Cyber actions et cyber réactions

Pouvoir assurer et maintenir un niveau de cybersécurité efficace des infrastructures numériques et des réseaux de télécommunication et pouvoir, le cas échéant, répondre à des cyberattaques d’envergure est important. L’approche de « sécurité et défense » du patrimoine numérique et des infrastructures vitales nécessaires au bon fonctionnement du pays, nécessite une bonne capacité d’anticipation et de maîtrise de l’information stratégique. Cela passe par un contrôle approprié des processus d’information, désinformation, de renseignement et d’intelligence. D’où l’importance d’un savoir-faire certain en matière de technologies et de sécurité de l’information.

Tout ceci, suppose une organisation, une stratégie cohérente basées sur des scenarii de risques crédibles, une politique de sécurité adaptée, une préparation, des outils, des compétences, des processus mais aussi des entrainements et des exercices de simulation de gestion de crises et de réaction à des cyberattaques.

Se préparer à faire face à des cyber malveillances, voire à des cyber guerres, suppose en amont, de savoir éviter ou savoir appréhender correctement des cas de cyber pannes et de cyber dysfonctionnements d’origine non intentionnelle, engendrés par des accidents ou des défauts de conception, de mise en œuvre, de gestion ou d’usage des infrastructures numériques.

Défi civilisationnel et politique de sécurité

En matière de cyber risques, il ne s’agit pas uniquement de savoir gérer l’incertain et le probable, il s’agit d’être efficace dans la protection et la défense des territoires numériques. Cela passe par une démarcation de la posture qui rend un pays toujours plus fragile et plus dépendant des infrastructures, fournisseurs et chaines approvisionnement du numérique.

Aucune organisation, aucun pays, ne peut faire l’impasse d’une réflexion approfondie sur la manière dont sa dépendance au numérique engendre de nouveaux risques. Comme tous les autres pays, la Suisse, pour répondre à ce défi civilisationnel, doit, entre autre, être une championne de l’analyse prospective, se doit de disposer d’une politique de sécurité adaptée et d’accorder suffisamment de ressources pour se protéger des menaces et des risques d’aujourd’hui et de demain. En ne se focalisant pas sur les risques d’hier, il est possible de déterminer les moyens de sécurité et de défense nécessaires et d’investir au mieux, pour que demain soit différent mais en mieux. Penser à l’avenir, ne se résume pas à remplacer du vieux matériel par du nouveau.