L’espérance est un sentiment, un état d’esprit, psychologique, existentiel, philosophique ou religieux. Le Petit Robert m’assure que les espérances, au pluriel, s’agissant de l’attente d’un héritage, est une expression qui se réfère à un sens vieilli du mot – tant mieux, c’était horripilant. Par contre, il est beaucoup question ces temps de la notion statistique d’espérance de vie, qui désigne la durée moyenne de la vie humaine dans une société donnée.
Je ne suis pas sûre que, dans ce cas, le mot soit bien choisi. Il laisse supposer que vivre le plus longtemps possible est quelque chose qu’il va de soi d’espérer. Or, même si la plupart d’entre nous, heureusement, aiment la vie, nombreux sont celles et ceux qui subordonnent cet amour de la vie à la possibilité d’en jouir – pas nécessairement en faisant du surf en Californie, mais de l’une ou l’autre des dix mille manières où l’on peut rester en contact physique et psychique avec le monde. Pour les personnes, en augmentation régulière, qui s’inscrivent à des organismes comme Exit, ou qui envisagent de le faire, la vie est un bien relatif, pas un bien absolu. On espère qu’elle sera longue, mais à certaines conditions.
En réalité, la question est même beaucoup plus compliquée. La durée de l’espérance de vie est considérée comme un indice du développement économique et social d’une société. En ce sens, il est évident qu’il faut espérer la prolongation de cette espérance partout où elle est plus basse qu’ailleurs. Une société où les gens vivent en moyenne plus longtemps qu’avant est une société où les gens vivent en moyenne mieux qu’avant, sont mieux soignés, mieux nourris, mieux éduqués etc., et c’est cela qui importe. Mais, en soi, les variations de l’espérance de vie ne sont que d’infimes aménagements de notre condition humaine, où l’espérance de l’éternité (sur terre, en tout cas), n’est pas prévue.